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Venezuela, janvier 2023. Ce reportage montre un exemple du travail de terrain mené par la Brigade des Sans Terre « Apolonio de Carvalho » au Venezuela. Sur les terres de la résistance héroïque des ex-esclaves emmenés par Guillermo Ribas, le Ministère des Communes et des Mouvements Sociaux – accompagné de membres du mouvement afro-vénézuélien et de la Brigade des sans Terre – se réunit avec la communauté organisée de Mango de Ocoita. Objectif: écouter les critiques et les propositions pour construire un plan de travail commun, entre autres sur la production du cacao comme maillon de la nouvelle économie communale. Reportage sous-titré en français (17 min.). Prod. Terra TV, République Bolivarienne du Venezuela 2023.
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En ces temps de crise sanitaire et économique la place de l’humain prend une autre dimension. « Solidarité », « résilience », « prendre soin de l’autre », ces mots sont aujourd’hui sur toutes les bouches, y compris celles qui, il y a encore quelques mois, priorisaient davantage l’épanouissement individuel à celui du collectif. Si la perte des êtres chers et la préoccupation pour sa propre survie sont des traumatismes assez forts pour nous faire prendre conscience de l’indéfectible lien qui nous relie à la collectivité, cette solidarité ne peut être invoquée seulement par temps de crise, comme d’aucuns en appellent à l’intervention de l’État pour répondre aux problèmes économiques.
Cette crise doit nous interroger profondément sur notre relation au collectif, tant au niveau des politiques publiques et des services publics, qu’à l’échelle des organisations associatives ou locales auxquelles on peut appartenir. Penser le collectif, ce n’est pas mettre ensemble des individus, mais s’intéresser à ce qui les rassemble jusqu’à ce que le commun les transcende. En ce sens, les organisations (y compris celles qui mettent en avant l’humain et la collectivité) ont aussi un travail à mener pour sortir d’une approche parfois uniquement rationnelle et programmatique et la traduire dans la pratique quotidienne.
De retour d’un séjour de deux semaines avec les femmes militantes du mouvement des travailleurs et travailleuses sans terre (MST) au Brésil, je souhaite m’attarder ici sur la description de son organisation, comme une source d’inspiration mondiale à tous ceux qui s’intéressent aux moyens de transformer radicalement la société.
Le MST n’est pas le seul exemple. L’Amérique latine est pour nous ce terreau vivant d’expériences révolutionnaires comme celle des communes au Venezuela, des « caracoles » du mouvement zapatiste du Chiapas au Mexique, entre autres. Mondialement connu pour sa lutte pour la réforme agraire populaire comme fondement d’un projet politique révolutionnaire d’inspiration socialiste au Brésil, le MST est certainement le mouvement social le plus puissant d’Amérique latine, si ce n’est l’un des plus importants au monde. Il puise sa puissance dans une organisation exigeante et généreuse qui applique à tous ses niveaux la primauté du collectif et la valorisation du vivre ensemble.

Florence Poznanski, activiste, secrétaire nationale du Parti de Gauche/France Insoumise, Belo Horizonte – Brésil
@FLORENCEPOZ FLOR.POZNANSKI
Réforme agraire, graine de révolution
Le MST est un mouvement de paysans brésiliens qui luttent pour une réforme agraire populaire, c’est à dire l’abolition de la propriété privée et du latifundium et une distribution égalitaire de la terre comme source essentielle de travail et subsistance. Il naît des luttes paysannes de résistance au sortir de la dictature militaire à la fin des années 70 et s’inspire d’un vaste héritage de luttes, révoltes et victoires populaires éliminées de l’histoire officielle nationale comme la résistance des esclaves, des peuples autochtones ou les luttes des travailleurs pauvres contre l’oppression depuis l’époque de la colonisation. Son activité principale porte sur la mobilisation de plusieurs centaines de milliers de paysans pour l’occupation et l’organisation de campements de production agricole autonomes.
Dans son programme, la réforme agraire n’est pas qu’une politique publique à mettre en œuvre, mais la base d’un autre projet de civilisation qui inverse les rapports de pouvoir. Car posséder la terre, le territoire, c’est décider qui en sont exclus et qui pourront en tirer profit. Le MST se base ainsi sur une historiographie de l’organisation politique de la terre au fil des différents régimes latino-américains (colonies, républiques bourgeoises, dictatures) pour étudier les soulèvements populaires d’indépendance que le continent à connu.
Il construit son action nationale mais aussi internationale, dans le but de renforcer ces soulèvements populaires qu’ils soient locaux comme l’occupation d’une parcelle de terre improductive ou à l’échelle d’un pays comme substrat d’une révolution citoyenne. L’organisation collective est donc consubstantielle de son fondement, non seulement dans les principes du projet de société qu’il construit, mais aussi au quotidien. Pour cela, il se base sur une méthodologie d’organisation qui met en avant la formation militante, l’auto-organisation et une culture collective du vivre ensemble.
L’individu et le collectif
Il est facile de penser que le collectif serait l’annulation de l’individu. Il est plus approprié de dire que le collectif est l’annulation des privilèges qui éloignent l’individu du collectif. C’est à partir du moment où l’individu cesse de considérer l’annulation de ses privilèges comme une privation, mais bien comme une satisfaction de les mettre en commun, que sa place dans le collectif prend sens. Sa force ne dépend alors plus simplement de lui, mais de la richesse du collectif auquel il a lui-même contribué.
