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“Les médias attaquent fort, et présentent Chávez comme un ennemi du Brésil, nous devons expliquer à la population que sa victoire le 7 octobre prochain sera aussi celle du peuple brésilien” explique Ismael Cardoso de l’Union de la Jeunesse Socialiste du Brésil (UJS). “Quand nous disons que la victoire de Chávez est notre victoire, ce n’est pas un simple slogan. Ce qui est en jeu c’est la corrélation de forces dans la géopolitique de l’Amérique Latine” précise Loli Ilíada, secrétaire aux Relations Internationales du PT (Parti des Travailleurs, de Lula et de Dilma Roussef).
Ce 24 juillet 2012 à São Paulo une importante réunion de mouvements sociaux – Mouvement des Sans Terre (MST), mouvements de lutte pour les droits de la femme, de lutte étudiante ou Centrale Unitaire des Travailleurs(CUT) – principal syndicat du pays, ainsi que des principaux partis de gauche brésiliens (PT, PSOL, PCDoB…) a décidé de créer un comité d’action pour soutenir la révolution bolivarienne en vue des prochaines élections présidentielles qui se tiendront le 7 octobre prochain au Venezuela. Première des nombreuses activités planifiées : une mobilisation populaire qui accueillera le président vénézuélien lors de sa réunion avec son homologue Dilma Roussef ce 31 juillet à Brasilia dans le cadre de l’adhésion historique du Venezuela au MERCOSUR.
Coordination des mouvements sociaux et des partis de gauche brésiliens pour créer le comité de soutien à la réélection du président Chavez, Sao Paulo, 24 juillet 2012.
“Nous ne pouvons sous-estimer la force de la droite, il suffit de voir le récent coup d’État au Paraguay” ajoute Loli Iliada du PT. Opinion partagée par João Pedro Stedile, Coordinateur National d’un Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre (MST) qui s’est beaucoup mobilisé contre le coup d’État qui a renversé le président Lugo. “L’élection au Venezuela, plus que la nécessaire réélection de Chávez, est en réalité le noeud d’une bataille entre deux projets politiques à l’échelle continentale. Ne doutons pas que l’empire va déployer tout son arsenal et toute son énergie pour tenter de nous vaincre. Une victoire de Chavez est une victoire de tout le peuple latino-américain. Mais le contraire est aussi vrai : une défaite de Chavez serait une défaite de tout le processus en cours depuis douze ans en Amérique Latine”. Stedile a rappelé que la droite brésilienne a déjà formé son comité anti-Chavez. “Jusqu’ici les secteurs de la droite vénézuélienne et leurs médias privés, majoritaires au Venezuela, puisaient leurs “news” dans les médias de Miami et de Madrid pour nourrir leurs campagnes contre le gouvernement de Hugo Chávez. A partir de cette année le diffuseur principal de ce type de “news” est devenu le Brésil. Quand la droite locale publie une info dans la presse brésilienne, qui parfois n’a guère de répercussion interne, aussitôt la droite vénézuélienne la reprend et l’amplifie comme “ information internationale”.
Au cours de cette réunion Gilberto Maringoni, du Parti Socialisme et Liberté(Psol) a déclaré que la gauche brésilienne a deux fronts de bataille face à elle dans les prochains mois : battre la droite au Brésil et contribuer à la victoire électorale de Chavez au Venezuela. “Une tâche très semblable à celle de Chávez est de battre la droite ici. La plus grande solidarité que nous pouvons offrir est de la battre ici dans les urnes”.
Valter Pomar, secrétaire exécutif du Forum de São Paulo, organisation qui réunit les 84 principaux partis de la gauche latino-américaine, a rappelé le récent message par lequel Lula exprime son soutien total à Chavez, et a appelé les organisations progressistes à se mobiliser contre le discrédit qui est construit en permanence pour nuire au projet politique de Chávez, à organiser des actions de solidarité avec la révolution bolivarienne et à alerter l’opinion sur les plans de la droite pour discréditer le scrutin.
