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« Sans assemblée constituante, la crise politique se prolongera »
Joao Pedro Stedile, membre de la coordination nationale du Mouvement des Travailleurs Sans Terre du Brésil (MST)

Joao Pedro Stedile, membre de la coordination nationale du Mouvement des Travailleurs Sans Terre du Brésil (MST)

Pour João Pedro Stedile, la présidente Dilma Roussef est politiquement vaincue et son avenir dépend maintenant beaucoup du courage dont elle fera preuve.  Quoi qu’il en soit la mobilisation populaire pour la réforme politique et les acquis sociaux devrait se poursuivre, afin « d’arracher » une constituante, unique moyen de parvenir aux réformes nécessaires.

par Nilton Viana, de la rédaction de  » Brasil de Fato », 23/07/2013.

Traduction du portugais : Frédéric Wilbaux

En Juin, lors des manifestations qui ont secoué le pays, le journal « Brasil de Fato » a publié une entrevue avec João Pedro Stedile (1), dirigeant national du « mouvement des paysans sans terre » (MST) et organisateur des mouvements sociaux brésiliens pour le changement social, afin de tirer un premier bilan et de comprendre l’importance de ce moment.

Aujourd’hui, plus d’un mois après ce moment historique, et suite à la journée de grève nationale organisée par les centrales syndicales et les mouvements sociaux, nous publions notre entrevue avec Stedile.

Le dirigeant pense que toute possibilité de changement politique par le Congrès actuel est morte et enterrée. Et il est catégorique: « si nous n’allons pas vers une constituante, nous verrons se prolonger une crise politique dont personne ne peut mesurer les conséquences. »

Brasil de Fato – Un mois après les grandes mobilisations et la grève générale du 11 Juillet, quel est votre bilan?

João Pedro Stedile – Le résultat des grandes mobilisations de juin est extrêmement  positif. La jeunesse a remis en question la politique institutionnelle et rompu avec l’apathie  de la politique de conciliation de classes,  il semblerait que tout le monde y ait gagné.

Puis nous avons eu la grève générale du 11 juillet – organisée par les syndicats et les organisations de la classe ouvrière- qui, malgré la manipulation de la presse bourgeoise, fut vraiment un succès.

La plupart des travailleurs des grands centres urbains du pays ne sont pas allés au travail.

Il s’en est suivi, dans beaucoup de villes, des mobilisations massives contre l’arrogance de la police, contre les administrations locales, comme dans les cas de Rio de Janeiro, Vitória, Porto Alegre, etc…

Tout cela fédère les masses en mouvement, les amenant à agir dans la lutte politique concrète et à utiliser la rue comme espace de revendication.

Brasil de Fato – Quel est la signification de tout cela d’un point de vue programmatique?

João Pedro Stedile – Du point de vue programmatique, nous assistons à la combinaison de deux pôles : d’un côté, la jeunesse contestant la façon de faire de la politique, le manque de représentation au Congrès, le pouvoir judiciaire et le gouvernement; dénonçant la gravité de la crise urbaine, de la situation des transports et de la vie dans les cités. Non sans critiquer la dictature médiatique de « Rede Globo » et en réclamant la démocratisation des médias.

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D’un autre côté, avec l’entrée en scène des secteurs organisés de la classe ouvrière, des exigences en matière de réformes structurelles ont été misés à l’ordre du jour, en relation avec les besoins socio-économiques de toute la population.

Comment les droits sociaux sont-ils garantis ? Quid de la loi de sous-traitance, de la précarisation des conditions de travail, de la réduction du temps de travail et de la sécurité ? Sont également à l’ordre du jour : la souveraineté nationale contre les ventes de pétrole, l’agenda de politique économique, la lutte contre les taux d’intérêts élevés, une réforme fiscale qui réexamine également la politique d’excédent primaire qui a été appliquée depuis le gouvernement Cardoso.

Brasil de Fato – Pourquoi la proposition de la Présidente Dilma d’organiser une constituante et un référendum populaire ne rencontre-t-elle pas le succès?