Parce que le mouvement doit en permanence compter sur son auto-organisation pour bâtir et entretenir ses équipements, organiser ses campements, cultiver et distribuer sa production agricole, élaborer et diffuser ses idées ou encore assurer sa sécurité, le partage des tâches au sein du collectif est essentiel. Elle commence à l’échelle des campements qui rassemblent chacun plusieurs centaines de personnes issues des classes les plus populaires : travailleurs agricoles exploités ou habitants des périphéries urbaines sans logement. On s’y organise pour construire son logement, planter la terre, éduquer les enfants, soigner les malades et défendre le campement sous la menace permanente des milices, de la police ou de la justice. Bien souvent l’État n’y assure qu’un rôle répressif ou n’offre que des services publics précaires. Le mouvement doit donc gérer l’organisation de A à Z d’une collectivité qui repose sur la participation de chacun et une exigeante discipline. Bien-sûr, cette organisation ne se fait pas sans difficultés ni conflits. Là encore c’est au niveau du collectif que les solutions sont à trouver, via de nombreuses réunions de délibération collective.
Une autre vision du pouvoir

La construction de cette collectivité vise en fin de compte la naissance d’une autre forme de pouvoir : le pouvoir populaire. Un pouvoir qui ne s’exercerait plus par la domination mais par la mise en commun et le partage. Et l’organisation de ces collectifs en quête de toujours plus d’autonomie visent à substituer toute forme de domination ou de dépendance par une action collective : la domination du travail et la dépendance alimentaire par l’organisation de coopératives agricoles, la domination idéologique et culturelle par l’organisation militante.
Attaché à rétablir l’héritage de siècles de résistances populaires, il est une autre dépendance contemporaine à laquelle le MST s’applique aussi à s’émanciper c’est celle de notre propre corps. Cela commence par la promotion d’une vie saine sans pesticides avec sa capacité à alimenter le plus grand nombre avec ses produits issus de l’agroécologie1. Mais la réflexion va encore plus loin.
Alors que la société mondiale ne sait plus se soigner sans les médicaments de l’industrie pharmaceutique et que dans la plupart des pays comme le Brésil, la santé n’est pas un droit mais une marchandise, le MST s’applique à réintégrer la médecine populaire traditionnelle par les plantes. La formation des professionnels de santé est basée sur une réappropriation holistique du rapport aux besoins et aux carences du corps pour sortir du réflexe symptômes/médicaments. Sans pour autant rejeter la médecine conventionnelle, le travail des médecins populaires vise à assurer une santé de base gratuite au plus grand nombre et contribue aussi à montrer que la transformation des rapports sociaux passe aussi par la prise en compte collective de la santé corporelle et mentale des individus, dimension négligée par la plupart des organisations.
La place de l’humain et du symbolique

Tout cette organisation prend du temps et ne s’achève en fin de compte jamais. Un temps qui n’est pas gâché, qui n’a pas moins d’importance que les moments de réflexion politique ou de débats de conjoncture, puisque c’est le temps de la réalisation, le temps de la vie. Cette approche est un des fondements de l’éducation populaire qui inscrit la formation du sujet politique dans sa propre trajectoire de vie. Organiser le mouvement est donc un accomplissement politique en soi. Et puisqu’il fait partie de la vie il est aussi traversé d’émotion, d’identification. Il ne faut pas penser uniquement à distribuer des tâches, mais aussi accorder le temps nécessaire dans l’organisation à l’expérience du vivre ensemble.
La célébration ne se vit pas en creux de l’action politique, dans les moments de temps libre informels, mais comme un des moteurs qui donnent du sens à cette action. Dans les activités du MST on chante, on joue de la musique, on récite des poésies, on peint et on crée. On y raconte les peurs des paysans, les tranche de vie des femmes face aux violences domestiques, on se rappelle des victoires des luttes passées, on rend hommage à ceux et celles qui sont tombées. L’art et la culture populaire prennent ainsi tout leur sens politique pour faire des valeurs scandées dans les mots d’ordre du mouvement quelque chose d’intime, de réel. Cet attachement s’insère aussi dans une stratégie politique claire de contrer la domination idéologique véhiculée par l’industrie culturelle de masse au service du capitalisme.
En alliant actions de transformations concrètes, valorisation de la vie par l’alimentation saine et le collectif et en utilisant l’art et la culture comme vecteur de mobilisation militante, l’action politique du MST a quelque chose de profondément transformateur ou bien tout simplement révolutionnaire.
Notes :
1Le MST est aujourd’hui le premier producteur de riz biologique au Brésil.
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» … Tout d’abord une explication sur les acampamentos et les assentamentos. Un acampamento est une occupation d’une grande propriété inexploitée pour tenter, à travers une démarche judiciaire, d’obtenir le droit de travailler cette terre : les procédures peuvent durer des années comme pour les parents de Valdir.
