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(Vidéo VO ST FR:) Atelier audiovisuel des Sans Terre du Brésil pour les communard(e)s du Venezuela

En mars 2023 l’École de Communication des Mouvements Sociaux « Hugo Chávez » a invité Maria da Silva du Mouvement des Sans Terre du Brésil à donner un atelier de formation audiovisuelle à 15 communard(e)s vénézuélien(ne)s.

Dans le but de renforcer une méthode originale de pratiquer la communication communarde, des exercices visuels et sonores ont été réalisés pour comprendre, observer et composer des images et des sons à partir des réalités concrètes des communes. Un espace de réflexion et de dialogue constant s’est créé sur la nécessité de construire un imaginaire audiovisuel endogène qui concentre toute la force expressive de la commune.

Production et montage : Victor Hugo Rivera. Production : Terra TV. République bolivarienne du Venezuela, 2023.

URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2023/04/11/video-vo-st-fr-atelier-audiovisuel-des-sans-terre-du-bresil-pour-les-communardes-du-venezuela/



Le travail de terrain des Sans terre du Brésil au Venezuela

Venezuela, janvier 2023. Ce reportage montre un exemple du travail de terrain mené par la Brigade des Sans Terre « Apolonio de Carvalho » au Venezuela. Sur les terres de la résistance héroïque des ex-esclaves emmenés par Guillermo Ribas, le Ministère des Communes et des Mouvements Sociaux – accompagné de membres du mouvement afro-vénézuélien et de la Brigade des sans Terre – se réunit avec la communauté organisée de Mango de Ocoita. Objectif: écouter les critiques et les propositions pour construire un plan de travail commun, entre autres sur la production du cacao comme maillon de la nouvelle économie communale. Reportage sous-titré en français (17 min.). Prod. Terra TV, République Bolivarienne du Venezuela 2023.

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/02/15/video-mango-de-ocoita-coeur-de-la-revolution-bolivarienne-terra-tv/



Visite de militant(e)s du Mouvement des Sans Terre en France et au Pays Basque : “au Brésil 1% de la population possède 72% des terres”
24 janvier 2023, 3:17
Filed under: Solidarité internationale

Qui êtes-vous?

Jeisse Costa Carvalho : Je viens de l’État du Roraima dans la région Amazonienne du Brésil. Je fais partie du collectif national de la jeunesse du Mouvement des Sans Terres (MST) et je suis étudiante en Politiques Publiques. Mes grands parents étaient paysans.

Wesley Lima : Je suis issu d’une famille de paysans de l’État du Sud de Bahia, installé sur des terres acquises par le biais de la réforme agraire. Ma famille produit du cacao et de la banane. Journaliste de profession, je suis membre de la direction nationale du MST.

Quel est l’objectif de votre séjour ?

J. C.C. : Nous avons été désignés par le MST pour venir découvrir les dynamiques autour de l’agriculture paysanne en France. Nous sommes arrivés le 5 novembre et nous repartons le 2 février. On s’intéresse, entre autre, au développement de la production bio en France et à la manière dont fonctionnent les coopératives. Pour l’instant, ce qui m’a le plus attiré l’attention ce sont les différentes manières de travailler la terre d’une région à une autre, tout en gardant une identification commune autour de l’agriculture biologique. Au Brésil nous avons encore beaucoup à faire dans ce sens.

W. L. : Il est aussi intéressant d’observer les processus d’organisation des paysans et paysannes autour d’autres thèmes comme la place des femmes et des personnes LGBT à la campagne. Nous avons par exemple rencontré deux militantes de la commission femmes de la Confédération paysanne.

Quel est la situation de l’agriculture au Brésil ?

J. C.C. : Cela dépend de la région. Dans la région Amazonienne par exemple où il y a beaucoup de végétation fructifère, les familles paysannes produisent des haricots pour l’autoconsommation tandis que les noix du Brésil sont une de leur principale source de revenu. Mais au Brésil il y a les deux extrêmes entre d’un côté l’agriculture vivrière et de l’autre l’agriculture tournée vers l’exportation de ce qu’on appelle les “commodities”, c’est à dire les matières premières agricoles.

W. L. : Au Brésil, 1% de la population possède 72% des terres agricoles, utilisées pour produire des “commodities” destinées à l’exportation : soja, canne à sucre et viande bovine principalement. Mais ce n’est pas cet agriculture qui arrive à la table des consommateurs. 70% de ce qu’on trouve sur les tables des brésiliens provient de l’agriculture familiale et notamment de la réforme agraire. Parler de la campagne brésilienne c’est parler des inégalités éco-sociales entre la classe travailleuse et le grand capital.

Le MST a été créé en 1984 sous le slogan “occuper est l’unique solution”

J. C.C. : Depuis la colonisation portugaise, notre histoire est marquée par les inégalités sociales qui se traduisent par des problèmes d’alimentation et d’accès à la terre. Ainsi, en 1985, le premier Congrès du MST a eu lieu sous le slogan “occuper est l’unique solution”. L’occupation des terres est notre principal outil de lutte, pas seulement pour dénoncer mais également pour reconquérir et redistribuer les terres à ceux qui n’y ont pas accès. En 38 ans de luttes du MST, 450 000 familles paysannes ont eu des terres par le biais de l’occupation et 120 000 autres familles sont en attente d’une solution juridique.

W. L. : Ma famille a par exemple obtenu des terres grâce à ce processus. Lorsque nous occupons des terres, nous déposons un dossier à l’INCRA, l’institut national de la réforme agraire, qui ensuite a la compétence de légaliser ces installations. Ces terres expropriées deviennent publiques et l’État octroie un droit d’usage à la famille pour qu’elle y travaille. On dit alors que la famille a accédé à la terre par le biais de la réforme agraire. Mais la terre est juste la première étape pour obtenir ce qu’on appelle “la dignité complète”, à savoir l’accès à l’éducation, à la culture, aux différentes infrastructures pour faciliter la production.

Vous avez également mené d’autres campagnes de luttes…

J. C.C. : Dans les banlieues, durant la pandémie du Covid, des millions de brésiliens se sont retrouvés en situation de faim. Lors de la crise sanitaire, le MST a alors distribué 7000 tonnes de nourriture et deux millions de repas, et construit plus de 50 cuisines solidaires. Par ailleurs, le MST produit 16 000 tonnes de riz bio par an à travers 160 coopératives que nous avons dans tout le pays.

W. L. : Une de nos campagne prioritaire du moment est la plantation d’arbres pour répondre à la déforestation engendré par les grands propriétaires. En un an, la déforestation a en effet augmenté de 350 %. Nous avons donc pour objectif de planter 100 millions d’arbres en dix ans.

Qu’attendez vous du retour de Lula à la tête du Brésil ?

J. C.C. : Cela nous donne un peu d’espérance mais il y a tellement de choses à faire pour changer ce modèle de dégradation de la nature et d’exploitation des travailleurs. Pour certains, malheureusement, la terre reste une simple marchandise source de profits. Je pense qu’un des avantages de Lula est que c’est une personnalité politique reconnue au niveau international. Ses relations avec les pays importateurs de nos matières premières seront importantes pour peser contre les producteurs de “commodities” destinées à l’exportation.

W. L. : Il y a quelques projets sociaux qui sont déjà dessinés : la bourse de la famille, des étudiants etc. Le problème est que Bolsonaro a bloqué les budgets de l’éducation, de la santé, du social. Il y a donc un défi administratif pour ajuster ces budgets.

Entretien paru dans Laborari, l’hebdomadaire du syndicat ELB, Euskal Laborarien sindikata, syndicat de défense des paysans du Pays Basque et de promotion de l’agriculture de qualité. Etxaldeak eta herriak bizi diten !

URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2023/01/24/visite-de-militantes-du-mouvement-des-sans-terre-en-france-et-au-pays-basque-au-bresil-1-de-la-population-possede-72-des-terres/



L’alliance entre les Sans Terre du Brésil et le gouvernement bolivarien du Venezuela s’intensifie

L’alliance inédite entre un mouvement social et un gouvernement révolutionnaire, scellée par le président Chávez en 2006, se renforce : le président Nicolas Maduro a demandé à son Ministère des Communes et des Mouvements Sociaux d’intensifier la coopération avec les Sans Terre du Brésil.