La firme privée de sondages états-unienne International Consulting Services a confirmé ce 18 juillet 2012 le pronostic donné ces derniers mois par la grande majorité des études d’opinion : un avantage de 23 points à Chavez sur son candidat d’opposition le plus proche (Henrique Capriles, droite). A moins de trois mois du scrutin présidentiel (le 7 octobre 2012), cette déroute annoncée renforce les habituels plans de violence et de déstabilisation médiatique post-électorale de la part d’une droite qui peine encore à accepter les règles du jeu démocratique.
Les élections qui ont lieu au Venezuela sous la présidence de Hugo Chavez sont à la fois les plus nombreuses et les plus observées internationalement de l’histoire du Venezuela, ce qui a fait dire à l’ex-président du Brésil Lula da Silva que “Chavez est le plus légitime d’entre nous”. L’Union Européenne (UE), la Fondation Carter, l’Association des Juristes Latino-Américains, l’Organisation des États Américains (OEA) ont dans leurs rapports publics légitimé tous les scrutins organisés depuis douze ans. José Miguel Insulza, l’actuel patron de l’OEA – qui est tout sauf un sympathisant du président vénézuélien – a déclaré en 2011: “toutes les élections qui se sont déroulées jusqu’à présent au Venezuela se sont déroulées de manière parfaiement normale et nous ne voyons pas pourquoi il en serait autrement à l’avenir”.
On ne peut pas en dire autant des États-Unis où le duel présidentiel Al Gore-George W. Bush en 2000 avait été marqué par de graves accusations de fraude. Certains évoquèrent un “pusch électoral” des républicains et le premier ministre français de l’époque (Lionel Jospin) déclara : “On ne connaîtra jamais la vérité”.
Le journaliste Gilberto Maringoni, présent à la la réunion de solidarité de Sao Paulo, avait alors pris sa plume de dessinateur pour imaginer (en 2004) ce qui se passerait si on observait les élections aux États-Unis avec la même rigueur et la même énergie qu’au Venezuela. Il inventa même pour l’occasion une nouvelle ONG : le centre “Chavez”…
Note : les propos tenus par Chavez ont été tenus par Jimmy Carter lors d’une mission d’observation électorale au Venezuela en 2004.
Auteur : le dessinateur brésilien Gilbert Maringoni, 35 ans, militant du PSOL, formé en architecture à la FAUU de Sao Paulo est Docteur en Histoire Sociale de la même université. Professeur de journalisme à la Faculté Cásper Líbero et éditorialiste de Carta Maior.
Traduction : Thierry Deronne
URL de cet article :http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/07/27/naissance-dune-puissante-ong-le-centre-chavez/
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20 juillet 2012
Par Pepe Pereira dos Santos,
De la Page du MST
http://www.mst.org.br/node/13646
Depuis le 7 juin 2012, plus d’une centaine de familles de la municipalité de Timbó Grande, sur le plateau nord de l’État de Santa Catarina, occupent une zone d’environ 110 alqueires (1 alqueire = 4,84 hectares) dont la multinationale Terra Master détient les papiers. Il s’agit d’u dixième d’une aire de plus de 1000 alqueires que la même compagnie a rachetés à la municipalité pour planter du pin.
Timbó Grande compte une population de quasi 8 mille personnes qui dans leur grande majorité travaillent sur les terres d’entrepreneurs du pin ou du bois en général qui exploitent ces terres et la population depuis l’époque de la Guerre du Contestado (1). En échange de nombreuses heures de travail réparties en tours de jusqu’à 24 heures par jour, les habitants et les habitantes de Timbó Grande perçoivent un peu plus de 1 (un) salaire minimum par mois, qui doit garantir le revenu de la famille.
Composées fondamentalement de paysans sans terre descendants des métis qui ont lutté pendant la guerre du Contestado, les familles du campement ont vu des générations entières se faire expulser de leurs terres mais en même temps ont appris la valeur de la résistance, de la lutte et de l’organisation.
De deux réserves de Santa Maria – Timbozinho et Perdizes Grandes – sont nées les bases du campement “Fils du Contestado MST-SC”-. En moins de quarante jours d’occupation nous avons construit de manière collective un centre d’où fonctionnera l’école itinérante de la 1ère à La 5ème année d’enseignement fondamental, selon la méthode pédagogique de l’éducateur Paulo Freire, reconnu et respecté dans le monde entier. Nous avons aussi commencé l’alphabétisation des jeunes et des adultes et l’école offrira d’autres activités de formation dans le campement.