João Pedro Stedile – Dès les premiers clameurs de la rue, la Présidente Dilma a fait la proposition d’organiser une Assemblée constituante et un référendum afin de consulter la population à propos ce ces mouvements. C’était une bonne initiative, mis à part que le référendum proposé était lié à des petits changements électoraux et non à une réforme politique majeure. Mais même ainsi, aussi incroyable que cela puisse paraître, elle a été boycottée et vaincue.

D’abord par sa base parlementaire, qui n’est pas vraiment sa base gouvernementale mais la base des entreprises qui ont financé ses campagnes. Deuxièmement, elle a été boycottée par le PMDB, parti social-démocrate et membre de l’Internationale Socialiste (Partido do Movimento Democrático Brasileiro) et par une partie de son propre parti, le PT (Partido dos Trabalhadores).

Ainsi, la moindre marge de manœuvre au travers de l’actuel Congrès a été définitivement balayée. La preuve que personne n’est prêt à procéder à des coupes dans ses propres privilèges. Pire. Au milieu de toute cette mobilisation, les principaux représentants des pouvoirs constitués se sont comportés avec mépris face aux revendications des rues, avec l’usage de jets des forces armées pour se rendre à des fêtes et aux jeux de la sélection ; les coups tordus du président du Tribunal Suprême avec ses petits négoces, sa promiscuité avec la « Rede Globo », le travail fictif d’un de ses fils qui a touché  plus de 500 mille dollars sans travailler à l’Université d’Etat de Rio de Janeiro (UERJ)…

Tout cela a laissé la présidente politiquement vaincue. Je pense que son avenir dépend maintenant beaucoup du courage dont elle fera preuve.

Tout d’abord, elle devrait remplacer immédiatement différents ministres dans le domaine des affaires civiles, de la justice et de la communication; ceux qui n’ont pas encore écouté la rue… Elle doit donner une preuve qu’elle veut du changement.. Et s’éloigner le plus rapidement possible du PMDB en montrant qu’elle entend et suit le mouvement de contestation.

Brasil de Fato – Comment voyez-vous le comportement et les objectifs de la bourgeoisie brésilienne face à ces manifestations ?

João Pedro Stedile – Les secteurs organisés de la bourgeoisie brésilienne, qui représentent diverses mouvances, sont restés relativement atones durant les manifestations, sans savoir quoi faire et tâtonnant dans leurs tactiques. Même la position de « Globo » alternait quant aux interventions de la police militaire. Ils continuent a être divisés.

Une partie continue d’appuyer le gouvernement de Dilma, bien qu’ils auraient préféré que Lula revienne pour donner davantage de sécurité au pacte de classes institué en 2002. L’autre partie de la bourgeoisie, plus liée aux secteurs de l’agro-alimentaire et du capital financier, se retrouve autour d’un seul objectif : décrédibiliser au maximum le gouvernement Dilma pour en recueillir les fruits aux élections de 2014. Toutefois, ils n’ont pas encore le candidat qui puisse défendre leurs intérêts tout en surfant sur le désir de changement de la rue.

Ils ne sont pas le mouvement : ils sont la régression; le retour aux programmes néo-libéraux et une plus grande dépendance du Brésil aux intérêts étrangers.

Ils vont continuer à essayer de motiver la jeunesse sur des thèmes réactionnaires ou encore utiliser le 7 septembre pour l’exaltation de la patrie, comme ils l’ont fait par le passé. Mais heureusement pour nous, je pense qu’« ils passent mal en photo », comme dit le dicton;  la jeunesse n’est pas dupe. L’entrée en scène de la classe ouvrière a placé la question de la lutte des classes dans la rue.

Brasil de Fato – Qu’est-ce qui pourrait arriver dans les rues à l’avenir?

João Pedro Stedile – La suite est difficile à prévoir. Il est certain que les mobilisations vont continuer. Parfois de manière ponctuelle contre des questions locales, comme le cas du gouverneur de Rio de Janeiro, les péages de Vitória, la lutte pour le tarif zéro du transport public, qui ont déjà commencé… Et les secteurs organisés de la classe ouvrière ont déjà programmé diverses mobilisations durant tout le mois d’août.

le 6 août, se tiendront des manifestations syndicales face au patronat, contre le projet de sous-traitance et pour la réduction du temps de travail.

la semaine du 12 août, auront lieu des mobilisations estudiantines, sur des thèmes relatifs à l’éducation.

le 30 août aura lieu une nouvelle grève générale avec le même ordre du jour politique et économique que lors de la grève du 11 juillet dernier.