Le ministère dirigé par Jorge Arreaza, et le Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre du Brésil (MST), représenté par son coordinateur national Joao Pedro Stédile, ont tenu le 30 novembre 2022 une vidéoconférence dans le but de renouveler et d’intensifier le programme de coopération et de travail. Un moment particulièrement propice, a rappelé Arreaza, puisque le Venezuela aborde une nouvelle étape de sa transition vers le socialisme et le Brésil entame une nouvelle étape politique avec la victoire de Lula da Silva.

En août dernier, le président Nicolás Maduro avait déjà demandé aux Sans terre de l’aider à développer un projet agro-écologique de plantation de riz. Des représentants du Mouvement ont alors effectué une visite technique au Complexe électronique de systèmes technologiques d’Alcaraván, situé dans l’État rural de Guárico, et ont étudié la possibilité d’une coopération technique. Il existe un protocole d’accord entre l’organisation internationale basée au Brésil et le ministère des communes, signé en 2014, huit ans après le premier accord signé avec le gouvernement bolivarien à la suite d’une visite-surprise du Président Chavez à une terre occupée et mise en production par les Sans Terre au Brésil.

Dans son discours, le ministre des Communes Arreaza, a défini le rapprochement comme une nouvelle étape pour générer une alliance politique, technique, technologique et sociale, une alliance intégrale entre le Venezuela et le Brésil, dans laquelle le Mouvement des Sans Terre (MST) et le ministère des communes et mouvements sociaux du Venezuela sont les principaux interlocuteurs.

Un échange de techniques et de savoirs : le Venezuela met à la disposition du MST les processus et les connaissances sur l’expérience de l’organisation du pouvoir populaire et des organisations communardes comme l’outil technologique Sistema de Integración Comunal (SINCO), plate-forme en ligne créée par le Conseil Fédéral du Gouvernement bolivarien pour maintenir une communication directe avec les Conseils Communaux, les Communes, les Mouvements Sociaux et toute organisation de base qui formule ses propres projets et demande l’appui des ressources de l’État.

« Nous avons toujours compris, en théorie et en pratique, que les changements structurels et sociaux ne sont possibles dans une société que lorsque nous parvenons à une équation qui unit un gouvernement populaire à des mouvements populaires forts et disposant d’une masse organisée. Nous suivons votre expérience vénézuélienne avec grand intérêt, car vous avez la possibilité de réunir cette équation » a déclaré Joao Pedro Stedile, de la coordination nationale du MST brésilien, au début de sa participation, au cours de laquelle il a remercié le Venezuela pour sa solidarité constante dans sa lutte politique.

Stedile a expliqué l’expérience particulière du Mouvement en matière « d’organisation, de production, de vie dans les zones rurales« , afin que le ministère des Communes puisse décider comment en faire bénéficier le Venezuela, un aspect de la coopération qu’il a divisé en plusieurs domaines : l’éducation technique, « nous avons investi beaucoup d’énergie dans le développement d’écoles supérieures d’agroécologie et de coopérativisme » ; la formation politique pour élever le niveau de culture et de conscience ; le contrôle des semences, l’agro-industrie coopérative, les machines et outils agricoles, et les bio-intrants, fondamentaux pour affronter le modèle agro-industriel.

Le coordinateur national des Sans Terre a également avancé l’idée d’établir un bureau ou une antenne à Caracas pour la coordination technologique et scientifique, ce que le ministre Arreaza a accueilli positivement, tandis qu’il a proposé de renforcer l’Institut universitaire d’agroécologie « Paulo Freire », situé à Barinas, né de la coopération avec le Mouvement des Sans Terre, dont le leader a ajouté que des écoles d’agroécologie devraient également être créées dans les organisations communardes. Lors de cette vidéoconférence organisée à Caracas le 30 novembre, les deux parties se sont engagées à maintenir la communication et à établir d’autres réunions directes afin de concrétiser et de faire le suivi de ces actions.

Source : https://www.comunas.gob.ve/2022/11/30/ministerio-comunas-movimiento-sin-tierras-brasil-renuevan-programa-trabajo/

Traduction : Thierry Deronne


URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2022/12/03/lalliance-entre-les-sans-terre-du-bresil-et-le-gouvernement-bolivarien-du-venezuela-sintensifie/



Les Sans Terre du Brésil à l’école du Venezuela: « ici, le peuple est vraiment le sujet de la révolution »
Les Sans Terre du Brésil à l’école du Venezuela: « ici, le peuple est vraiment le sujet  de la révolution »

Photo: Messilene Gorete, coordinatrice de l’équipe des Sans Terre du Brésil au Venezuela. « Parfois, à gauche, nous avons des schémas très fermés sur le niveau de préparation et de planification nécessaire pour avancer, et cela peut devenir un obstacle. Au Venezuela, les gens savent que tout cela est nécessaire, mais la créativité – dans un pays où les gens sont très spontanés – est une grande vertu de la révolution bolivarienne. Et la commune vénézuélienne est un modèle dont notre continent a besoin.« 

Le Mouvement brésilien des Travailleurs Sans Terre est une puissante organisation paysanne qui lutte pour une réforme agraire radicale et populaire. L’organisation a une longue tradition internationaliste et envoie des brigades de solidarité dans le monde entier pour accompagner les mouvements paysans. Au Venezuela, l’équipe des Sans Terre a été invitée par Hugo Chávez et travaille depuis près de 18 ans. Elle y joue un rôle important dans l’aide aux mouvements communaux et paysans de ce pays des Caraïbes. Entretien avec Messilene Gorete, qui coordonne cette équipe.

L’internationalisme a toujours été important pour le Mouvement des Sans Terre. Ici, au Venezuela, la Brigade Apolônio de Carvalho accompagne les mouvements paysans depuis près de deux décennies. Comment le Mouvement des Sans Terre conçoit-il l’internationalisme ?

L’internationalisme est dans l’ADN de notre organisation. Depuis la naissance de l’organisation, nous appuyons les luttes qui ont lieu au-delà des frontières du Brésil comme si elles étaient les nôtres. Sur le drapeau des Sans Terre, on voit un homme et une femme sur fond de carte du Brésil, mais aussi une machette paysanne qui s’étend au-delà de la frontière. Nous avons intégré l’internationalisme à notre stratégie politique de manière plus formelle, car nous comprenons que la lutte pour la réforme agraire ne peut être menée de manière isolée. Il est nécessaire de construire des liens de solidarité, d’apprendre avec les autres et de lutter ensemble.

Notre internationalisme découle d’une longue tradition en Amérique latine et dans le monde. La révolution cubaine est un exemple clé pour les Sans Terre; l’internationalisme extraordinaire du peuple cubain nous a beaucoup enseigné. Nous avons également appris des luttes de libération en Amérique Centrale, en particulier des brigades internationalistes qui ont accompagné les révolutions sandiniste et salvadorienne. Bien sûr, l’internationalisme bolivarien du processus vénézuélien a également laissé sa marque sur notre organisation. Nous comprenons l’internationalisme à la fois comme un principe et comme une pratique. En tant qu’organisation révolutionnaire, nous ne pouvons survivre que si nous construisons et apprenons avec les autres de manière solidaire.

La brigade Apolônio de Carvalho, l’équipe des Sans Terre basée au Venezuela, tire son nom d’un grand révolutionnaire brésilien : Apolônio est parti en Espagne pour lutter contre Franco avec les Brigades Internationales. Lorsque nous sommes arrivés au Venezuela, nous avons pris ce nom pour lui rendre hommage.

Photos : Le drapeau des Sans Terre du Brésil

L’un des défis auxquels le Venezuela est confronté aujourd’hui est de surmonter la logique rentière qui a transformé l’économie vénézuélienne en une économie dépendante et « portuaire ». Le Mouvement des Sans Terre, fort de sa vaste expérience, accompagne les organisations paysannes et communales dans tout le Venezuela, en promouvant une agriculture durable qui peut rompre avec la dépendance et construire la souveraineté alimentaire.

Comment travaillez-vous avec ces organisations locales ?