Parmi les acctions qui ont mobilisé les familles durant la dernière semaine : la construction de viviers pour les unités productives de la région, avec un chauffage construit également de manière collective; des formations sur la santé priorisant le thème des herbes médicinales ; des ateliers sociopolitiques pour mieux comprendre la lutte pour la terre, pour la réforme agraire et pour la transformation de la société. Nous avons conclu ce cycle avec une journée consacrée à la culture, une présentation théâtrale (d’un groupe local) sur la Guerre du Contestado, en plus de films sur les luttes du Mouvement des Sans Terre et des musiques d’accordéonistes et de guitaristes de la région.
Le collectif de jeunesse qui s’organise à l’intérieur du campement participe intensément à toutes ces activités. Comme tout est en mouvement nous nous préparons pour garantir que l’INCRA prenne les mesures pour faire appliquer les décisions de la justice agraire de Santa Catarina et que les familles du campement « Filhos do Contestado » reçoivent définitivement leurs terres vers la fin du mois d’octobre.
(1) La guerre du Contestado (guerra do Contestado en portugais), de manière générale, fut un conflit armé entre les populations métisses et les représentants du pouvoir brésilien, entre octobre 1912 et août 1916. Ce conflit eut lieu dans une région aux confins des États brésiliens du Paraná et de Santa Catarina et de l’Argentine, riche en bois et en yerba maté. La guerre du Contestado tire ses origines de conflits sociaux latents, fruit des doléances des populations locales de caboclos, notamment vis-à-vis de la régularisation de la propriété de la terre.
Traduction: Thierry Deronne
Source: http://www.mst.org.br/node/13646
URL de cet article: https://mouvementsansterre.wordpress.com/2012/07/25/les-fils-du-contestado-en-lutte-pour-la-reforme-agraire/
Pour soutenir concrètement le MST dans sa lutte, on peut écrire à Lucas Tinti, prointer@mst.org.br
Da Página do MST
Le documentaire “Luiz Poeta, une histoire de 103 ans” sur la vie de Luiz Beltrame, un paysan et poète qui milite dans le Mouvement des Travailleurs Sans Terre, participe au concours latino-américain Caixa de Curtas, dont l’objectif est de “diffuser et valoriser la production des talents de l’Amérique Latine, ouvrant un espace de projections, de diffusion et de distribution de leurs travaux”. Ce portrait de 12 minutes est disponible sur la page du concours pour ceux qui veulent voter. Pour regarder ce documentaire réalisé par Bruno Benedetti, Fábio Eitelberg, Patrick Torres, Pedro Biava et Rafael Stedile, cliquez ici.
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Le Mouvement des Sans-terres du Brésil est un des plus grands mouvements paysans du monde.
Issu des luttes paysannes existantes au Brésil depuis le début de la colonisation, le MST lutte pour la récupération de la terre afin de rompre avec la profonde injustice générée par le modèle d’agriculture industrielle et par la concentration des terres qui sont à l’origine de l’insécurité alimentaire du pays.
Dans ce documentaire court métrage, nous entrons dans l’univers d’un campement du MST et des membres du mouvement nous expliquent leur lutte et leur projet de société.
http://documentairesemences.blogspot.com/
URL de cet article: https://mouvementsansterre.wordpress.com/2012/07/07/video-un-documentaire-pour-comprendre-le-mouvement-des-sans-terre/
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Pour une information continue en français sur les activités du MST : https://mouvementsansterre.wordpress.com/
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DIAL 3202
Juan Nicastro
samedi 7 juillet 2012, mis en ligne par Dial
La question de la souveraineté alimentaire est réapparue avec force sur le devant de la scène internationale avec les problèmes causés par la production à grande échelle d’agrocarburants [1]. La prise de conscience des effets destructeurs sur la planète d’une agriculture intensive ayant massivement recours aux engrais chimiques et aux pesticides a aussi conduit à une réflexion critique sur les pratiques agricoles et à des tentatives pour mettre en place d’autres modèles de production. Ce texte de Juan Nicastro [2] publié le 12 juin sur le site de Noticias Aliadas présente une série d’initiatives allant dans ce sens.