Un assentamento est l’installation officielle sur la terre après reconnaissance juridique de l’inexploitation de celle-ci par les anciens propriétaires… »
/…/ » Valdir est un Sans Terre. Son histoire mérite d’être contée : Ses parents sont des paysans sans terre. Ils sont restés 7 ans sous des bâches, dans un acampamento, qui leur servait de lieu d’habitation. De l’âge de 9 ans à 16 ans il a grandi dans ces conditions. Un des soucis majeurs du Mouvement des Sans Terre (MST) est la formation des enfants et des jeunes. Valdir a pu en bénéficier. Mais dans quelles conditions ! Pendant 4 ans, tous les soirs, car il travaillait dans la journée, et par tous les temps, il faisait 160 kms AR en moto avec un copain pour suivre des cours dans le Mato Grosso… Leur souci ? ne pas rater le dernier passage à minuit du transbordeur qui assurait la liaison sur le fleuve Parana. Combien de fois, à cause des pluies, a-t-il du dormir dans les fourrés pour attendre la reprise des rotations à 6 h … heure de sa reprise de travail…. Aujourd’hui Valdir a une formation de comptable et il se rend dans les différents campements pour travailler à leur gestion./…/
Visite de l’acampamento du 8 mars dans le Parana
« … En route avec Jean et sa voiture, vers l’acampamento, à une cinquantaine de kms de la Copavi, nous croisons des coupeurs de canne à sucre. C’est le choc.
Les grands propriétaires terriens, lorsque le temps de la coupe est venu, ne s’embarrassent pas : ils mettent le feu à des milliers d’hectares. Désastre écologique pour la flore mais aussi pour la faune prise au piège de ce brasier. Ainsi, il ne reste que la tige de la canne et ça procure un gain de temps….Au milieu donc de ce brûlis des coupeurs de canne engoncés de la tête au pied dans des chiffons par plus de 40% à l’ombre. Ils se protègent ainsi car tiges et feuilles sont coupantes comme un rasoir et lacèrent la peau. Ces hommes sont noirs de charbon et seul leur regard brille. Certains sont dans les champs, d’autres, épuisés, sur le bord de la route : regard hagard, sans vie. Jean et Valdir nous apprennent qu’ils travaillent au rendement et doivent couper plus de 10 tonnes par jour pour un salaire de misère. Esclaves et forçats des temps modernes, Jean nous dit que, tous les ans, il y en a qui meurent d’épuisement.
Leur espérance de vie est limitée : du temps de l’esclavage, un esclave pouvait vivre 20 ans au delà du début du travail. Aujourd’hui ces hommes ont une espérance de vie de 12 ans de travail ! J’essaie, sans conviction et abasourdi, de prendre des photos, mais de loin… Hier encore, nous étions dans le luxe à Porto Rico et nous-mêmes aujourd’hui dans l’insouciance de gens bien nantis…quelle détresse !… et que faire ?….
Notre arrivée à l’acampamento va finir de nous mettre mal à l’aise….!
L’acampamento du 8 mars (date de l’occupation, il y a quelques mois) ou encore appelé « Salvador Allende », à Terra Rica, comprend 300 familles ! Elles se sont installées suite à un constat d’improductivité : 1200 hectares sont inexploités depuis 20 ans. Peu après les premiers jours d’occupation, le propriétaire a sous-traité avec une usine de canne qui a planté des plants, voulant montrer ainsi que le terrain était en exploitation et que, donc, l’occupation était illégale. Le MST a immédiatement saccagé les champs pour couper court à cette menace (et c’est ce qu’on retenu les médias).
Valdir nous fait pénétrer dans le camp : en effet à l’entrée une barrière ferme l’accès. Elle est tenue par des femmes. Comme chacun ici, elles sont sur le qui-vive et exercent à tour de rôle une surveillance 24 h/24h.
Un peu plus tard, à l’arrière du camp, d’une position dominant les collines, une jeune fille de 15-16 ans exerce de son côté cette surveillance avec beaucoup de sérieux et d’application : je suis bouleversé de voir cette enfant prête à sonner le tocsin pour alerter les plus de mille personnes qui vivent ici … Pourquoi cette surveillance ? Peu de jours après l’occupation, des pistoleiros, hommes de mains de la fazenda ou de l’usine, sont venus attaquer le campement, de nuit, avec des armes à feu. Pendant 4 heures, jusqu’à l’aube, ils ont harcelés hommes, femmes et enfants qui avaient réussi à s’abriter dans un hangar de brique et de fer (et pas en bois heureusement). Seules trois personnes ont été blessées.
Nous entrons dans le campement. L’accueil d’Alex, avec son tee shirt rouge, est très chaleureux. C’est lui qui nous fait découvrir le camp : sur le terrain, des lots de 15 m par 15 m accueillent des centaines de cabanes. Ce sont des ossatures de bois, souvent de bambous, sur lesquelles sont tendues des bâches agricoles noires pour protéger de la pluie. Le tout est tenu par des cordes ou des fils de fer. Chacun gère son lopin comme il l’entend : certains plantent des fleurs à l’entrée, d’autres quelques légumes. Tout est propre. le sol de terre est balayé devant chaque masure.
Nous apprenons que lorsqu’un acampamento se met en place un « comité organisateur » distribue les tâches. Une des premières choses mises en place sera pour les enfants : visite du médecin qui deviendra hebdomadaire, création d’une pharmacie et mise en route de l’école.
Cette dernière est organisée en rotation : des cours le matin pour les uns, puis l’après midi pour les autres et enfin le soir pour les adultes. Les cours du jour concernent les 4 premières années de la scolarité enfantine; ensuite les jeunes se rendront à l’école du village voisin pour continuer leur cursus.
Un forage fournit de l’eau au camp et les services sociaux ont réussi à fournir l’électricité.