La Brigade Apolônio de Carvalho est présente au Venezuela depuis 2005. Hugo Chávez avait demandé que le Mouvement des Sans Terre apporte son expérience au Venezuela et accompagne les organisations paysannes dans la production alimentaire, avec pour objectif la transition vers la souveraineté alimentaire. Nous avons accompagné diverses organisations paysannes dans le pays. Nous avons fait de la production de semences une priorité afin que l’agriculture locale puisse assurer la souveraineté alimentaire du pays. Mais la production de semences ne peut être un objectif isolé. L’objectif est de changer l’ensemble du modèle de production. L’ensemble du modèle doit être radicalement modifié. Pour cela, il faut appliquer un schéma agroécologique intégral.

Dans notre travail, nous nous concentrons également sur les chaînes productives, terme utilisé par Chávez pour désigner le cycle intégral de production, de commercialisation et de consommation des aliments. C’est une chose à laquelle nous devons penser lorsque nous tentons de construire la souveraineté alimentaire. Sortir de l’économie rentière basée sur le pétrole passe par développer une nouvelle conscience. Cependant, cette conscience ne viendra que lorsque de nouvelles pratiques de production et d’organisation commenceront réellement à émerger.

Photos: En 2005, Hugo Chávez a visité le campement du MST de Lagoa do Junco, à Río Grande do Sul, au Brésil. Un accord de coopération a été signé lors de cette visite. (MST)

Avec quels types d’organisations et d’institutions le Mouvement des Sans Terre travaille-t-il au Venezuela ?

À nos débuts, nous avons travaillé avec le mouvement paysan Frente Campesino Ezequiel Zamora. Nous avons également travaillé avec des institutions gouvernementales et des organisations communales. Nous avons assumé les communes comme une priorité. Nous soutenons les organisations communales au Venezuela, mais nous apprenons aussi d’elles. Le modèle communal est quelque chose dont tout le continent a besoin ; c’est une façon de faire qui transforme vraiment le système existant, et la révolution bolivarienne en a fait une pratique. C’est très important pour les Sans Terre du Brésil.

Ce que nous avons fait avec les communes, c’est les aider comme nous le pouvons. Mais il est encore plus important d’apprendre des pratiques quotidiennes des gens lorsqu’ils se réunissent, construisent une commune sur leur territoire et développent une stratégie de production ayant pour objectif le bien commun. Dans une commune, tout cela se passe en construisant une nouvelle hégémonie. Au fur et à mesure que les conseils communaux, les entreprises de propriété sociale et le parlement communal se développent, le projet prend forme comme quelque chose de viable dans l’esprit des gens. Je pense que le plus grand enseignement de la révolution bolivarienne pour ceux qui luttent, y compris les Sans Terre, est la commune.

Le Mouvement des Sans Terre s’est engagé dans l’agriculture écologique. Comment faites-vous pour promouvoir cela ici au Venezuela ?

Il n’est possible de construire un projet souverain que si nous changeons réellement le modèle productif dans les zones rurales. Pour ce faire, une formation et une préparation techniques sont nécessaires, mais l’éducation politique est également indispensable. Pour qu’un tel changement se produise, les gens doivent comprendre que si nous luttons pour un modèle social différent, si notre horizon est le socialisme et si nous travaillons avec l’idée d’une nation souveraine, il est urgent de repenser nos modes de production. Pour résoudre ce casse-tête, l’agroécologie est un élément important. Par ailleurs, l’agriculture technologique doit devenir une politique d’État. En d’autres termes, l’agroécologie n’est pas seulement une méthode pittoresque à appliquer dans la production de conucos [parcelles traditionnelles de production familiale] ; le modèle doit être viable et permettre de nourrir l’ensemble de la société de manière durable. En ce qui concerne l’agriculture durable, notre tâche consiste à la promouvoir, à offrir un soutien technique et une éducation politique. Les Sans Terre ont également fait don de semences à l’Union Communarde pour aider à la transition vers l’agriculture durable.

Lorsque nous organisons des ateliers avec les paysans, nous enseignons les techniques de l’agriculture durable : de la production d’intrants agricoles biologiques aux méthodes non toxiques d’éradication des parasites. Il est intéressant de noter que la crise et le blocus ont fait tomber certains des obstacles au passage à l’agriculture durable. Désormais, de nombreux paysan(ne)s comprennent qu’il est possible et nécessaire de produire sans produits chimiques. Néanmoins, le passage à des pratiques écologiques dans la production à grande échelle reste un défi immense. Le but n’est pas de forcer les gens à changer leur modèle agricole, mais d’aider à créer les conditions pour qu’ils comprennent que ce changement est viable et nécessaire. Après tout, si cela ne se produit pas, les producteurs continueront à être dépendants des sociétés transnationales et le pays continuera à importer d’énormes quantités d’intrants agricoles. Il va sans dire que les pratiques agricoles traditionnelles ont des effets néfastes sur la vie des paysan(ne)s, mais aussi sur l’environnement.

Un modèle social différent exige un changement dans la façon dont la production se déroule dans les zones rurales. C’est pourquoi nous offrons des ateliers technico-politiques aux communes et aux autres organisations paysannes.

Les Sans Terre font désormais partie du paysage des mouvements populaires au Venezuela, dans une révolution qui se considère comme bolivarienne et, pour cette raison, latino-américaine. Qu’ont appris les Sans Terre de ce processus ?

Cela fait presque 18 ans que la première équipe de Sans Terre a atterri au Venezuela. Notre méthode de formation des brigades est la suivante : les compagnes et compagnons internationalistes Sans Terre restent ici pendant environ deux ans, puis nous retournons au Brésil, pour partager notre apprentissage avec d’autres membres de l’organisation. Dans l’ensemble, nous pensons que nous avons appris beaucoup plus que ce que nous avons enseigné ici.

Les membres de l’organisation qui viennent au Venezuela apprennent du processus bolivarien. Partager l’expérience des Sans Terre dans un pays en plein processus révolutionnaire constitue pour nous une école. Nous apprenons beaucoup des succès de la révolution bolivarienne, mais nous apprenons aussi des contradictions de la vie quotidienne des gens. Nous apprenons ce que nous devons et ne devons pas faire dans une société en transition vers le socialisme.

Parmi les choses les plus concrètes que nous avons apprises, il y a la façon dont le peuple vénézuélien a été l’acteur central de son processus révolutionnaire – en particulier les organisations politiques de base – et comment un processus en mouvement constant élève le niveau de conscience du peuple par la participation directe. Il ne s’agit pas d’une simple spontanéité, mais d’une participation intense, liée à une organisation territoriale et nationale. C’est une grande leçon pour nous : les gens doivent être impliqués dans les processus d’organisation dans toutes les sphères de la vie. Et oui, la commune est un espace où nous avons beaucoup appris. Dans les espaces communaux, les gens comprennent la nécessité de s’organiser pour construire une société vraiment différente.

Nous avons également appris de la créativité quotidienne des gens dans le processus bolivarien. Parfois, à gauche, nous avons des schémas très fermés sur le niveau de préparation et de planification nécessaire pour avancer, et cela peut devenir un obstacle. Au Venezuela, les gens savent que tout cela est nécessaire, mais la créativité – dans un pays où les gens sont très spontanés – est une grande vertu de la révolution bolivarienne.

Nous avons également beaucoup appris des processus électoraux. Le Mouvement des Sans Terre accompagne ces processus parce que le conflit électoral est aussi une bataille pour la défense du projet révolutionnaire. Ici, les élections ne sont pas liées à des intérêts individuels ou de groupe, mais à des intérêts collectifs. C’est très différent du Brésil, où les élections sont une sorte de marché et où la finance tend à gagner et à conserver le pouvoir. Ce qui est en jeu dans un processus électoral au Venezuela, c’est un projet politique. Ici, les élections ne sont pas un marché.

Le Venezuela nous a appris qu’une campagne n’est pas seulement un outil pour être élu, c’est aussi un moment pour se rapprocher des organisations de base et stimuler la participation du peuple. Le Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV, principal parti chaviste) est le parti le plus avancé du continent lorsqu’il s’agit de défendre une révolution dans un tourbillon électoral. Bien sûr, les élections se déroulent ici dans les paramètres de la démocratie bourgeoise, mais les campagnes aident à construire un autre type de démocratie.

Nous avons aussi appris de l’anti-impérialisme et des pratiques patriotiques de la révolution bolivarienne, qui sont très tangibles dans la vie quotidienne du peuple vénézuélien. Le Brésil n’a pas connu de lutte historique pour son indépendance, et c’est peut-être pour cela que nous avons une société très fragmentée, une société qui n’a pas la défense de la patrie comme valeur fondamentale.