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Mouvements et organisations populaires engagent des actions pour faire évoluer les habitudes alimentaires.
Les formes de possession de la terre ou de l’eau, les cadres juridiques, la pression des nouvelles technologies promues par les multinationales agricoles, le niveau de compétence des mouvements populaires en matière d’agriculture et d’écologie, le degré d’autonomie dans l’approvisionnement en semences et en intrants agricoles, le changement climatique, la consommation alimentaire des grandes villes, l’approvisionnement et la distribution des produits, les réseaux de commercialisation, le niveau de mobilisation de la société contre les produits transgéniques, autant d’indicateurs qui, déterminants ou favorables, évoluent souvent dans un sens positif et révèlent une amélioration de la souveraineté alimentaire.
La réalité étant ce qu’elle est en Amérique latine, et au vu des effets des dictatures et de la vague néolibérale dans les années 1990, on constate que parvenir à la souveraineté alimentaire constitue une transformation sociale complexe qui ne se réduit pas à des questions de production agricole. C’est un processus qui conduit à encourager ou accompagner de profonds changements dans les formes d’alimentation, d’organisation entre les êtres humains et de relation avec la terre. Si le concept a gagné en publicité, pour de grands secteurs – surtout en milieu urbain –, la souveraineté alimentaire demeure un problème de paysans. À la lecture des intentions initiales, la tâche apparaît d’autant plus complexe.
Nous allons voir ci-après quelques exemples, des situations qui se répètent en divers endroits du continent et qui illustrent plusieurs de ces défis.
À Córdoba, ville du centre de l’Argentine, est apparu un nouveau groupe de défenseurs de la souveraineté alimentaire, le Mouvement des agriculteurs urbains. Pour ce dernier, un changement s’impose dans les villes. Matías Sánchez, un de ses membres, explique à Noticias Aliadas que, « face au plat de nourriture que nous allons manger en ville, il faut reconnaître qu’il présente trois défauts graves : premièrement, le prix ; c’est un produit cher, fruit de spéculations mondiales plus que d’une vraie relation avec la production. Deuxièmement, ce plat n’a pas de vraie saveur, le choix repose sur des valeurs esthétiques ou publicitaires, il dépend de l’emplacement dans les rayons des supermarchés, et non des qualités nutritives. Et troisièmement, il est empoisonné, vicié par des produits chimiques d’un bout à l’autre du processus de transformation, de fabrication, d’approvisionnement, de conservation et d’emballage. En plus de revenir à une alimentation saine et accessible, nous voulons être des consommateurs responsables et, ensuite, des producteurs. Il est nécessaire que les citoyens réagissent. »
Au Paraguay, la communauté El Triunfo, dans l’ouest du pays, est un exemple des 36 occupations de terres – représentant 7 000 hectares au total – réalisées par l’Association des agriculteurs du Haut Paraná (ASAGRAPA) vers 1989. El Triunfo dispose de 900 hectares qui sont la propriété collective de la communauté depuis 2002. Une partie de cette terre est réservée à un usage collectif – elle abrite deux écoles, un centre de formation et un hangar – et le reste est réservé à un usage privé. Il y a quelques années, les paysans se consacraient à la culture intensive du soja. Aujourd’hui, ils cultivent haricots, riz, maïs, manioc et toute sorte de légumes verts et plantes maraîchères. Chaque paysan détient entre sept et dix hectares, qu’il utilise pour sa propre consommation, pour des productions traditionnelles ou pour produire des légumes qu’il commercialise ensuite à la foire régionale de Ciudad del Este, capitale du département du Haut Paraná sur la frontière avec l’Argentine et le Brésil, afin de se procurer ce qu’il ne produit pas dans ses champs (huile, sel, outils, médicaments, etc.). D’une monoculture destinée à l’exportation, les paysans sont passés à une diversité de cultures ; ils ont délaissé les produits chimiques toxiques et ils apprennent des techniques de culture durable pour bonifier les sols et produire des aliments biologiques. D’une certaine façon, ils reprennent tout depuis le début et, lentement, les terres redeviennent extrêmement fertiles. Mais actuellement tout l’enjeu est de dépasser ce stade : il s’agit de consolider les communautés, d’engager des discussions sur de nouveaux modèles de communauté paysanne, de sensibilisation politique et d’organisation communautaire, pour développer les projets associatifs et communautaires. Dans cet esprit, les paysans considèrent que la propriété collective des moyens de production (terre, outillage, machines, camions pour écouler la production) leur garantit que, en dépit d’un usage privé de la terre, il ne se créera pas de différence au sein de la communauté.