Les hommes vont dans les fazendas voisines pour trouver du travail comme journaliers en étant payés en nature par un « cesta basica », « panier de base » qui comprend nourriture, différents produits etc… Une grande parcelle du terrain occupé sera cultivée et le produit de la récolte est partagé entre tous.
J’ai les larmes aux yeux de voir à la fois tant de misère et tant de dignité. Ces personnes viennent des 4 coins du Parana pour pouvoir espérer avoir le droit de rester ici. Mais dans combien de temps ? Certaines occupations durent 8 ans dans ces conditions ! … et si le MST « gagne », seules 80 familles sur les 300 resteront ici, les autres devront poursuivre leur lutte ailleurs…. Je comprends un peu mieux ici la nécessaire solidarité, interne et entre les campements, pour ne pas sombrer d’une manière ou d’une autre…
Nous visiterons le camp, l’école, le hangar criblé de balles, le dispensaire, la petite épicerie…. dans chaque lieu des drapeaux rouges du MST, des photos posters, des épitaphes de Marx, du Che, de Jésus Christ, y compris jusque dans les classes primaires… « je suis sans terre, je suis sans terre, je sais, c’est l’identité la plus belle que j’ai gagnée ! »
Nous repartons de là, sonnés, et ce d’autant plus qu’à peine partis une pluie diluvienne se met à tomber avec un vent violent… des torrents d’eau et de boue nous font rouler au pas parce que nous ne pouvons pas nous arrêter….Nous pensons très fort à toutes ces personnes que nous venons de quitter : elles doivent s’organiser et lutter sans doute face à ce déluge… comment vivre dans de telles conditions… ? /…/ »
Source de cet article: https://kestenig.fr/mst-a-la-decouverte-dun-acampamento-2-6/
« Construire un projet national avec le peuple et pour le peuple. » C’est l’un des points centraux de la Déclaration politique de la 2ème Conférence nationale du Front Brésil Populaire, qui s’est déroulée ce week-end à l’École Nationale Florestan Fernandes (ENFF), dans la ville de Guararema, près de São Paulo. La réunion a rassemblé environ 350 militants de diverses organisations populaires dans le pays.
En parlant de la conjoncture politique nationale et internationale, le Front Brésil Populaire (FBP) souligne la nécessité de construire l’unité des forces démocratiques, en particulier face à «l’avancée de la restauration néolibérale». Un tel modèle de développement est guidé par les intérêts du marché et par la diminution de l’Etat, qui supprime les droits sociaux. « Ce qui est en jeu, c’est la souveraineté nationale et la restauration de la démocratie, nous n’épargnerons aucun effort pour contenir et mettre en échec la progression du programme néolibéral et réactionnaire à travers la lutte de masse », indique le communiqué.
La tenue du Congrès du Peuple brésilien, dans la première moitié de 2018, fait partie de cet objectif de construction collective d’un projet national, qui puisse influer y compris sur les élections de l’année prochaine. « Nous allons faire un grand effort de travail à la base en utilisant une méthodologie d’éducation populaire sur tout le territoire national qui culminera lors du Congrès du Peuple. Politiser le processus électoral autour de la nécessité d’un projet national et enraciner le Front Brésil Populaire sont les objectifs synthétiques du Congrès du Peuple. Ce sera certainement un processus de participation populaire riche qui impliquera des partis, des mouvements populaires, des intellectuels, des artistes, entre autres », explique le FBP.
Lire l’intégralité de la Déclaration politique de la 2e Conférence nationale du Front Brésil Populaire: https://www.brasildefato.com.br/2017/12/10/leia-a-declaracao-politica-da-2a-conferencia-nacional-da-frente-brasil-popular/
À São Paulo, les 9 et 10 décembre, lors de la 2e Conférence nationale du Front populaire, 350 militants de divers espaces organisationnels ont débattu de la crise brésilienne et mis à joour les tâches politiques des forces démocratiques et populaires.
Sur le plan international, la grave crise du système capitaliste, la décadence de la mondialisation néolibérale et le repositionnement de la Chine et de la Russie dans la géopolitique mondiale ont jeté les bases d’un cadre multipolaire du système des nations. L’impérialisme américain réagit à cette situation par sa politique d’exploitation des nations sous-développées, intervenant dans la souveraineté et la démocratie de ces pays, comme dans les exemples actuels du Venezuela et du Honduras.
C’est dans ce contexte que se situe la crise brésilienne. Le coup d’Etat soutenu par les forces réactionnaires a brisé l’ordre démocratique, favorisant l’application d’un programme de restauration du néolibéralisme. La situation est aggravée par l’augmentation du chômage et des inégalités sociales.
L’escalade de la violence, visant principalement les jeunes, la population noire, les LGBT et les femmes, amène le désespoir dans la population brésilienne. L’attaque contre l’autonomie des universités publiques par l’intervention de la police est un autre chapitre de cette nouvelle situation politique dans notre pays.
Les putschistes visent à réaligner le Brésil sur les intérêts géopolitiques des Etats-Unis, à recomposer les taux de profits des capitalistes, en détruisant les droits historiques de la classe ouvrière et en s’appropriant les ressources naturelles telles que le pétrole du pré-sal.