D’un point de vue politique, notre société est beaucoup plus dominée. Au Venezuela, nous avons appris comment construire un sentiment patriotique – non pas au sens du nationalisme bourgeois, mais avec l’objectif d’avoir un pays véritablement indépendant à tous les niveaux : économique, politique et social.

Photo: L’école technique agricole Ernesto Guevara d’El Maizal est gérée en collaboration avec les Sans Terre. (Commune d’El Maizal)

Le Brésil a des élections présidentielles le 2 octobre 2022. La course opposera l’extrême droitier Jair Bolsonaro au progressiste Lula da Silva. Quelle est l’importance de cet événement pour le Brésil et pour le continent ?

Le Brésil traverse une grave crise sociale et économique : les conditions de vie de la population sont catastrophiques. Des dizaines de milliers de personnes vivent dans la rue, dans des conditions de misère absolue, tandis que 60 millions de personnes sont directement touchées par la crise capitaliste : le chômage et l’inflation des prix alimentaires sont endémiques et les idées fascistes continuent de progresser. Bien entendu, le gouvernement d’extrême droite de Bolsonaro n’a aucun intérêt à résoudre les nombreux problèmes sociaux de notre pays. Au contraire, ses politiques favorisent le marché et la bourgeoisie, tandis qu’il encourage les idées fascistes et promeut un discours de violence.

C’est pourquoi nous pensons que les prochaines élections présidentielles revêtent une importance stratégique pour le Brésil et pour l’Amérique latine dans son ensemble. Si Lula gagne, la carte du conflit continental changera : cela permettra à la gauche et aux projets progressistes de continuer à avancer. La confrontation avec l’impérialisme et son projet économique broyeur se fera également dans des conditions plus favorables.

Le peuple brésilien doit choisir Lula comme président. Ce ne sera pas facile, mais il y a de bonnes chances que nous réussissions. En tout cas, pour atteindre notre objectif, nous devons travailler dur ; nous luttons contre un ennemi très puissant. Il dispose d’un solide soutien de 30% d’électeurs et de nombreux pouvoirs de facto, et de tentacules de grande envergure.

Les Sans Terre participe à la bataille électorale en promouvant des comités de débat à la base. Les débats au sein de ces comités vont de l’avenir du pays aux politiques qu’un gouvernement populaire du PT [Parti des travailleurs] devrait promouvoir. Les élections du 2 octobre sont très importantes, mais une victoire ne serait qu’un début. Les gens devront être prêts à défendre cette victoire. La situation du pays ne sera pas résolue avec des politiques d’assistanat, mais avec des politiques qui restructurent les choses en faveur du peuple. La crise du Brésil fait partie de la crise du capitalisme. Pour aller de l’avant avec les grandes réformes dont nous avons besoin, la mobilisation sera essentielle.

Enfin, le Brésil a un rôle important à jouer en matière d’unité latino-américaine. Il est urgent de réactiver les projets qui rassemblent le continent. Chávez a promu l’intégration économique et politique avec des mécanismes tels que la CELAC [mécanisme de dialogue multilatéral latino-américain] et l’UNASUR [mécanisme d’intégration sud-américain]. Alors que l’impérialisme états-unien perd son hégémonie, les gouvernements progressistes du continent doivent unir leurs forces. C’est pourquoi une victoire de Lula et du Parti des Travailleurs (PT) en octobre est importante non seulement pour le Brésil mais aussi pour l’ensemble de l’Amérique latine.

Propos recueillis par Cira Pascual Marquina

Source : https://venezuelanalysis.com/interviews/15536

Traduction de l’anglais : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2022/05/27/les-sans-terre-du-bresil-a-lecole-du-venezuela-ici-le-peuple-est-vraiment-le-sujet-de-la-revolution/



Au Brésil, la police militaire incendie et expulse le Quilombo Campo Grande en pleine épidémie
17 août 2020, 12:29
Filed under: Appel à mobilisation, Solidarité internationale

Le Quilombo Campo Grande, Etat du Minas Gerais, abrite 450 familles, protégées par le droit constitutionnel.

Le processus de réforme agraire, prévu dans la Constitution brésilienne, était engagé pour le Quilombo Campo Grande. Le 19 Juillet 2019, le gouverneur Romeu Zema a révoqué le décret, suspendant le processus de réforme agraire et la reconnaissance des droits des familles et petits exploitants. En an plus tard, il envoie la police militaire encercler, incendier, blesser et expulser les familles, petites exploitantes agricoles.

. Lors d’une audience qui s’est tenue ce mercredi 7 novembre 2018, le juge Walter Zwicker Esbaille Junior a ordonné l’expulsion des familles exploitant les terres de Quilombo Campo Grande depuis 20 ans.

Avec cette décision, 450 familles occupant l’usine désaffectée Ariadnopolis de Campo do Meio-MG, 1 200 hectares de cultures de maïs, de haricots, de manioc et de courges, 40 hectares de jardin agro-écologique et 520 hectares de café seront détruits.

Des centaines de maisons, d’enclos et des kilomètres de clôture seront également détruits. Cet ordre a été appliqué vendredi 14 août, détruisant tout ce que les gens ont construit en deux décennies de travail.

La décision d’expulsion a été annoncée vendredi (27) et concerne une zone de 12 000 hectares où environ 800 familles vivent au sein de 30 communautés.
Dans l’état du Maranhão, les communautés de quilombolas, les travailleurs et les travailleuses organisés ont réagi au décret du gouvernement brésilien, favorisant l’expansion d’un programme spatial brésilien, en contradiction totale avec la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Cette intervention est appliquée en pleine épidémie de Covid-19 qui touche très fortement les communautés quilombolas.

Buletin epidémiologique, autonome, de la Coordination Nationale pour l’Articulation des Communautés Rurales de Quilombos Noirs (Conaq). Pour plus d’information accédez : quilombosemcovid.org
Au Brésil, dans l`’État du Minas Gerais, le Quilombo Campo Grande, a été un des plus grands quilombos. Selon un travail de recherche de l’histoire populaire du Brésil, ce sont plus de 20 000 habitants au XIXe siècle, soit neuf fois plus grand que le quilombo de Palmares, le plus de ces territoires autonomes et libres, ayant résisté pendant plus d’un siècles aux esclavagistes.
L’extension du Quilombo Campo Grande s’étendait du Triângulo Mineiro, en passant par le sud et le sud-ouest du Minas Gerais, jusqu’aux régions du nord-est de l’État de São Paulo.
C’est l’inspiration pour l’occupation du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) dans le sud du Minas Gerais, à Campo do Meio.

Lire le communiqué du Mouvement des travailleurs ruraux Sans-Terre sur l’Observatoire de la démocratie brésilienne

Le Mouvement des travailleurs ruraux Sans-Terre de l’État du Minas Gerais dénonce la violente expulsion menée par la police militaire, le vendredi 14, dans l’après-midi. En pleine pandémie, le gouverneur Romeo Zema a mis en danger la vie et la santé de milliers de personnes, manifestant son mépris pour la population en montrant son côté lâche et criminel.

Après 56 heures de résistance dans le campement de Quilombo Campo Grande, l’expulsion fixée pour ce mercredi 12 août s’est concrétisée par une violente attaque des familles regroupées par la police. Ce furent trois jours de tension, de violations des droits humains et de requêtes au gouverneur Romeo Zema pour que l’action de la police soit suspendue. La mobilisation de l’appareil policier a favorisé les regroupements, exposant non seulement les familles sans terre, mais aussi toute la population de la région à la propagation du Coronavirus, y compris les femmes enceintes, les personnes âgées et les autres personnes du groupe à risque.

Nous dénonçons le fait que la superficie de 26 hectares initialement incluse dans la procédure judiciaire n. 6105218 78.2015.8.13.0024, qui était déjà inoccupée, ait été élargie à 52 hectares dans la dernière ordonnance du Tribunal Agraire et que l’opération de police ait été au-delà de celle déterminée par l’injonction, détruisant la maison et les cultures de sept familles. Une fois de plus, l’État va à l’encontre des intérêts de la population et favorise l’escalade de la violence dans les campagnes. De plus, il s’attaque directement à l’éducation, l’opération ayant détruit l’école populaire Eduardo Galeano qui a permis à d’innombrables enfants, jeunes et adultes d’apprendre à lire et à écrire.