Dans le nord de l’Argentine, le Mouvement paysan de Santiago del Estero (MOCASE) a apporté la preuve de la relation entre la formation et les autres maillons de la chaîne qui conduit à la souveraineté alimentaire, en produisant de nouvelles propositions pédagogiques et de formation qui répondent aux besoins des jeunes paysans indiens et renforcent leurs capacités de leadership dans les communautés. Dans son centre situé à Quimilí, dans la province septentrionale de Santiago del Estero, l’École d’agriculture biologique accomplit depuis 2006 de belles avancées, école pensée dans le cadre d’un processus participatif auquel on a associé les centrales paysannes du MOCASE et du Mouvement national paysan indien (MNCI) pour encourager l’agriculture locale durable, consolider la production familiale et communautaire, promouvoir les échanges entre les jeunes du mouvement, développer les technologies et les sciences qui réduisent les incidences environnementales, élaborer des méthodes éducatives qui établissent une correspondance entre la production d’aliments biologiques et les marchés locaux, et valoriser l’art et le métier d’agriculteur en en soulignant les attraits.
Ángel Strappazón, dirigeant du MOCASE, a informé Noticias Aliadas que « le MNCI continue d’aller de l’avant, avec le lancement de l’Université paysanne qui œuvrera au niveau national à la formation de jeunes paysans, Indiens et travailleurs ruraux et urbains » et qui offrira des programmes dans les domaines de l’agriculture biologique, de la promotion de la santé communautaire, de la communication populaire, de l’enseignement agricole, et de la défense des droits humains à l’échelle territoriale. « Cette université préparera à la carrière d’ingénieur en agriculture biologique. Nous insistons sur la formation stratégique de jeunes, de cadres politiques, mais guidés par la possibilité d’appliquer un nouveau paradigme politique, celui de la souveraineté alimentaire, qui constitue indéniablement un des axes d’une nouvelle ère de civilisation, fondée sur la protection de la biodiversité, une production suffisante pour résoudre le problème de la faim, et l’écologie. Il s’agit de façonner un sujet politique nouveau. »
Le Venezuela est, avec la Bolivie et l’Équateur, un des pays où la dynamique politique a fini par modifier les lois pour donner des conditions favorables à l’agriculture biologique. La Loi pour des pratiques agricoles intégrales saines dispose que « en vue de la transformation du modèle économique et social de la Nation, l’exécutif, par le biais de ses organes et services compétents, défendra l’agriculture biologique comme base scientifique de l’agriculture tropicale durable, à l’intérieur du système de production du pays, avec l’élaboration et l’exécution des projets nécessaires pour encourager et stimuler le processus de production d’aliments biologiquement de bonne qualité, en quantités suffisantes pour nourrir la population, et promouvoir l’enseignement et l’apprentissage de pratiques agricoles écologiques ».
Dans le même ordre d’idée, un accord passé avec Cuba a permis l’installation de 17 laboratoires de production d’engrais et d’agents de lutte biologiques pour une gestion écologique des systèmes de production agricole de l’Institut national pour des pratiques agricoles intégrales saines. Le laboratoire Cipriano Castro, par exemple, dans l’État occidental du Táchira, produit des intrants qu’il fournit gratuitement aux petits producteurs et réalise des enquêtes participatives dans les mêmes unités de production pour améliorer la qualité des intrants et vérifier le travail des producteurs qui adoptent cette technologie.

Mobilisation de l’unité productive « Filhos de Sepé » dans le cadre de la lutte pour la réforme agraire au Brésil.