Je suis sûr que cette grève sera encore plus importante.

– puis, la semaine du 7 septembre, il y aura des mobilisations contre les enchères du pétrole, de l’énergie électrique, ainsi que les mobilisations du  » cri des exclus » soutenues par les églises pastorales… Etc…  Bref, nous aurons un mois d’août très actif. Mais le principal, c’est que nous considérons que s’est ouverte une nouvelle période historique de mobilisation de masse, qui sera longue… jusqu’à ce que le rapport de forces dans les institutions politiques se modifie.

Brasil de Fato – Et quelle est la proposition des mouvements sociaux face à cette situation ?

João Pedro Stedile – Face a cette situation, les mouvements sociaux se sont beaucoup concertés, tenant des assemblées plénières locales, régionales et nationales afin de consolider l’unité. Nous pensons que nous devons stimuler différents types de mobilisation de masse dans les rues, comme j’ai déjà décrit par rapport au mois d’août.

Et d’un autre côté, l’unique issue politique à court terme est que nous luttions pour convoquer une assemblée constituante exclusive afin de promouvoir les réformes politiques qui ouvriront un espace aux nécessaires réformes structurelles.

Comme le congrès ne veut pas d’une constituante et contredit le gouvernement, ce sont les forces populaires qui se mobilisent et réclament un référendum pour poser une seule question : jugez-vous nécessaire une Assemblée Constituante pour réaliser les réformes?

Et avec ce référendum organisé par nous-mêmes, le but est de récolter des millions de votes, par exemple entre septembre et novembre, puis de faire une grande marche sur Brasilia et remettre au Parlement une proposition : organiser la convocation de l’assemblée constituante en même temps que les élections de 2014.

Nous aurions dès lors un Congrès temporaire, en affaires courantes, puis une autre constituante qui se tiendrait par exemple durant six mois (durant le premier semestre 2015) afin de promouvoir les réformes exigées par la rue.

Le 5 août prochain, nous allons tenir une réunion nationale de tous les mouvements sociaux brésiliens pour discuter de cela et aussi d’autres propositions. J’espère que les dirigeants qui par hasard liront cette entrevue, seront motivés pour participer à cette importante session qui se tiendra à São Paulo.

Brasil de Fato – Pensez-vous que cette proposition tient la route politiquement parlant ?

João Pedro Stedile – En ce moment, nous effectuons de nombreuses consultations entre mouvements sociaux, partis politiques, forces populaires : la convergence est assez générale.

Si nous parvenons à organiser un référendum populaire et à recueillir des millions de voix, nous serons en force pour trouver une sortie politique. Si nous ne parvenons pas à réunir une assemblée constituante, par contre, nous entrerions dans une longue crise politique dont nous ne pouvons mesurer les conséquences. Car ce ne sont les élections de 2014 qui résoudront les impasses qui ont jeté la population dans la rue.

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Note:

(1) Lire « Celui qui veut rester en dehors, sortira de l’histoire« , https://mouvementsansterre.wordpress.com/2013/06/25/joao-pedro-stedile-coordinateur-du-mouvement-des-sans-terre-du-bresil-celui-qui-veut-rester-en-dehors-sortira-de-lhistoire/

Photo : Pablo Vergara

Source : http://www.mst.org.br/Stedile-%E2%80%9CSe-n%C3%A3o-viabilizarmos-uma-constituinte-entraremos-numa-crise-pol%C3%ADtica-prolongada%E2%80%9D

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Réinventer le Mouvement des Sans Terre pour continuer à être le Mouvement des Sans Terre
20 juillet 2013, 1:58
Filed under: Analyse, Histoire, Lutte, réforme agraire
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Edgar Jorge Kolling

Trente ans après la fondation du MST, notre mouvement fait l’expérience de se trouver face à un des plus importants carrefours de son histoire : la réforme agraire est bloquée !