C’est la toute dernière trouvaille du gouverneur Zema pour la population du Minas Gerais. Un projet de violence et de mort plaçant les intérêts de la bourgeoisie au-dessus de tout. C’en est assez des expulsions ! Le gouverneur doit être puni pour les crimes qu’il a commis.

En dépit des violations et des pertes, il est important de souligner que dans ce processus éprouvant, l’unité de la classe ouvrière et la solidarité de la société, dans la dénonciation et la mobilisation contre le néofascisme qui prend racine dans notre pays, ont été fondamentales pour que nous puissions faire face aux réquisitions de l’État la tête haute. Ainsi, nous réaffirmons que nous resterons fermes dans la lutte pour la terre et que les 450 familles resteront sur les terres de l’ancienne usine d’Ariadnópolis, produisant une alimentation saine pour la population brésilienne. Zéro expulsion.

Direction de l’État du MST – MG

Le 14 août 2020



Le collectif, une autre idée de la révolution, par Florence Poznanski
L'art et l'alimentation au service de la révolution © Brooke PorterL’art et l’alimentation au service de la révolution © Brooke Porter

En ces temps de crise sanitaire et économique la place de l’humain prend une autre dimension. « Solidarité », « résilience », « prendre soin de l’autre », ces mots sont aujourd’hui sur toutes les bouches, y compris celles qui, il y a encore quelques mois, priorisaient davantage l’épanouissement individuel à celui du collectif. Si la perte des êtres chers et la préoccupation pour sa propre survie sont des traumatismes assez forts pour nous faire prendre conscience de l’indéfectible lien qui nous relie à la collectivité, cette solidarité ne peut être invoquée seulement par temps de crise, comme d’aucuns en appellent à l’intervention de l’État pour répondre aux problèmes économiques.

Cette crise doit nous interroger profondément sur notre relation au collectif, tant au niveau des politiques publiques et des services publics, qu’à l’échelle des organisations associatives ou locales auxquelles on peut appartenir. Penser le collectif, ce n’est pas mettre ensemble des individus, mais s’intéresser à ce qui les rassemble jusqu’à ce que le commun les transcende. En ce sens, les organisations (y compris celles qui mettent en avant l’humain et la collectivité) ont aussi un travail à mener pour sortir d’une approche parfois uniquement rationnelle et programmatique et la traduire dans la pratique quotidienne.

De retour d’un séjour de deux semaines avec les femmes militantes du mouvement des travailleurs et travailleuses sans terre (MST) au Brésil, je souhaite m’attarder ici sur la description de son organisation, comme une source d’inspiration mondiale à tous ceux qui s’intéressent aux moyens de transformer radicalement la société.

Le MST n’est pas le seul exemple. L’Amérique latine est pour nous ce terreau vivant d’expériences révolutionnaires comme celle des communes au Venezuela, des « caracoles » du mouvement zapatiste du Chiapas au Mexique, entre autres. Mondialement connu pour sa lutte pour la réforme agraire populaire comme fondement d’un projet politique révolutionnaire d’inspiration socialiste au Brésil, le MST est certainement le mouvement social le plus puissant d’Amérique latine, si ce n’est l’un des plus importants au monde. Il puise sa puissance dans une organisation exigeante et généreuse qui applique à tous ses niveaux la primauté du collectif et la valorisation du vivre ensemble.

Florence Poznanski, activiste, secrétaire nationale du Parti de Gauche/France Insoumise, Belo Horizonte – Brésil
@FLORENCEPOZ FLOR.POZNANSKI

Réforme agraire, graine de révolution

Le MST est un mouvement de paysans brésiliens qui luttent pour une réforme agraire populaire, c’est à dire l’abolition de la propriété privée et du latifundium et une distribution égalitaire de la terre comme source essentielle de travail et subsistance. Il naît des luttes paysannes de résistance au sortir de la dictature militaire à la fin des années 70 et s’inspire d’un vaste héritage de luttes, révoltes et victoires populaires éliminées de l’histoire officielle nationale comme la résistance des esclaves, des peuples autochtones ou les luttes des travailleurs pauvres contre l’oppression depuis l’époque de la colonisation. Son activité principale porte sur la mobilisation de plusieurs centaines de milliers de paysans pour l’occupation et l’organisation de campements de production agricole autonomes.

Dans son programme, la réforme agraire n’est pas qu’une politique publique à mettre en œuvre, mais la base d’un autre projet de civilisation qui inverse les rapports de pouvoir. Car posséder la terre, le territoire, c’est décider qui en sont exclus et qui pourront en tirer profit. Le MST se base ainsi sur une historiographie de l’organisation politique de la terre au fil des différents régimes latino-américains (colonies, républiques bourgeoises, dictatures) pour étudier les soulèvements populaires d’indépendance que le continent à connu.

Il construit son action nationale mais aussi internationale, dans le but de renforcer ces soulèvements populaires qu’ils soient locaux comme l’occupation d’une parcelle de terre improductive ou à l’échelle d’un pays comme substrat d’une révolution citoyenne. L’organisation collective est donc consubstantielle de son fondement, non seulement dans les principes du projet de société qu’il construit, mais aussi au quotidien. Pour cela, il se base sur une méthodologie d’organisation qui met en avant la formation militante, l’auto-organisation et une culture collective du vivre ensemble.

L’individu et le collectif

Il est facile de penser que le collectif serait l’annulation de l’individu. Il est plus approprié de dire que le collectif est l’annulation des privilèges qui éloignent l’individu du collectif. C’est à partir du moment où l’individu cesse de considérer l’annulation de ses privilèges comme une privation, mais bien comme une satisfaction de les mettre en commun, que sa place dans le collectif prend sens. Sa force ne dépend alors plus simplement de lui, mais de la richesse du collectif auquel il a lui-même contribué.

Parce que le mouvement doit en permanence compter sur son auto-organisation pour bâtir et entretenir ses équipements, organiser ses campements, cultiver et distribuer sa production agricole, élaborer et diffuser ses idées ou encore assurer sa sécurité, le partage des tâches au sein du collectif est essentiel. Elle commence à l’échelle des campements qui rassemblent chacun plusieurs centaines de personnes issues des classes les plus populaires : travailleurs agricoles exploités ou habitants des périphéries urbaines sans logement. On s’y organise pour construire son logement, planter la terre, éduquer les enfants, soigner les malades et défendre le campement sous la menace permanente des milices, de la police ou de la justice. Bien souvent l’État n’y assure qu’un rôle répressif ou n’offre que des services publics précaires. Le mouvement doit donc gérer l’organisation de A à Z d’une collectivité qui repose sur la participation de chacun et une exigeante discipline. Bien-sûr, cette organisation ne se fait pas sans difficultés ni conflits. Là encore c’est au niveau du collectif que les solutions sont à trouver, via de nombreuses réunions de délibération collective.

Une autre vision du pouvoir

Le campement du MST "Marielle Franco" près de São Paulo © Brooke PorterLe campement du MST « Marielle Franco » près de São Paulo © Brooke Porter

La construction de cette collectivité vise en fin de compte la naissance d’une autre forme de pouvoir : le pouvoir populaire. Un pouvoir qui ne s’exercerait plus par la domination mais par la mise en commun et le partage. Et l’organisation de ces collectifs en quête de toujours plus d’autonomie visent à substituer toute forme de domination ou de dépendance par une action collective : la domination du travail et la dépendance alimentaire par l’organisation de coopératives agricoles, la domination idéologique et culturelle par l’organisation militante.

Attaché à rétablir l’héritage de siècles de résistances populaires, il est une autre dépendance contemporaine à laquelle le MST s’applique aussi à s’émanciper c’est celle de notre propre corps. Cela commence par la promotion d’une vie saine sans pesticides avec sa capacité à alimenter le plus grand nombre avec ses produits issus de l’agroécologie1. Mais la réflexion va encore plus loin.