Au Brésil, depuis 1999, la colonie Filhos de Sepé, qui appartient au Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST), occupe 6 000 hectares à quelque 40 kilomètres de la ville de Porto Alegre, à l’extrême sud du pays. Elle rassemble 700 familles qui pratiquent une nouvelle forme de campement : des unités de 15 à 20 familles sont créées, dont les parcelles sont disposées en triangles qui convergent vers un « centre » de manière à ce que les habitations restent proches les unes des autres (pour les besoins des tâches collectives) mais que chaque paysan occupe la parcelle qui lui revient.
Les gens de Filhos de Sepé ont observé que non seulement la culture biologique de riz est rentable mais aussi que le rendement par hectare est exactement deux fois plus élevé qu’avec des produits toxiques. Ils ont renoué avec l’ancienne tradition consistant à utiliser des canards pour préparer la terre avant de la cultiver. « Les canards mangent toutes les herbes et nettoient le terrain beaucoup mieux que n’importe quel poison chimique, en plus de l’enrichir avec leurs excréments. Nous laissons pendant des mois les canards sur la terre pour qu’ils la préparent. Ensuite, au moment de semer le riz, nous les retirons puis nous les vendons ou les mangeons », a raconté Huli Zang, du MST, au cours d’un entretien avec le journaliste uruguayen Raúl Zibechi publié en 2006 par l’Agence latino-américaine d’information (ALAI) [3]. Mais se pose aujourd’hui le problème de la certification car ceux qui en sont chargés sont liés aux entreprises qui commercialisent des produits transgéniques. « La destruction des barbelés du domaine a été moins difficile que la lutte contre les moyens technologiques employés par les transnationales », déclarait Zang. La colonie Filhos de Sepé fête ses 14 années de travail sans produits toxiques.
Toute l’Amérique latine connaît une intensification du rejet des produits transgéniques, fréquemment sous la forme d’actions coordonnées entre divers mouvements sociaux. Cette union des forces du refus débouche sur une action coordonnée en faveur de nouvelles lois protectrices, de réseaux de commerce équitable, d’une production agricole biologique, d’une bonne santé communautaire, d’une éducation populaire, entre autres, ce qui accroît l’efficacité de la chaîne de production. Témoin le développement des réseaux de commerce équitable, où des personnes qui ont commencé en tant que militants « politiques » consomment et/ou produisent aujourd’hui des produits biologiques, ou soutiennent de différentes manières les circuits de distribution de produits respectueux de l’environnement.
Ces quelques exemples ne visent pas à passer sous silence des questions clés comme le fait que la souveraineté alimentaire sera impossible sans souveraineté sur le territoire, le débat sur le modèle agroalimentaire mondial et ses multinationales, la gravité du changement climatique ou l’accaparement de l’eau, entre autres. Mais il faut aussi considérer que, face à l’intensité de la crise mondiale, l’intérêt pour ces expériences concrètes participe de ce que le sociologue portugais Boaventura de Sousa Santos suggère lorsqu’il déclare que « la réalité est la somme de tout ce qui existe et de tout ce qui surgit en elle comme possibilités nouvelles et comme luttes pour sa concrétisation ».
Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3202.
Traduction de Gilles Renaud pour Dial.
Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 12 juin 2012.
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, le traducteur, la source française (Dial – http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
Notes
[1] Voir DIAL 3079 – « PAYS DU SUD – Le scandale des agrocarburants » et DIAL 3190 – « BRÉSIL – La Conférence Rio+20 va relancer la polémique sur les agrocarburants.
[2] Voir, du même auteur, DIAL 3108 – « ARGENTINE – « La production alimentaire doit être locale » : entretien avec Claudia Giaccone ».
[3] Voir DIAL 2901 – « BRÉSIL – Pour les paysans sans terre, l’acquisition de terres n’est qu’une étape de la lutte ».
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« Mystique » (manifestation culturelle/politique) du Mouvement des Sans terre à la Chambre des Députés, photo de Maria Mello.
29 juin 2012. Interview de Alexandre Conceiçao, membre de la Direction Nationale du MST par José Coutinho Júnior, de la Page du MST
José Coutinho – Comment évalues-tu la déclaration du Ministre Pepe Vargas pour qui le nombre de familles installées sur des terres pour les faire produire baissera dans les années qui viennent ?