En pratique la réforme agraire est sortie de l’agenda politique et l’agro-industrie avance à grands pas, aidée par les milliards de subventions gouvernementales et par le soutien massif des grands médias.

La plus grande partie de l’opinion publique, intoxiquée par la propagande de l’agro-industrie, est satisfaite ou s’accommode de ce modèle, assistant à tout cela sans comprendre ou même connaître la rivalité des deux projets dans l’espace rural brésilien : agro-industrie ou agriculture paysanne.

Les familles sans-terre prêtes à se battre pour en obtenir une ne sont plus aussi nombreuses qu’auparavant, particulièrement dans le centre-sud du Brésil. Dans les régions Nord-est et Nord où se concentre la majeure partie de ces familles, la lutte pour la terre est encore dynamique, même si elle a diminué ces dernières années.

Dans ce contexte complexe et défavorable à la mise en œuvre de la réforme agraire, le MST est face à de grandes tâches et à de grands défis. Défis fondamentaux qui ont à voir avec son existence et sa raison d’être. De même qu’il y a trente ans le MST est né de la crise économique, sociale, politique, maintenant c’est au Mouvement de se dépasser pour demeurer un acteur important des luttes de la société brésilienne.

Le grand défi du MST est de se réinventer ! Se réinventer et se recréer pour continuer sur le chemin de la lutte pour la réforme agraire et pour des transformations structurelles de la société brésilienne. Sinon il court le risque d’être un mouvement de plus qui s’est créé, s’est développé et peu à peu s’est sclérosé au point d’être dépassé par d’autres organismes plus efficaces pour répondre aux intérêts des sans terre et des paysans.

En 2011, analysant la lutte des classes en milieu rural, les obstacles à la réforme agraire et les difficultés qu’il affrontait, le MST a décidé de lancer un grand processus collectif de débat pour préparer son sixième Congrès national qui aura lieu en 2014.

Le MST est conscient qu’il se trouve à une croisée des chemins historique et que pour se sortir de la situation où il se trouve il sera nécessaire de bâtir une nouvelle corrélation de forces favorables à la réforme agraire, en opposition à l’agro-industrie. Tout montre qu’il faudra lutter pendant longtemps, construire une unité paysanne, resserrer les alliances avec de vastes secteurs urbains.

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“Stratégie”, oeuvre de Ares.

En analysant nos pratiques, nous voyons qu’il y a un grand écart entre la définition politique de la réforme agraire populaire et sa mise en œuvre par les familles assentadas [1], c’est à dire des terres expropriées avec le concours du MST

Celles qui donnent la priorité à la monoculture, utilisent des semences OGM et des produits de traitement toxiques et appliquent le modèle pervers de l’agro-industrie que combat le MST, ne sont pas rares.

Combien de familles assentadas produisent-elles de façon agro écologique ? Et quel a été l’engagement du MST en termes de décision politique, de ressources humaines et matérielles, pour donner du concret dans les assentamentos à cette technologie ?

Il faut faire des assentamentos des lieux où il fait bon vivre, en communauté et en équilibre avec la nature et qu’ils soient des modèles susceptibles d’être généralisés, afin que dans les milliers de communes où nous sommes présents dans ce pays ils constituent le modèle concurrent pouvant prétendre à être généralisé.

La crise idéologique dont la gauche est atteinte et les difficultés pour proposer un chemin vers le socialisme ont également affecté le MST, diminuant notre vigilance dans la mise en pratique de nos principes, ce qui peut se percevoir dans la négligence à appliquer avec efficience la méthode de direction collégiale, la critique, l’autocritique, la discipline et le travail à la base.

Les années passant, nous avons créé différentes formes d’organisations de base, des instances et des secteurs d’activité mais nous constatons aujourd’hui que bien peu fonctionnent.

Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation. Nous devons nous pencher sur ces problèmes et prendre des mesures afin d’adapter ou de réinventer des formes d’organisation collective.

[…]

Une grande partie du peuple brésilien est en accord avec le modèle agricole dominant du pays parce qu’il sait peu de choses sur les méfaits de l’agro-industrie qui bourre les aliments de produits de traitement, détruit la nature et l’environnement, concentre la terre, les revenus et les richesses. Plus grave encore, cette opinion est prédominante parmi les assentados et une bonne partie des militants du MST.

