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Un Congrès de masse et combatif

Mobilisation des Sans Terre devant le Palais présidentiel, Brasilia, 12 février 2014

Mobilisation des Sans Terre devant le Palais présidentiel, Brasilia, 12 février 2014

Assemblée du Congrès national du MST, Brasilia, 11 février 2014

Le sixième Congrès national du Mouvement des travailleurs ruraux Sans Terre (MST) s’est achevé vendredi dernier, 14 février. De lundi à vendredi, 14 000 militant-e-s Sans Terre ont monté leur campement au centre de la capitale Brasilia et débattu de l’avenir de la lutte pour la terre au Brésil, des alliances à réaliser entre travailleurs ruraux et urbains pour affronter le capitalisme financier et l’agronégoce, de la libération de la femme. Le mot d’ordre qui a donné le ton du Congrès: « Lutter! Construire la Réforme Agraire Populaire. »

Un nouveau modèle de Réforme Agraire

Les débats n’ont pas évité les difficultés affrontées par le MST. Elles étaient résumées par João Pedro Stedile, dirigeant national du MST: depuis les années 2000, une avalanche de capital étranger a déboulé sur les terres brésiliennes. Conséquence: 85% des terres agricoles sont contrôlées aujourd’hui par les firmes de l’agronégoce, et recouvertes par les monocultures de soja, maïs, eucaliptus, destinés à l’exportation. Ce modèle de production entraîne un renforcement de la concentration des terres, et expulse les travailleurs ruraux  de la campagne. Pour compléter le tableau, le lobby de l’agronégoce domine largement les médias et la classe politique, au-delà des différences partisanes. Ces facteurs expliquent le recul de la réforme agraire au cours de la dernière décennie.

Tout n’est pourtant pas perdu. Comme le soulignait Stedile, « l’agronégoce est temporaire. Il va succomber sous ses propres contradictions »: ce modèle de production empoisonne terres et travailleurs par l’usage intensif de produits agrotoxiques, ne crée pas d’emplois, entraîne une désindustrialisation du pays et place le Brésil dans une situation de dépendance face à la demande en matières premières – et la fluctuation de leurs prix – sur le marché mondial.

« Face à ce modèle, nous devons défendre un nouveau type de Réforme Agraire », a martelé João Pedro Stedile: une Réforme Agraire Populaire, qui va au-delà de la simple redistribution des terres: elle implique un changement de la matrice productive de l’agriculture brésilienne, fondé sur les principes de l’agro-écologie, le développement d’agro-industries décentralisées produisant des aliments destinés au marché intérieur, le développement de l’éducation et l’accès aux services de santé à la campagne.

Reprise des luttes

Un vaste programme, qui ne pourra être appliqué, selon Stedile, que si l’ensemble des organisations de travailleurs du pays unissent leur lutte à celle du MST, à travers d’une reprise générale des luttes sociales. Le jeudi soir (13 février), Stedile appelait à l’unité de toutes les composantes de la gauche au cours d’un acte politique en faveur de la réforme agraire, regroupant des secteurs larges de la société, des évêques au très à gauche PSTU (Parti socialiste des travailles unifiés), en passant par le secrétaire général de la présidence, Gilmar Carvalho (PT, Parti des Travailleurs).

Stimuler la participation populaire

Les débats n’ont pas fait l’économie des défis internes posés au MST. Pour Jaime Amorim, dirigeant de l’Etat de Pernambouc (Nord-Est), l’heure est venue de reprendre le chemin des occupations massives de latifundia à travers le pays, seule issue pour arracher la réforme agraire face à un gouvernement qui l’a reléguée au placard. Une option partagée par Gilmar Mauro, dirigeant national de l’organisation. Pour Mauro, l’organisation doit, pour retrouver son punch, stimuler l’horizontalité et la participation la plus large de sa base, stimuler la participation des femmes et passer le témoin à une nouvelle génération de dirigeants. Comme le soulignait le dirigeant: « C’est la classe travailleuse qui va réaliser la réforme agraire, et pas une poignée de dirigeants qui le feront à leur place », rappelait le dirigeant. Avant de conclure: « Plus que tout, nous devons lutter. Car c’est dans la lutte que le travailleur devient protagoniste de son histoire, qu’il se forme et qu’il transforme la société. »

Un élément important: ont été invités lors du débat de mercredi sur la lutte des classes au Brésil, aux côtés de représentants des traditionnelles  centrales syndicales CUT et Força Sindical, une représentante du Mouvement Passe Livre, à l’origine des grandes manifestations de juin 2013, et de la combative centrale Intersindical, issue d’une rupture avec la CUT (liée au PT). Quand le nouveau rejoint l’ancien…

Mobilisation déterminée

Après la parole, les actes. Le jeudi 13 février, les 15 000 militant-e-s réalisaient une gigantesque marche à travers Brasilia. Arrivés devant le Palais gouvernemental, le MST montrait sa détermination: confronté à la violence policière qui voulait l’empêchait de dérouler ses banderoles devant l’entrée du bâtiment, les manifestant-e-s ne reculaient pas, malgré les tirs au Taser, les gaz lacrymogènes et les balles en caoutchouc. Ils montaient, devant le Palais présidentiel, leurs baraquements en bois, symbolisant les près de 200 000 familles attendant une terre sous des bâches à travers le pays. En même temps, ils réalisaient une action poussant le Suprême Tribunal Fédéral – ultra-conservateur, qui bloque systématiquement tous les procès de désappropriation de terres – à interrompre sa session en cours. La pression allait payer: le lendemain, la présidente Dilma Rousseff (PT) recevait, pour la première fois en trois années de présidence, une délégation du MST. À l’issue de la réunion, elle s’engageait à octroyer une terre à 30 000 familles en 2014 et à remettre la réforme agraire à l’ordre du jour.

Reste à voir si ces promesses se concrétiseront. N’oublions pas que, mardi 11 février, durant le Congrès du MST, la présidente visitait une plantation de soja et célébrait la « victoire de l’agrobusiness » brésilien, qui a connu en 2013 une production record. Le facteur déterminant sera, sans doute, la capacité du MST à radicaliser sa lutte. Les premiers tests viendront rapidement, lors des Journées d’action du 8 mars, puis des mobilisations de l’ »avril rouge. » Un signal important a été donné à Brasilia.

Source : http://amisdessansterre.wordpress.com/2014/02/18/un-congres-de-masse-et-combatif/


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