Alexandre Conceiçao – C’est une déclaration lamentable. Les conflits agraires et la violence dans les zones rurales sont em train d’augmenter. Pour ne prendre qu’un exemple, voyez celui des haciendas du banquier Daniel Dantas, dans l’État du Pará, qui font l’objet de négociations avec le Ministère du Développement Agraire (MDA) et l’Institut National de Colonisation et de Réforme Agraire (INCRA) depuis plus de trois ans. L’accord disait que sur les six haciendas que nous occupions, trois seraient consacrées à la réforme agraire. Aujourd’hui l’INCRA n’a pas effectué la moindre inspection de ces zones. Par conséquent le Ministre se trompe lorsqu’il affirme que la Réforme Agraire va diminuer parce que le nombre de familles sous tentes a diminué. Au contraire la pression se maintient, il y a un grand nombre de familles dans les campements, environ 180 mille familles, et les conflits se multiplient. Ce qui s’est produit dans l’État du Pará en est le résultat. L’autre élément, c’est la sécheresse du Nord-Est et du Sud. Les familles ont perdu leurs productions, leur infrastructure, leurs animaux. Et les politiques présentées par le MDA et l’INCRA jusqu’à l’heure actuelle sont insuffisantes pour résoudre le problème de la sécheresse.

Négociations du MST avec le Ministre du Développement Agraire, Pepe Vargas. Mars 2012. Photo: Thalles Gomes.
JC – Où en est la Réforme Agraire cette année ?
AC – La Réforme Agraire est totalement arrêtée. Nous alertons sur le fait que si les choses continuent ainsi le résultat de cette année sera pire que celui de 2011. On tend à ce que les luttes et les mobilisations qui reprennent vigueur, exercent une pression croissante de mois en mois. La région du Sud a commencé à se remobiliser ainsi que le Nord-Est. Nous allons organiser de nouvelles mobilisations car la Réforme Agraire reste ignorée. Lors de la mobilisation d’avril auprès de l’INCRA et du MDA le gouvernement a proposé de créer un groupe de travail pour décentraliser et exproprier la terre et installer des familles dans les situations les plus précaires. Le gouvernement a promis de former ce groupe et de donner une réponse dans les trente jours. Aujourd’hui ce groupe n’a même pas été formé. Il y a une perspective de former ce groupe dans la semaine qui vient mais ce n’est pas sûr. Nous sommes à la moitié de l’année et il n’y a pas de réponses, parce qu’il n’y a pas de programme de Réforme Agraire, parce que le gouvernement ne réussit pas à articuler ce programme.
JC – Selon le Ministre Pepe Vargas, 22.600 familles ont été installées en 2011...
AC – Les chiffres de 2011 sont les plus honteux de l’histoire du Brésil pour les 16 dernières années. Ce fut le pire indice de cette période, une honte pour le gouvernement de Dilma, pour le MDA et pour l’INCRA. Les installations de l’an dernier n’ont pas concerné les familles qui vivent dans des campements. Le ministre se trompe en affirmant que le nombre de familles sous tente a diminué. Il suffit de voir les chiffres de l’INCRA. Les déclarations du ministre montrent que ni le MDA ni l’INCRA n’ont de plan d’expropriation de terres et de Réforme Agraire. Ils n’ont ni plan, ni infrastructure, ni ressources pour exécuter cette tâche.
JC – Pourquoi la Réforme Agraire est-elle arrêtée ?
AC – Nous subissons la forte poussée des entreprises transnationales dans l’agriculture brésilienne. Le budget de ces entreprises est dix fois supérieur à celui du MDA, de l’INCRA et du Ministère de l’Agriculture. Par conséquent ces entreprises ont le pouvoir dans les zones rurales. Le gouvernement est impuissant à réaliser la Réforme Agraire et à mettre un frein à l’achat de terres par les étrangers dans le pays. Il y a une limite de 100 mille Reales (real brésilien = 0,4 euros) pour les investissements dans l’installation de chaque famille après l’expropriation des terres. Ce montant par famille rend impossible, vu l’inflation du prix des terres causée par les transnationales et par l’achat de terres par des capitaux étrangers, d’acquérir des terres de bonne qualité pour développer l’agriculture biologique, pour produire des aliments sans poisons. Pour exproprier des terres le budget du gouvernement de cette année est de 560 millions de Reales, ce qui est insuffisant pour installer les 186 mille familles qui attendent dans les campements.