Pour affronter l’agro-industrie il ne suffit pas que les directions du Mouvement soient informées au sujet des enjeux qui s’opposent en milieu rural. Il faut que l’ensemble du MST comprenne pourquoi la réforme agraire est bloquée, comprenne les mécanismes et les contradictions de l’agro-industrie et par ailleurs connaisse l’objectif de l’agriculture paysanne et sa mission de produire des aliments sains.

Pour populariser et faire la promotion des avantages de la réforme agraire populaire nous devons donner plus de poids à la presse alternative : le journal Brasil de Fato (Le Brésil dans les faits), le journal Sem Terra, les radios communautaires, etc. et privilégier les écoles, instituts, universités, qui veulent débattre sur ces thèmes.

Notre tâche principale est de mettre en œuvre des luttes communes pour bâtir une nouvelle corrélation de force dans cette confrontation de projet.

[…]


Article paru dans le journal Sem Terra n° 320 (septembre-novembre 2012), p. 10.

Traduction française de Jean Luc Pelletier.

Notes

[1Assentadas : se dit de familles d’agriculteurs installées dans des assentamentos.

Source : http://www.alterinfos.org/spip.php?article6252

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Reportage photo : le 11 juillet, les mouvements sociaux entrent pleinement dans la lutte au Brésil
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«Ceux qui ne se sont jamais endormis accueillent ceux qui se réveillent»: c’est avec ce slogan que le Mouvement des Sans Terre invitait hier les jeunes manifestants qui ont bouleversé le Brésil durant le mois de juin à amplifier la lutte. Pour cette journée nationale de mobilisation, ce sont donc les acteurs sociaux qui relancent les revendications de changements structurels dans l’économie, le social et les médias, à l’appel des cinq principales centrales syndicales du pays, des organisations paysannes et, notamment, de la très puissante CUT (Centrale Unique des Travailleurs).
Les grands médias insistent – mais c’est leur rôle après tout quand l’ordre est menacé – sur la “faiblesse” des mobilisations, comparativement aux énormes mouvements de juin. Il n’en reste pas moins que des catégories importantes de salarié(e)s ont fait grève durant cette journée, ce qui est une évolution importante du mouvement car ces secteurs n’avaient pas encore participé à la lutte. Les centrales syndicales, qui se réunissent aujourd’hui, annoncent la possibilité d’une grève générale au mois d’août.

Démocratiser la propriété des médias

Des milliers de personnes ont également manifesté à Sao Paulo devant le siège de la TV Globo, chaîne quasi monopolistique de télévision du pays, accusée de criminaliser les mouvements sociaux. À Salvador de Bahia, son antenne locale a même été occupée par des syndicalistes. Les militants exigent le vote d’une nouvelle loi de l’audiovisuel et de la presse, brisant notamment la situation d’oligopole dont jouit le groupe Rede Globo et redistribuant une partie de la propriété des ondes de radio et de télévision aux citoyens et aux mouvements sociaux.

Partout ailleurs le Mouvement des Sans Terre participait de la Journée de Lutte nationale du 11 juillet : dès le matin, ses militant(e)s avec, dans certains Etats, d’autres militant(e)s syndicaux(ale)s et d’autres mouvements sociaux, bloquaient certaines des routes nationales les plus importantes (les « BRs »).

A Sergipe, les Sans Terre ont bloqué les routes de l’Etat à 12 endroits, dans les 5 régions de l’Etat. Près de 3000 Sans Terre ont participé aux mobilisations. Un chiffre important dans le contexte actuel. Les revendications, en plus de la plate-forme unitaire adoptée avec les centrales syndicales, portaient sur la Réforme Agraire et l’octroi immédiat de terres aux 8500 familles qui vivent dans les campements du MST à Sergipe. Exemple phare: les 220 familles du campement Tingui, le plus vieux de l’Etat (seize ans d’occupation!) ont reçu un mandat d’expulsion pour le mois d’août !