Ce n’est pas un hasard si cette conjonction de forces anti-nationales a déjà imposé le Projet d’Amendement constitutionnel (PEC) sur les dépenses budgétaires, qui prévoit une baisse drastique du budget des domaines clés pour le peuple comme la santé et l’éducation. L’approbation de la réforme du travail, les politiques de privatisation de Petrobrás et Eletrobras, ainsi que la destruction du parc industriel, démontrent que l’objectif est de démanteler l’État brésilien et de nuire à la souveraineté nationale.
Pour atteindre ses objectifs, le mouvement putschiste prévoit la rupture du pacte constitutionnel de 1988, jetant à la poubelle les droits sociaux, politiques et civils. Les acquis de civilisation, telles que le droit à la présomption d’innocence, le large droit de la défense et le droit à une procédure régulière sont brutalement attaqués. De cette manière, les bases d’un régime d’exception sont lancées. Pour inverser cette situation, les forces patriotiques, soutenues par un large mouvement de masse et un gouvernement démocratique et populaire, devront mener une lutte politique persistante capable de créer un rapport de forces favorables à la convocation opportune d’une Assemblée nationale constituante, qui construise de nouvelles institutions pour l’Etat, qui rétablisse la démocratie et qui fasse avancer le projet national, démocratique et populaire.
Le Front Brésil Populaire comprend qu’en face de l’avancée de la restauration néolibérale, la construction de l’unité des forces démocratiques, nationales et populaires est une nécessité historique. Ce qui est en jeu, c’est la souveraineté nationale et le rétablissement de la démocratie. Nous n’épargnerons aucun effort pour contenir et contrecarrer l’avancée du programme néolibéral et réactionnaire à travers la lutte de masse.
Le Brésil traverse une crise de son destin qui ne sera résolue que lorsque nous avancerons dans la construction d’une stratégie de pouvoir autour d’un Projet de nation. Il s’agit de replacer le développement national et les réformes structurelles au centre de la lutte politique. Cela nécessite une force sociale de masse qui garantisse l’hégémonie des forces populaires. Par conséquent, il est fondamental que le Front Brésil Populaire continue d’accumuler des forces dans le débat sur le programme.
Un Projet national ne se construit pas avec des hégémonies. Le Front Brésil Populaire doit être un espace ouvert aux diverses contributions du camp démocratique et populaire. L’initiative de construire le Projet Brésil Populaire démontre que la première étape est de faire un effort pour synthétiser les apports existant déjà au sein des forces populaires. Reprendre le débat sur le projet national n’est pas seulement un exercice académique, mais une nécessité historique qui exige la connaissance des spécificités de la réalité brésilienne, la reprise de la lutte de masse et le débat avec le peuple brésilien.
Confronté à la nécessité de poursuivre la préparation du programme et de se préparer à la bataille électorale de 2018, le Front Brésil Populaire doit avoir plus d’enracinement social. Par conséquent, nous ferons un grand effort de travail de base en utilisant une méthodologie d’éducation populaire à travers le territoire national, qui culminera dans le Congrès du Peuple. Politiser le processus électoral autour de la nécessité d’un projet de nation et avancer dans l’enracinement du Front Brésil Populaire constituent les objectifs synthétiques du Congrès du Peuple. Ce sera certainement un processus de participation populaire riche, qui impliquera des partis, des mouvements populaires, des intellectuels, des artistes, entre autres.
Le Front Brésil Populaire estime que tout ce processus de participation populaire sera renforcé si nous pouvons garantir à Lula le droit d’être candidat à la présidence de la République. Défendre le droit de Lula à être candidat, c’est défendre la démocratie et faire un pas important vers la défaite du coup d’État. Les ennemis du peuple ne tolèrent pas le leadership de Lula et sont capables de tout pour éviter son retour à la présidence de la République. Par conséquent, nous n’excluons pas la farce du coup d’État dans le coup d’État par les secteurs réactionnaires du pouvoir judiciaire, par le parlementarisme ou le semi-présidentialisme.
Le succès de cette proposition passe donc par la défaite des conspirateurs du coup d’État dans les urnes et dans les rues. Le Front Brésil Populaire dialoguera, de manière unitaire, avec les candidatures du camp démocratique engagées sur ces objectifs.
Sans garantir la souveraineté nationale et sans restaurer la démocratie, une solution populaire à la crise brésilienne ne sera pas possible. La deuxième Conférence nationale du Front Brésil Populaire sait ce qui est en jeu en ce moment et apporte un message de lutte et d’espoir au peuple brésilien. Malgré la gravité de la crise, nous sommes sûrs que le Brésil peut retrouver son chemin. Notre peuple a la capacité de se battre et mérite de vivre dans un pays digne, souverain et démocratique.
Nous allons résister et nous allons gagner!
São Paulo, 10 décembre 2017
Édition: Camila Maciel
Traduction: Monica Passos
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La nécessité de nous structurer
Le vénézuélien Elías Jaua – ministre des communes et des mouvements sociaux et vice-Président pour le développement du socialisme territorial – vient de signer avec les brésiliens Alexandre Conceiçao – membre de la Direction Nationale du Mouvement des Travailleurs ruraux Sans Terre et Erivan Hilario dos Santos, Directeur de l’École Nationale de Formation Florestan Fernandes, un important accord, qui est l’aboutissement d’un double processus.