Alors que la société mondiale ne sait plus se soigner sans les médicaments de l’industrie pharmaceutique et que dans la plupart des pays comme le Brésil, la santé n’est pas un droit mais une marchandise, le MST s’applique à réintégrer la médecine populaire traditionnelle par les plantes. La formation des professionnels de santé est basée sur une réappropriation holistique du rapport aux besoins et aux carences du corps pour sortir du réflexe symptômes/médicaments. Sans pour autant rejeter la médecine conventionnelle, le travail des médecins populaires vise à assurer une santé de base gratuite au plus grand nombre et contribue aussi à montrer que la transformation des rapports sociaux passe aussi par la prise en compte collective de la santé corporelle et mentale des individus, dimension négligée par la plupart des organisations.

La place de l’humain et du symbolique

l'art et la culture dans les événements du MST © Brooke Porterl’art et la culture dans les événements du MST © Brooke Porter

Tout cette organisation prend du temps et ne s’achève en fin de compte jamais. Un temps qui n’est pas gâché, qui n’a pas moins d’importance que les moments de réflexion politique ou de débats de conjoncture, puisque c’est le temps de la réalisation, le temps de la vie. Cette approche est un des fondements de l’éducation populaire qui inscrit la formation du sujet politique dans sa propre trajectoire de vie. Organiser le mouvement est donc un accomplissement politique en soi. Et puisqu’il fait partie de la vie il est aussi traversé d’émotion, d’identification. Il ne faut pas penser uniquement à distribuer des tâches, mais aussi accorder le temps nécessaire dans l’organisation à l’expérience du vivre ensemble.

La célébration ne se vit pas en creux de l’action politique, dans les moments de temps libre informels, mais comme un des moteurs qui donnent du sens à cette action. Dans les activités du MST on chante, on joue de la musique, on récite des poésies, on peint et on crée. On y raconte les peurs des paysans, les tranche de vie des femmes face aux violences domestiques, on se rappelle des victoires des luttes passées, on rend hommage à ceux et celles qui sont tombées. L’art et la culture populaire prennent ainsi tout leur sens politique pour faire des valeurs scandées dans les mots d’ordre du mouvement quelque chose d’intime, de réel. Cet attachement s’insère aussi dans une stratégie politique claire de contrer la domination idéologique véhiculée par l’industrie culturelle de masse au service du capitalisme.

En alliant actions de transformations concrètes, valorisation de la vie par l’alimentation saine et le collectif et en utilisant l’art et la culture comme vecteur de mobilisation militante, l’action politique du MST a quelque chose de profondément transformateur ou bien tout simplement révolutionnaire.

Notes :

1Le MST est aujourd’hui le premier producteur de riz biologique au Brésil.

Source : https://blogs.mediapart.fr/florence-poznanski/blog/020520/le-collectif-une-autre-idee-de-la-revolution

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La grande conspiration des Femmes du Mouvement des Sans Terre du Brésil, Brasilia, 5-9 mars 2020

par Monique Piot Murga, représentante de France Amérique latine, membre du Comité des Amis des Sans Terre du Brésil et des Amis de la Conf’ de la Drôme.

5h du matin, dans le centre silencieux de Porto Alegre, 4 bus sont alignés le long du trottoir…

  • Rosa, tu as bien mis les gamelles dans le bus numéro 2 ?
  • Oui, elles y sont toutes, n’oublie pas de mettre mon sac à dos dans le bus !

Rosa et Diana font partie des plus de 200 femmes qui partent dans cette aube fraîche pour Brasilia, un voyage en bus de plus de 36 heures !

Elles sont déléguées de leur Etat pour participer à la Première Rencontre des Femmes du Mouvement des Sans Terre, qui, après deux ans de préparation, va se réunir du 5 au 9 mars 2020 dans la capitale fédérale.

Elles viennent toutes les deux, avec une vingtaine d’autres, d’un « assentamento » (installation de la Réforme agraire), situé à une trentaine de kilomètres de là. Un assentamento qui produit du riz biologique, du lait et du porc. Elles ont apporté avec elles une demi-tonne de riz, produit par leur coopérative, pour l’alimentation des 3500 participantes. Et aussi du matériel de cuisine, les grosses marmites qui dans l’assentamento servent lors des fêtes.

Car toute l’organisation et la logistique est partagée entre les groupes de femmes des différentes régions.

5h30, tout le matériel a été chargé, les voyageuses sont installées dans les bus et la caravane s’ébranle pour un voyage qui va durer un jour, une nuit et un deuxième jour !

A 80 kms de São Paulo, pendant ce temps, je suis, avec la délégation internationale, accueillie à l’Ecole nationale Florestan Fernades du MST. Nous avons été reçues par Fernando, Gloria et Ana, membres du secteur international du Mouvement. Nous sommes deux de France, les autres femmes viennent d’Espagne, de Suède, des Etats Unis, du Canada, de Porto Rico. Nous serons rejointes plus tard par des déléguées d’Argentine, Chili, Uruguay, Venezuela, Equateur. Le Centre de formation Florestan Fernandes est un des fleurons du MST, qui a mis la formation en priorité depuis sa création il y a 36 ans. Cette école nationale existe depuis 15 ans et a une vocation internationale de formation des cadres des mouvements sociaux. Quelques sessions de formation pour nous présenter l’histoire du MST, son organisation et nous nous préparons à notre tour pour le voyage à Brasilia.

Nous nous répartissons le travail : préparer et charger le matériel de cuisine, les stocks alimentaires, préparer le matériel culturel – banderoles, micros, sonos, haut-parleurs – charger les matelas. Et des couvertures pour celles qui ont oublié leur sac de couchage ! Chacune a ce qu’on appelle ici son « kit militant », dont on ne se sépare jamais : un sac de couchage, une assiette ou gamelle, des couverts et un verre.

On partage le bus avec les femmes de l’Ecole de formation et à 21h, le bus s’ébranle à son tour pour un voyage d’environ 15-16 heures. Le début du voyage est festif, chansons et boissons, puis très vite, le silence se fait et tout le monde se repose.

A 7h30 du matin, pause d’une heure pour se détendre et se restaurer, puis le bus repart, une distribution de sandwichs dans le bus et nous approchons de Brasilia, que nous atteignons vers 14h30. Le site de la rencontre est animé comme une ruche, les bus arrivent de tout le pays et tout le monde aide pour décharger.

La Rencontre a lieu dans une immense halle d’expositions, séparée en deux, d’un côté l’hébergement, et de l’autre côté les espaces de jour. Au fond, trois cuisines régionales – Amazonie, Nordeste, Sud et Sud-est – chacune devant être capables de servir un peu plus de 1000 personnes par repas.

Pour qu’il n’y ait pas des dizaines de femmes empêchées de suivre la Rencontre pour cause de cuisine, ce sont des hommes volontaires du Mouvement qui s’occupent de toute l’intendance alimentaire, gestion des stocks, préparation des repas, service et vaisselle des cuisines.

Et bien sûr, dans un coin un peu plus calme, un jardin d’enfants a été mis en place, certaines mamans ne pouvant pas laisser leur jeune enfant à la famille.

Au milieu, un immense espace pour les séances plénières, avec une grande scène.

Le jeudi soir, c’est la soirée d’ouverture de la Rencontre.

« Je peux affirmer qu’être une femme sans terre, c’est être une femme libérée, émancipée, courageuse.

Et c’est aussi être une femme qui pleure, qui souffre pour elle-même et pour l’autre. Le MST m’a fait femme, m’a fait un être harmonieux, qui a la fierté de vivre. Tout cela et un peu plus, c’est ce qui chaque jour me renforce pour continuer debout et convaincue que nous sommes du bon côté de l’Histoire ».

C’est avec ces mots de Messeline, paysanne de l’assentamento dans l’Etat du Pernambuco que s’est ouvert la première Rencontre des Femmes du MST ce jeudi 5 avril.

Préparé depuis 2 ans à la base du Mouvement, la Rencontre regroupe 3 500 participantes, venues de 24 Etats du Brésil et des délégations internationales de 13 pays.

Ce résultat est une grande fierté pour le secteur Genre du Mouvement. Si elles ont réussi ce qui représente un exploit, dans les conditions actuelles, c’est bien grâce à la construction historique que le MST dans son ensemble a mis en œuvre autour des questions de la participation des femmes, de l’égalité de genre, de la possibilité de construire des actions d’égalité. C’est le résultat et le mérite de toute la lutte sociale égalitaire que le MST a mis en œuvre au long de son histoire, mais cela ne s’est pas fait tout seul, les femmes ont du batailler !