Octroi immédiat des terres de la réforme agraire

D’autres revendications s’ajoutaient, visant à améliorer le développement des assentamentos- unités de production agricole sur les terres que l’État doit légaliser en vertu de la réforme agraire, là où les familles ont déjà décroché une terre. A Glória, après le coupage de la route principale à la sortie de la rouge durant près d’une heure, 500 manifestant(e)s sont parti(e)s en direction du centre ville, où ils ont défilé devant les principales banques publiques pour exiger des crédits en faveur des producteurs, et devant la Compagnie d’assainissement et de distribution d’eau de l’Etat (Deso), pour y dénoncer l’état catastrophique du réseau – dans la ville même (la troisième plus importante de l’Etat de Sergipe !), les coupures d’eau durant plusieurs jours sont quasi-hebdomadaires, alors que dans certains assentamentos la facture arrive tous les mois… mais pas l’eau!

A noter à Sergipe une grève bien suivie dans le secteur des transports, des pétroliers, des ambulanciers et des salarié(e)s des banques. Une manifestation a réuni tout le monde en fin d’après-midi à Aracaju.

«Dilma Rousseff a entendu la voix de la rue»

La présidente Dilma Roussef se trouve dans une situation paradoxale : les syndicats défilent avec des exigences envers le gouvernement, mais la force de la mobilisation populaire peut l’aider à faire avancer son projet de référendum sur la réforme politique, qui vient d’être enterré par les présidents du Sénat et de l’Assemblée pour des raisons «pratiques». «Dilma Rousseff a entendu la voix de la rue et a lancé ce débat, mais sa base politique et parlementaire lui tient tête», analyse Joao Pedro Stedile, coordinateur national du Mouvement des Sans Terre.

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Lettre unitaire et réunion des organisations rurales avec la présidente Dilma Rousseff

gfgmob_sociales_brasilUne coordination unitaire des mouvements des travailleurs et des populations rurales rencontrera la présidente Dilma ce vendredi 6 juillet 2013, à 15h, au Palais du Planalto, à Brasilia.

Des organisations comme la Contag, le Mouvement des Sans Terre, la Via Campesina, la Fetraf, entre autres, ont publié la Lettre aux travailleur(se)s du Brésil et à la Présidente dont voici le texte intégral :

« Nous, organisations et mouvements sociaux qui habitons les zones rurales, qui travaillons pour produire l’alimentation du peuple brésilien, avons été invités à une réunion avec la présidente Dilma Rousseff. Nous avons accepté l’invitation et nous espérons que ce dialogue va ouvrir une nouvelle étape pour résoudre les problèmes subis par les travailleur(se)s ruraux depuis des décennies et qui affectent les villes.

Par cette lettre, nous voulons expliquer quelle sera notre position lors de la réunion avec la présidente. Le peuple brésilien est dans la rue, exige et réclame des solutions aux problèmes réels de la classe ouvrière, comme la réduction des coûts du transport et son amélioration, il lutte pour l’amélioration des soins de santé (SUS) et pour une éducation publique, gratuite et de qualité, pour la démocratisation des médias, et contre la répression, entre autres. Les luttes exigent des changements structurels. Les luttes sociales sont légitimes : elles seules peuvent améliorer les conditions de vie de notre peuple.

Nous participons et nous continuerons à participer aux luttes populaires qui se déroulent dans les villes et les campagnes. Nous exprimons notre soutien et notre solidarité avec les luttes et les revendications populaires des jeunes, des populations des quartiers populaires et de tou(te)s les travailleur(se)s qui vivent dans les villes.

Dans les zones rurales il y a une énorme dette sociale et les inégalités sociales augmentent. La terre est concentrée dans les mains des grands propriétaires et des entreprises étrangères. Nos ressources naturelles, stratégiques, telles que la terre, l’eau, les forêts, les minéraux, sont privatisées et sont passées sous le contrôle des grandes entreprises. Selon l’IBGE, près de 8.300 propriétaires possèdent à eux seuls 83 millions d’hectares alors que 4,3 millions d’agriculteurs familiaux ne possèdent que 70 millions d’hectares. Or ce sont ces agriculteurs familiaux qui produisent 70% de l’alimentation consommée par la population brésilienne.