D’une part, au Venezuela, la montée en puissance du pouvoir citoyen comme base d’un futur État comunal – avec une demande croissante de formation de la part des nouveaux acteurs sociaux. D’autre part, au Brésil, le travail constant de l’université construite par les Sans Terre (photos) pour que les mouvements sociaux d’Amérique Latine disposent d’un espace permanent d’articulation, d’échange d’expériences et de formation permanente en philosophie, critique de l’économie politique, histoire, théorie de l’organisation politique, question agraire (réforme agraire, rôle de la paysannerie) et sociologie, sous la férule de professeurs volontaires venus du monde entier (1).Présenté par Elías Jaua comme “un accord pour la formation des communards, et pour l’organisation et la conscientisation d’un peuple qui lutte pour construire une société socialiste”, le texte porte sur trois objectifs communs :
- La mise en place de stratégies de coopération en matière d’économie solidaire et communale, de développement local et d’économie sociale;
- La coordination de stratégies intégrales pour la formation d’entreprises socio-productives;
- La conception et la réalisation de programmes de formation en matière d’économie solidaire et communale, l’organisation d’entreprises de propriété sociale directe et indirecte au Venezuela.
Des formateurs, techniciens et spécialistes mettront au point ces projets de complémentarité productive, et organiseront des séminaires, ateliers, rencontres et conférences destinés aux mouvements sociaux et aux collectifs communards.
L’accord signé ce 28 octobre 2014 en présence des étudiants latino-américains de l’école basée au sud du Brésil (photo) couronne aussi un itinéraire commun. En janvier 2003, Hugo Chavez, le premier, avait rompu le protocole d’un de ses voyages au Brésil pour aller écouter les paysans d’unasentamiento (unité de production agricole) installés sur un “latifundio” (grande propriété sous-exploitée) ensemencé aux cris de “occuper, résister, produire !” (2). En mai 2013, peu après son élection à la présidence du Venezuela, Nicolas Maduro avait fait une halte à Brasilia pour dialoguer et prendre note des propositions des mouvements sociaux de tout le pays (3).
Thierry Deronne, Caracas, le 29 octobre 2014.
Notes
- (1) “Étudier la révolution dans la théorie et dans la pratique : l’école nationale Florestan Fernandes”https://mouvementsansterre.wordpress.com/2012/01/09/etudier-la-revolution-dans-la-theorie-et-dans-la-pratique-lecole-nationale-du-mst-florestan-fernandes/
- (2) “Semer l’homme qui écoute”,http://venezuelainfos.wordpress.com/2014/03/04/semer-lhomme-qui-ecoute/
- (3) “Quarante jours à la rencontre des mouvements sociaux”,http://venezuelainfos.wordpress.com/2013/06/03/videos-et-photos-quarante-jours-a-la-rencontre-des-mouvements-sociaux/
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15000 paysan(ne)s ont pris la route, aux quatre coins du Brésil pour rejoindre et organiser un immense campement à Brasilia. Du 10 au 14 février, le plus grand mouvement social du Brésil fait le bilan de trente années de luttes en présence de deux cents invités internationaux. Ce sixième Congrès national du Mouvement des travailleurs ruraux Sans Terre (MST) s’est ouvert par une « mistica » (photos) où la poésie, la musique, le théâtre se rejoignent pour réaffirmer la vision et la sensibilité du mouvement social.
En janvier 1984, ils étaient une centaine de syndicalistes, agriculteurs et religieux à se réunir dans la ville de Cascavel (état du Paraná). Convaincus que seule l’organisation des masses paupérisées mettrait fin à la concentration des terres et des richesses héritée de la colonisation, ils lançaient les bases du MST. Avec une revendication centrale: la redistribution des terres par une réforme agraire. Né au Sud du Brésil, le mouvement allait rapidement s’étendre. «Il en fallait du courage pour porter une casquette du MST», se rappelle Sival Lima de Jesus, membre fondateur du mouvement dans l’état de Sergipe, au Nord-Est du pays. En septembre 1985, Sival y appuyait la lutte de 350 familles de travailleurs ruraux occupant une propriété de 35 000 hectares, à 150 kilomètres de la capitale Aracaju. Poussées par la misère, les familles revendiquaient le droit de cultiver le terrain, laissé en friche par un fazendeiro, grand propriétaire local. La répression sera féroce. «Plusieurs fois, la police a détruit nos baraques, battu les occupants», souligne Sival. Frère laïc d’origine belge, Michel Dessy, dit Guido, amenait de la nourriture aux acampados durant les week ends. Un jour, un délégué de la Police Militaire lui intimait de quitter le campement. Guido refusait. Les policiers le tabassaient. «Si c’est ainsi que vous traitez le peuple, je reste», déclarait Guido à leur chef. Il ne quittera plus l’occupation. Le 28 juillet 1987, les Sans Terre sortaient victorieux du conflit. Ils fondaient l’assentamento dit Barra da Onça, le premier établissement agricole conquis par le MST dans la région. Leur vie en sera transformée: «A l’époque, je travaillais pour les fazendeiros, avec un salaire de misère. Aujourd’hui j’ai une terre à cultiver, de quoi manger, une maison, de l’eau, un frigo» témoigne l’agriculteur Caetano dos Santos.