Au programme durant 3 jours, débats et réflexions sur : production agroécologique, production d’aliments sains, confrontation à la violence, autonomie économique, résistance des femmes dans les territoires, en reprenant les résultats des débats et formations réalisées pendant deux ans à la base du MST, dans tous les campements et assentamentos (installations de la Réforme Agraire) des 24 Etats du pays.

« Femmes en lutte : semant la Résistance » : analyse de l’offensive du Capital et les conséquences sur les femmes.

Vendredi matin, c’est le thème de la plénière.

Atiliana, coordinatrice du Secteur Genre du MST introduit : « L’objectif politique est de faire une lecture de la conjoncture dans une perspective féministe et de la classe travailleuse, de construire l’unité et renforcer la réflexion sur qui nous sommes, en tant que femmes sans terre et en tant que classe travailleuse, afin de réussir à affronter, ensemble, ce gouvernement misogyne, qui attise particulièrement la violence contre les femmes. »

« Nous avons, depuis l’Amazonie jusqu’au Sud du pays, nos expériences de résistance et naturellement, durant ces journées, nous aurons à faire un important diagnostic et aussi une projection, sur comment les femmes participent et vont participer de plus en plus à la lutte », indique Kelly Mafort, membre de la coordination nationale du MST. Elle explique aussi que la Rencontre doit servir pour orienter les mouvements sociaux sur la question du genre.

Kelly Mafort souligne que cette Rencontre a lieu à un moment stratégique où le gouvernement Bolsonaro attaque l’ensemble des politiques de Réforme Agraire, notamment en direction des femmes. Un des objectifs est donc de définir une perspective à moyen terme pour organiser la lutte politique dans le pays.

« La conjoncture exige une action de radicalisation pour qu’on puisse affronter et vaincre ce projet néfaste qui est au pouvoir. Cette lutte radicale, elle doit venir de ceux et celles qui lutte pour la terre, pour leurs droits, mais aussi pour la vie. Et quand on parle de lutte des femmes, on parle de lutte d’êtres humains qui luttent pour se maintenir en vie. On parle donc de situations extrêmes de violence, de féminicides, qui sont encore plus importants pour les femmes du monde rural, pour les femmes noires », explique Kelly Monfort.

« La Terre publique appartient au peuple brésilien, elle ne peut être vendue, ni négociée »

Une des dénonciations importantes de cette Rencontre est la Mesure provisoire MP910, qui a prévu de « légaliser » d’ici à 2022, près de 600 000 exploitations de terres publiques. Le MST estime que ces terres vont être appropriées par des grands propriétaires ruraux. La Terre publique appartient au peuple brésilien et ne peut être ni négociée, ni vendue, elle doit être distribuée pour la Réforme Agraire, conformément à la Constitution brésilienne. Cette mesure va privilégier les propriétaires criminels qui usurpent les terres, augmentent la déforestation et la pression sur les peuples qui vivent dans les territoires de ce pays », développe Kelly Mafort.

« Supprimer le programme Prorena d’Education rurale est un crime social »

Un autre point important de son intervention concerne le décret de février 2020 qui invalide la poursuite du Programme National de l’Education de la Réforme Agraire (Prorena). Ce programme, mis en place en 2000, a permis à 192 000 jeunes et adolescents d’accéder à l’éducation depuis l’école primaire jusqu’au supérieur.

Grâce à des financements spéciaux pour le monde rural, son bilan est important : organisation des écoles rurales dans les villages et dans les assentamentos, financement des Instituts d’agro-écologie à la campagne, partenariats avec les Universités pour construire des programmes d’études spécifiques pour les étudiants issus du MST et de ses territoires.

Le maintien du Pronera est une question de justice sociale, car c’est dans le monde rural qu’existe la plus grande inégalité sociale et c’est aussi parmi la population paysanne qu’il y a le plus faible taux de scolarisation.

Supprimer ce programme est considéré par le MST comme un crime social, au même titre que la réforme de la « Bourse Familiale », l’équivalent de nos Allocations familiales.

« Féminisme Paysan Populaire », son processus historique et les perspectives pour la prochaine période.

« Le féminisme, comme mouvement politique, doit être lié à un projet d’émancipation humaine, c’est une pratique politique. C’est pourquoi nous sommes toutes féministes »

C’est avec ces paroles qu’Itelvina Massioli, de la coordination nationale du MST, a introduit la plénière du samedi matin.

L’identité du Féminisme paysan populaire nait de la relation profonde que les paysannes entretiennent avec la terre et la souveraineté alimentaire. Et son caractère populaire vient de son lien avec une perspective de classe et de lutte de classes. « La construction et l’audace de ce concept est fortement lié aux luttes de résistance des femmes paysannes, dans un contexte d’affrontement au capitalisme colonial et extractiviste qui depuis des siècles pille nos terres, nos territoires et les richesses naturelles » explique Itelvina.

Pendant longtemps, à cause de la diabolisation du mouvement féministe de la part des sociétés partriarcales et machistes, la paysannerie n’a pas reconnu comme féministe la lutte pour la terre, la souveraineté alimentaire et l’agroécologie. C’était présenté comme une lutte portée essentiellement par les hommes. Et parallèlement, la lutte pour le droit à la terre pour les femmes, pour la production d’aliments, pour la défense et la récupération des semences, les luttes contre la violence, n’étaient ni visibles, ni identifiées comme des luttes féministes.

Les femmes du MST, par les luttes concrètes, les processus de formation, de participation politique dans le Mouvement, ont conquis avec l’ensemble des membres du MST, les droits à l’éducation, à la parité à tous les niveaux de responsabilité, des mesures collectives contre les violences, le partage des responsabilités dans la gestion de l’exploitation, leur droit à signer les documents officiels pour l’attribution de la terre, des crédits, dans les décisions de cultures.

Collectivement, elles ont une place fondamentale dans la production des aliments quotidiens, dans la lutte contre la faim et dans la subsistance des familles, comme toutes les paysannes du monde.

Elles ont développé le secteur de la production par des projets collectifs, particulièrement dans le domaine de la récupération des semences et des plantes médicinales. Elles assurent la transformation et la vente des plantes médicinales, précieuses pour le secteur Santé du MST.

« Socialement égales, humainement différentes et totalement libres ! » (Rosa Luxembourg)

Ces luttes concrètes s’insèrent dans la lutte sociale globale pour la fin de la propriété privée de la terre, contre les transnationales et l’agro-négoce, contre les OGM et les agrotoxiques, et contre toute forme d’exploitation des êtres humains et de la nature. Cette conception du féminisme part de l’analyse que les paysannes sont à l’intérieur d’une société de classes et que l’origine de l’exploitation des femmes, de leur domination et de l’oppression dont elles sont victimes vient de la société capitaliste avec ses piliers que sont le colonialisme, le patriarcat et le racisme. Donc, cette conception du féminisme lutte contre ce modèle.

Le Mouvement dans son ensemble a renforcé l’idée que le Féminisme paysan populaire, avec ses luttes pour la défense de la vie, des biens naturels, des semences paysannes, pour le droit égalitaire à la terre, pour des salaires justes et égaux, a permis de donner de la visibilité aux luttes des femmes comme sujets de transformation sociale, dans l’unité et la solidarité avec les autres secteurs.

Itelvina a conclu son intervention avec une citation de Rosa Luxembourg : « Nous devons lutter pour un monde où nous soyons socialement égales, humainement différentes et totalement libres ! »

Je suis sortie de cette plénière convaincue et très passionnée par cette approche multi-facette du féminisme au MST. Alors qu’en France, on sépare les luttes écologiques, les luttes pour les droits des travailleuses dans les syndicats et les luttes pour les droits de la personne dans les mouvements féministes, les femmes du MST ont réussi à remettre ensemble tout ça et à montrer en quoi toutes ces facettes sont imbriquées et doivent être conçues comme un tout.

Après une intervention sur la place des femmes dans la lutte pour la Réforme Agraire Populaire, l’après midi a été consacré à des ateliers multiples et diversifiés d’échanges de savoirs: échange de semences, sérigraphie, prendre soin de soi, massages et relaxation, potager et autonomie économique des femmes, production agroécologique et renforcement de la force des femmes, comment inclure les hommes dans le travail sur l’égalité de genre, en sont quelques exemples auxquels la délégation internationale a pu participer.