Le poison utilisé par l’agro-industrie arrive à notre table et provoque de nombreux problèmes de santé. Les prix alimentaires sont gonflés par le business de la spéculation. L’agriculture brésilienne est dominée par les sociétés transnationales.

Neuf grandes entreprises privées dominent et agissent comme des cartels sur  la production alimentaire, les produits toxiques, l’industrie semencière, imposent partout l’utilisation des pesticides dans l’agriculture; ils déboisent de vastes étendues de forêts et de mangroves; envahissent et persécutent les peuples autochtones, les pêcheurs et les communautés afro-descendantes ainsi que les travailleurs ruraux ; imposent le travail esclave ; criminalisent et persécutent les organisations ; augmentent les prix des aliments pour les populations des villes. C’est le modèle d’agriculture baptisé agro-business qui ne paie pas d’impôt à l’exportation, reçoit de grandes quantités d’argent public et se voit privilégié dans les politiques de l’État et des gouvernements.
Nous voulons le changement !

La rue demande des changements pour améliorer la vie des travailleurs dans les zones rurales comme dans les zones urbaines. Dans l’agriculture, nous voulons des changements profonds. Il est temps que les gouvernements surmontent leurs positions conservatrices et progressent au rythme que les luttes populaires exigent.

La dirigeante Janaina Stronzake, lors d'une action militante du Mouvement des Sans Terre.

La dirigeante Janaina Stronzake, lors d’une action militante du Mouvement des Sans Terre.

Voici ce que nous demandons au gouvernement de Dilma Roussef :

1. Récupérer la souveraineté nationale sur les terres brésiliennes. Nous proposons que le gouvernement annule les achats déjà conclus et exproprie toutes les terres contrôlées par des sociétés étrangères.

2. Accélérer la réforme agraire pour installer et légaliser immédiatement des milliers de familles de producteurs qui vivent encore dans des campements au bord des routes.

3. Politique publique de soutien, d’encouragement et de crédit pour la production d’une alimentation bon marché,  saine, sans poisons, et renforcement de la paysannerie. Adoption de programmes structurels pour les jeunes et pour les femmes rurales.

4. Garantir les droits des populations rurales, avec la reconnaissance et la délimitation immédiate des terres indigènes, afro-descendantes et les droits des personnes affectées par les barrages, des territoires de la pêche et autres.

5. L’interdiction immédiate des pesticides déjà interdits dans d’autres pays, l’interdiction de la pulvérisation aérienne, et une politique visant à réduire l’utilisation des pesticides dans le domaine. Révision en profondeur de la politique de libération des OGM et contrôle social.

6. Que le gouvernement assume une politique de contrôle de la déforestation à travers le pays et soutienne la récupération des zones abîmées et le reboisement pour l’ agriculture paysanne et familiale.

7. L’annulation de la privatisation des ressources naturelles comme l’eau, l’énergie, les minéraux, les forêts, les rivières et les mers. Nous proposons de supprimer d’urgence au congrès national, le projet de code minier, et que le gouvernement / congrès ouvrent un vaste débat national avec les travailleurs brésiliens, afin de produire un nouveau code en fonction des intérêts du peuple brésilien.

8. Mise en œuvre immédiate de programmes visant à éradiquer l’analphabétisme et à garantir des écoles pour toutes les communautés rurales.

9. Suspension de toutes les concessions privatisant des terres irriguées dans le nord du Brésil pour leur attribution immédiate à l’Institut National de Colonisation et de Réforme Agraire qui doit les remettre aux unités agricoles familiales et paysannes ; Adoption de politiques structurelles de démocratisation de l’eau pour aider les familles à faire face à la sécheresse.

10. Suppression de la loi Kandir qui exonère de l’impôt les principaux exportateurs de matières premières agricoles, énergétiques et minérales.

Nous soutenons également toutes les revendications populaires et la réforme politique nécessaire de notre pays, avec la convocation immédiate d’un référendum.

Enfin, à travers cette lettre, nous vous demandons votre soutien, travailleurs,  hommes et femmes, habitant dans  les villes.

Continuons ensemble à nous mobiliser et à nous battre.

Comptez sur nous !

Brésil, le 4 Juillet 2013.