Conquêtes… et questions
À travers le pays, les occupations se sont multipliées. En trois décennies, le MST a créé des milliers d’assentamentos, répartis sur 24 états de la Confédération brésilienne. 350 000 familles y ont conquis une vie digne. Une étude de l’Institut National de Colonisation et Réforme Agraire (INCRA) le confirme: pour les paysans, l’accès à la terre s’est accompagné, dans la majorité des cas, d’une élévation du patrimoine, du niveau d’éducation et d’accès aux services de santé [1].
Depuis quelques années, la dynamique semble pourtant s’essoufler. «Le MST est un des plus importants mouvements sociaux d’Amérique latine. Mais il traverse une phase délicate» observe Ricardo Antunes, professeur titulaire de sociologie à l’Université de Campinas (São Paulo). Alors que 186 000 familles Sans Terre attendent sous les bâches noires des acampamentos, la présidente Dilma Rousseff (PT, Parti des Travailleurs) n’a exproprié que 100 grandes propriétés en 2013, bénéficiant à peine 5000 familles. Ses priorités sont ailleurs: de 2002 à 2013, les exportations des multinationales de l’agronégoce sont passées de 25 à plus de 100 milliards de dollars. Alimentées par les crédits publics, les monocultures de canne-à-sucre, soja et eucalyptus s’étendent. La concentration des terres augmente.
Occupations en baisse
Si la réforme agraire est passée aux oubliettes, les programmes d’assistance et la croissance économique ont un peu soulagé le quotidien des plus pauvres. «Une partie de cette population va chercher un emploi en ville plutôt que lutter pour la terre», souligne Bernardo Mançano Fernandes, professeur de géographie à l’Université de São Paulo. Conséquence: depuis 2004, le nombre de nouvelles occupations est en baisse. Dans les assentamentos, la situation est aussi difficile: confrontés au désintérêt du gouvernement, les petits agriculteurs manquent d’infrastructures et de soutiens à la production. Confronté à un nouveau contexte, le MST doit revoir sa stratégie. Selon Ricardo Antunes, l’arrivée du Parti des Travailleurs (PT) au pouvoir, en 2003, l’a mis face à un dilemne: «Le PT a abandonné la réforme agraire. Mais une partie de la direction du MST hésite à se confronter directement à un parti qui était, historiquement, son allié.» Certains critiques vont plus loin: «Le MST a perdu son indépendance. Il n’arrive plus à mobiliser sa base pour affronter le gouvernement», affirme José Maria de Almeida, dirigeant de Conlutas, la combative centrale syndicale liée au Parti socialiste des travailleurs unifiés (PSTU).
Importance vitale
«Le MST est loin d’avoir arrêté la lutte» rétorque Gileno Damascena, membre de sa direction nationale. Le mouvement continue à lutter pied à pied contre les latifundistes, et son drapeau flotte encore sur près de 850 acampamentos. Mais «l’avancée de l’agronégoce le met face à trois défis, résume Bernardo Fernandes: développer ses assentamentos, pour qu’ils représentent une alternative aux périphéries urbaines; continuer les occupations; et maintenir son indépendance face au gouvernement.» À Brasilia, des milliers de Sans Terre mèneront le débat dès lundi. Et ne manqueront pas de faire résonner, jusque sous les fenêtres du Palais présidentiel, le mot d’ordre de leur sixième Congrès national: «Lutter, construire la réforme agraire populaire!»
“La réforme agraire se fera seulement avec de grandes mobilisations”
Questions à Alexandre Conceição (photo), membre de la Coordination Nationale du MST.
Quels sont les enjeux du sixième Congrès national du MST ?
Nous allons réunir 10 à 15 000 paysans dans la capitale Brasilia, pour débattre notre stratégie dans une conjoncture politique difficile. Depuis la fin de la dictature militaire, Dilma Rousseff est la présidente qui a le moins redistribué de terres. Son gouvernement s’est allié à des représentants des grands propriétaires terriens. Dans ce contexte, la base du MST commence à se rendre compte que ce n’est pas à une table de négociation que se fera la réforme agraire, mais seulement par de grandes mobilisations.
Les mobilisations de juin 2013 jouent-elles un rôle dans ce contexte?
Les mobilisations de juin ont une grande importance historique. Elles ont été un cadeau de la jeunesse pour les travailleurs. Nous vivions un moment de descente des luttes sociales et la jeunesse a fait irruption dans les rues, revendiquant de meilleures conditions de vie. Nous allons inviter ces jeunes à notre Congrès et débattre avec eux des alliances à construire entre la ville et la campagne pour construire un nouveau pays.
Lors de son Congrès, le MST adoptera un nouveau Programme agraire. Quelles en sont les grandes lignes?
Notre pays est dominé par le capitalisme financier et les entreprises de l’agronégoce, qui produisent des monocultures pour le marché mondial à grand renfort de produits toxiques. Il n’y a pas de place pour la réforme agraire dans ce modèle économique, qui détruit la nature et expulse les paysans des campagnes. Nous devons lui opposer un contre-modèle: une Réforme Agraire Populaire qui redistribue les terres pour y produire des aliments sains destinés aux travailleurs brésiliens. Cette alternative créerait des emplois et des revenus dans les campagnes, impulsant un nouveau développement. Elle ne pourra être atteinte qu’à travers la lutte de la majorité de la population.