Et toujours dans les assemblées, les interventions se terminent par des slogans repris en cœur par la salle qui se lève « comme une seule femme » ! : « Femmes en lutte, Semant la résistance ! », « Sans féminisme, il n’y a pas de socialisme ! ».

Une des choses qui m’a le plus frappé, c’est le très grand engagement des femmes les plus âgées, celles qui font partie du MST depuis plusieurs décennies et ont affronté toutes les épreuves. Elles ont une détermination inébranlable, un des slogans en rend compte : « Ils veulent nous expulser ? jamais nous ne partirons ! »

Outre l’espace des assemblées plénières, un espace était consacré à un marché des produits agricoles, artisanaux et de santé, provenant des collectifs de femmes.

La culture était aussi à l’honneur dans l’événement : une exposition de photos a retracé l’histoire des luttes des femmes du Mouvement depuis 36 ans et une autre présentait les lettres des compagnes qui n’ont pas pu venir et qui exprimaient ce que l’appartenance au MST avait permis de changer dans leur vie.

Le vendredi soir, une grande soirée culturelle a permis de montrer toutes les richesses culturelles des différentes régions du Brésil, chants, orchestres, danses traditionnelles, le spectacle était riche et haut en couleurs et entièrement réalisé par des artistes féminines.

« Le Brésil tout entier doit être reconnaissant envers les femmes du MST pour leur force et leur courage ! » Dilma Roussef

La soirée politique du samedi soir a été un moment fort permettant l’expression des appuis de la société civile et des forces politiques, religieuses, syndicales aux femmes du MST. Notre délégation internationale a eu l’honneur d’apporter un message de solidarité internationale au nom de toutes les organisations présentes. La présidente du Parti des Travailleurs, Gleisi Hoffmann, a apporté un salut chaleureux à l’assemblée et a souligné la solidarité avec les femmes du Venezuela, dont une représentante de l’ambassade était présente. Dilma Roussef, a clôturé la soirée par une intervention forte : « Le Brésil tout entier doit être reconnaissant envers les femmes du MST pour leur force et leur courage ».

Le dimanche, nous nous sommes toutes rendues à la marche du 8 mars dans les rues de Brasilia, nous joignant aux organisations féministes du district fédéral. Quelques slogans sur les banderoles : « Nous sommes les petites filles des sorcières que vous n’avez pas brûlées ! », « Sans féminisme, il n’y a pas de socialisme : »

La Conspiration des Femmes

Les femmes du MST, depuis 2005, ont changé leur mode d’action pour le 8 mars. Auparavant, ce jour était l’occasion d’organiser des formations pour les femmes sur leurs droits et les luttes. A partir de 2005, le secteur genre du MST a décidé d’organiser des « actions-choc » contre des symboles de ce contre quoi lutte le Mouvement. L’année dernière, elles ont occupé le siège de Nestlé, en protestation contre l’accaparement de l’immense réserve d’eau douce Guarani, que Nestlé est en train d’acheter. Cette année, dans le plus grand secret – c’est la « conspiration des femmes » – elles ont préparé l’occupation du Ministère de l’Education, pour protester contre la suppression du Programme d’Education rurale, qui a eu lieu le lundi 9 avril. Pour des raisons de sécurité, notre délégation n’a pas été autorisée à les accompagner !

Beaucoup d’émotions, de rires, d’embrassades, qu’il est difficile de retranscrire ! Pour ma part, j’ai eu l’immense plaisir de retrouver toutes les compagnes du MST que nous avons accueillies en France tout eu long de dizaines d’années !

Cela a été un grand moment de réflexion, d’étude, de renforcement de nos liens féministes, de rechargement de nos énergies pour la prochaine période de résistance active, chacune sur son terrain d’action ! Une grande conspiration de sorcières !

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« A la main »: permaculture créatrice au Venezuela avec les Sans Terre du Brésil

Venezuela, août 2019. Loin des médias, une équipe solidaire réunie par France-Amérique Latine Bordeaux Gironde, et une Brigade internationaliste du Mouvement des Sans Terre du Brésil, organisent un atelier de permaculture. Une formation impulsée par Gloria Verges et Franck David pour appuyer la création de “Tierra Libre”, le siège du réseau de producteurs de semences autochtones établi par les Sans Terre dans le village andin de La Azulita. Deux formateurs de TERRA TV se sont mêlés aux participant(e)s pour filmer les deux derniers jours de cette expérience. Au-delà de la transmission de connaissances, c’est une rencontre humaine toute particulière que révèle et raconte leur documentaire.

Image: Víctor Hugo Rivera

Son direct: Thierry Deronne

Montage: Miguel Escalona

ProductionTerra TV, Venezuela, 2019

Durée: 53 minutes. Sous-titres français

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Appel urgent à la solidarité internationale: contre la fermeture du Centre de Formation Paulo Freire

Le 5 septembre dernier, nous avons été surpris d’apprendre la décision judiciaire d’expulsion du Centre de Formation Paulo Freire, dans l’unité productive paysanne Normandia à Caruaru, État du Pernambuco.

Le centre possède une structure juridique appelée Association du Centre de Formation Paulo Freire, qui vise à administrer et à coordonner le centre de formation. En 1999, un auditorium a été construit et quelques logements. Aujourd’hui, le siège social a une capacité d’environ 240 personnes, tandis que l’auditorium compte en moyenne 800 personnes. En outre, l’espace comprend une cuisine, une cafétéria, un télécentre, une maison des jeunes, une académie des villes, créée en partenariat avec le gouvernement de l’État, une académie rurale, un terrain de sport et, récemment, une crèche pour enfants en partenariat avec la FUP (Fédération syndicale Unifiée des Pétroliers).

Le centre de formation n’est plus un espace d’état et est devenu un espace de formation du nord-est. Nous avons aujourd’hui des partenariats dans le domaine de l’éducation avec la ville de Caruaru pour l’organisation de deux classes d’école primaire. Nous avons également noué des partenariats avec le gouvernement de l’état pour organiser le cours «Pied enraciné».

«Pied enraciné» est le thème principal proposé par le centre de formation. Il se déroule en trois étapes, basées sur les expériences et les pratiques en agroécologie. Ce cours est conçu pour toutes les personnes vivant dans les campements et parcelles productives des paysans Sans terre de l’état de Pernambouc.

Le centre de formation Paulo Freire dessert non seulement Pernambouc, mais l’ensemble du nord-est du Brésil, proposant des cours en agroécologie et, conjointement avec différentes universités, des formations en géographie, formation vétérinaire, éducation, sécurité sanitaire et environnementale, éducation à la santé et de nombreux autres cours. Le centre est devenu, sans aucun doute, un espace précieux pour toute la région et sa fermeture serait un gâchis terrible pour tous ceux qui attachent de l’importance à l’éducation et au développement de la population sur le terrain.

Plusieurs délégations internationales de différents pays ont visité le Centre et participé à des cours de formation dispensés par le Centre.

Nous estimons que l’action proposée à l’égard du centre de formation Paulo Freire est une injustice et un affront pour tous ceux qui ont œuvré en faveur d’une vie meilleure pour les habitants du Nord-Est. Il n’y a aucune base juridique réelle qui permette cette expulsion.

Par conséquent, nous demandons respectivement que l’ordre d’expulsion soit immédiatement annulé.

La date limite pour la mise en oeuvre de cette décision judiciaire est le 19 septembre. C’est pourquoi le MST lance un appel à tous et toutes pour que vous envoyiez votre protestation, pour exiger que l’ordre d’expulsion soit stoppé immédiatement.

Les lettres doivent être envoyées avant le 19 septembre aux adresses suivantes:

au bureau régional de l’Incra (Institut national de la réforme agraire) à Recife:

marcos.campos@rce.incra.gov.br
evaluoria@rce.incra.gov.br
tyronilson.santos@rce.incra.gov.br
isaias.leite@rce.incra.gov.br
charles.emery@rce.incra.gov.br

au Gouvernement de l’État de Pernambuco – Oficina del Gobernador Paulo Câmara:
governo@governadoria.pe.gov.br

Juge Tiago Antunes de Aguiar del 24 ° Tribunal Federal de Caruaru
comunica@jfpe.jus.br

avec une copie: srimst@mst.org.br

Traduction: T.D.
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