JC – Le discours gouvernemental sur la Réforme Agraire est qu’il n’est plus nécessaire d’installer davantage de gens mais de garantir des investissements dans les unités productives existantes. Comment vois-tu ce discours ?
AC – C’est un discours irritant, répété dans tout débat avec le gouvernement sur la question agraire. Nous aussi nous voulons des investissements. Mais où ont-ils lieu, en fait ? Où est le budget pour construire des maisons, des villages ruraux, des postes de santé et des écoles ? Dans les dix dernières années ont été fermées plus de 37 mille écoles rurales. Malgré ce discours, rien ne se produit en pratique. Pas de création d’unités productives, pas d’investissements dans les zones de La Réforme Agraire.
JC – Quelle quantité de ressources publiques est-elle consacrée aux familles d’agriculteurs et aux grands propriétaires ?
AC – L’an passé 14 milliards de Reales ont été à l’agriculture familiale et 150 milliards pour l’agrobusiness. Cette semaine le gouvernement va lancer le « Plan Production » 2012/2013. Le montant va tourner autour de 180 milliards de Reales pour l’agrobusiness. En contrepartie le gouvernement va consacrer 18 milliards à l’agriculture familiale. Dix fois moins d’investissements pour l’agriculture familiale, qui produit 70% des aliments et génère de nouveaux emplois pour chaque hectare cultivé. En outre l’agrobusiness est complètement endetté, et repousse le paiement de ses dettes au gouvernement brésilien, alors que les dettes des agriculteurs auprès des banques tardent à être renégociées.
JC – Le Plan National d’Agroécologie devrait être annoncé à Rio+20, mais jusqu’à présent rien n’est sorti. Quelle est l’importance de ce plan ?
AC – Ce qui a été présenté jusqu’ici ne résoudra pas le problème de l’agriculture familiale. La proposition n’a pas la capacité de garantir que l’agroécologie devienne une politique qui combatte les effets négatifs de l’agrobusiness. Dans la forme sous laquelle il a été présenté jusqu’à présent ce plan ne va pas générer de grands changements dans les zones rurales. Nous avons besoin de plans plus structurants. Le gouvernement a invité les mouvements à discuter le plan, a fait un pré-lancement depuis la Présidence et a décidé de le présenter au sommet de Rio+20 pour redorer son blason après l’échec des changements au Code Forestier. Le plan est très timide dans la remise en cause du modèle de l’agriculture brésilienne, qui consomme aujourd’hui 20% de tous les produits toxiques dans le monde. Le plan est insuffisant pour une agriculture qui, selon l’Agence Nationale de Surveillance Sanitaire (Anvisa) produit le cancer à travers le travail agricole et à cause de la consommation d’aliments empoisonnés. D’autre part la libération des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) avance de plus en plus.
JC – Le gouvernement tente de faire en sorte que le modèle agroécologique et l’agrobusiness coexistent. L’existence de ces deux modèles agricoles est-elle compatible ?
AC – Impossible. L’agrobusiness utilise des OGM et des produits toxiques agricoles, concentre la terre et en expulse les petits producteurs pour exporter sa production. La coexistence de ces deux modes de production est impossible d’un point de vue pratique. Du point de vue politique et économique, on ne peut perpétuer cette politique de faibles investissements dans l’agro-écologie et de grandes subventions aux requins de l’agrobusiness.

Alexandre Conceiçao, membre de la direction nationale du MST avec l’écrivain Tariq Ali (Brasilia, 2012).
Source : http://www.mst.org.br/content/reforma-agraria-esta-completamente-parada-afirma-dirigente-do-mst
Traduit du portugais par Thierry Deronne
Pour soutenir concrètement le MST dans sa lutte, on peut écrire à Lucas Tinti, prointer@mst.org.br
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