Repères…
À la fin des années 70, des milliers de paysans appauvris occupent des terres au Sud du Brésil. Ces luttes sont appuyées par les militants de la Commission Pastorale des Terres (CPT), proches de la Théologie de la libération. Elles donneront naissance au MST en janvier 1984. Lors de son premier Congrès national (1985), le MST adopte le mot d’ordre «Occuper est la seule solution.» Sa revendication centrale: une réforme agraire mettant un point final à la concentration des terres – 1% de propriétaires contrôlent près de 50% des terres, alors que près de quatre millions de paysans en sont dépourvus – et améliorant les conditions de vie de la population. Sa méthode: l’organisation d’occupations (acampamentos) sur de grandes propriétés (latifundia) improductives ou acquises illégalement. S’appuyant sur la Constitution, le MST revendique leur expropriation en faveur de familles désireuses de les cultiver. Il se bat aussi pour une société «plus juste et fraternelle.» Le 17 avril 1996, 19 Sans Terre sont exécutés par la Police Militaire de l’Etat du Pará, près de la ville d’Eldorado de Carajás. La date marque aujourd’hui la Journée Internationale des luttes paysannes. Le mouvement ripostera para l’organisation d’une Marche pour l’emploi, la justice sociale et la réforme agraire. Après un périple de 1000 kilomètres, ses militants seront accueillis, le 17 avril 1997, par 100 000 personnes dans la capitale Brasilia. Une fois la terre conquise, les familles du MST y fondent une exploitation agricole (assentamento). Elles s’y fixent pour objectif de développer, sous la forme de coopératives, la production de cultures vivrières destinées au marché intérieur. La mise en place d’écoles et de postes de santé est une priorité. Le MST organise 1,5 million de personnes à travers le Brésil, dont près de 400 000 vivent dans des occupations.
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L e MST a été fondé en 1984. Trente ans plus tard, l’organisation prépare son sixième Congrès national, qui aura lieu du 10 au 14 février 2014 à Brasilia. Questions à José («Zê») Borges Sobrinho, agriculteur et dirigeant du MST à Sergipe.
Comment es-tu entré dans le MST?
J’ai milité dans un syndicat de travailleurs ruraux, puis dans le Mouvement des Chrétiens en milieu rural, avant d’entrer dans le MST. Je me suis identifié avec le MST en raison de mes origines: je suis fil d’une famille de paysans pauvres, sans terre. Mais aussi parce que le MST est un mouvement qui prône la lutte pour les droits des travailleurs plutôt que l’assistencialisme.
Quel est le rôle d’un Congrès du MST?
Le Congrès national est la plus importante instance du mouvement: elle réunit l’ensemble des militant-e-s du pays pour définr les lignes stratégiques de notre lutte. Notre dernier Congrès, en 2007, a rassemblé 15 000 Sans Terre.
Il aura lieu dans un contexte difficile…
En 30 ans de lutte, le MST a permis à 400 000 familles de vivre dignement en travaillant la terre. C’est une grande avancée. Le modèle d’agriculture que nous défendons crée 70% des emplois
dans le secteur agricole, et produit la majeure partie de la nourriture consommée dans le pays. La réforme agraire représente une vraie alternative de développement pour des millions de familles à la campagne.
Aujourd’hui, les grands propriétaires et les multinationales de l’agro-business concentrent toujours plus de terres. Cela nous a affaibli. En termes de distribution des terres, 2013 sera une des pires années depuis la fin de la dictature militaire (1984). Les difficultés ne se limitent pas au MST: nous traversons une période de descente des luttes sociales depuis l’entrée au gouvernement du Parti des Travailleurs (PT) en 2003.
Comment expliquer ce paradoxe?
La base du MST a voté pour les candidats du PT à la présidence, Lula puis Dilma Rousseff. Nous estimons qu’il s’agit d’un moindre mal face à la droite, très répressive. Mais, en 10 ans de gouvernement, le PT a oublié la réforme agraire et favorisé l’agro-business. Pour remédier à la situation, nous devons renforcer notre lutte. Aucun politicien ne va résoudre notre problème.
Quelle est la situation à Sergipe?
Ce contexte touche tout le pays. À Sergipe, nous avons eu une avancée importante dans la région semi-aride du Sertão. Un accord avec le gouvernemnent de l’Etat (Marcelo Déda, PT) a permis l’acquisition et la redistribution de grandes propriétés improductives pour 1200 familles Sans Terre. Dans les autres régions de l’Etat, il est toujours plus difficile pour les petits de gagner un bout de terre.
Comment améliorer cette situation?
Nous devons renforcer notre capacité de lutte, qui a perdu du punch ces dernières années face au gouvernement. Ce sont le nombre et l’organisation qui font notre force. Sans la pression populaire, c’est le pouvoir politique et financier des entreprises et des grands propriétaires qui impose ses priorités au gouvernement. Nous devons préparer et former notre direction, nos militant-e-s, notre base à un nouveau cycle de luttes.
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Les 18-19 septembre 2013, première rencontre des « Sem Terrinha » – enfants des familles sans terre – du campement Maria Lindaura (450 familles, région Nord de Sergipe). 150 enfants ont participé aux activités: ludiques (théâtre, bibliothèque, foot bien sûr) mais aussi éducatives – dans le contexte de campements sans eau, électricité, système d’égoût et de fosses septiques, les questions d’éducation en santé sont primordiales pour éviter les maladies qui guettent les familles et leurs enfants. Les parents étaient aussi présents. Et une participation spéciale pour nous: notre « Sem Terrinha » Nilo, déchaîné…