CONTAG, Confédération Nationale des Travailleurs de l’Agriculture

Fédération Nationale des Agriculteurs Familiaux – FETRAF.

Coordination des Peuples Indigènes du Brésil – APIB

Via Campesina – Brésil

Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre – MST.

Mouvement des Victimes des Barrages – MAB

Mouvement des Femmes Rurales – MMC

Mouvement des Pêcheurs et Pêcheuses du Brésil – MPP

Coordination Nationale des Communautés Afro-descendantes – CONAQ

Association des Salariés Ruraux de Minas Gerais – ADERE

Mouvement Populaire des Paysans – MCP

Mouvement national pour la souveraineté populaire sur l’exploitation minière – MAM

Conseil Indigéniste missionnaire, CIMI

Pastorale de la Jeunesse Rurale, PJR

Association Brésilienne de Réforme Agraire -ABRA

Association brésilienne des Étudiants Ingéniérie Forestière – ABEEF

Fédération brésilienne des étudiants en agronomie – FEAB

Rencontre nationale des étudiants de biologie – ENEBIO

Coordination Nationale de l’Agro-écologie -ANA

Coordination des entités de la région semi-aride (Nord-Est) – ASA

Plus d’informations auprès des journalistes:

Iris Pacheco – 61 83384640 iris@mst.org.br

Mayra Lima – 61-96846534 mayra.lima @ gmail.com

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Source : http://www.mst.org.br/Em-reuni%C3%A3o-com-Dilma-movimentos-do-campo-exigir%C3%A3o-garantia-de-direitos

Traduction : Thierry Deronne

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URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2013/07/04/lettre-unitaire-et-reunion-des-organisations-rurales-avec-la-presidente-dilma-rousseff/



La Via Campesina lance un appel historique à la mobilisation populaire « Egidio Brunetto » (juin 2013)

b_350_0_16777215_00___images_stories_nosconferences_chavannescaled.jpgL’appel lancé par la Via Campesina depuis Djakarta en juin 2013 frappe par son haut niveau de combativité, appelant à « la mobilisation populaire, la confrontation avec les puissants, la résistance active » pour réaliser enfin la réforme agraire intégrale, la souveraineté alimentaire, l’agro-écologie et en finir avec les OGM et les stratégies capitalistes dans le monde entier, avec pour principaux outils de lutte « la formation, l’éducation et la communication« , et en misant sur la force des « mouvements de jeunesse » au sein de l’organisation.

img-Rdigio-BrunettoC’est en mémoire d’un militant du Mouvement des Sans Terre qu’est baptisé ce texte. Décédé le 28 novembre 2011 à la suite d’un accident de voiture alors qu’il se rendait dans l’unité productive agricole Itamaraty (état de Matogrosso do Sul), Egidio Brunetto (photo) fut un dirigeant de tous les fronts de bataille du Mouvement des sans terre et de la cause paysanne mondiale. Fils de paysans, il a travaillé dès son enfance et a milité d’abord dans la Pastoral de la Terra (État de Santa Catarina) avant d’adhérer au MST en 1980. Engagé dans la lutte internationale, notamment aux côtés de la réforme agraire menée par la révolution bolivarienne au Venezuela, Egidio fut aussi un des fondateurs de la Via Campesina.

Le texte de l’appel

(Djakarta, 12 Juin 2013) Nous, à La Vía Campesina, en appelons à toutes les organisations rurales et urbaines et aux mouvements sociaux à construire une nouvelle société fondée sur le souveraineté alimentaire et la justice. Nous sommes rassemblés ici, honorant la mémoire de nos ami(e)s et dirigeant(e)s et de celles et ceux dont le courage et l’engagement nous inspirent. La Via Campesina, mouvement paysan international rassemble plus de 200 millions de paysan(e)s, petits producteurs, paysan(e)s sans terre, femmes, jeunes, autochtones, les migrant(e)s et les travailleurs et travailleuses agricoles et alimentaires, de 183 organisations provenant de 88 pays. Nous sommes ici en Asie, terre de la majorité des paysan(e)s du monde pour célébrer nos deux premières décennies de luttes.

Depuis notre rencontre de Mons (Belgique) en 1993 et celle de Tlaxcala (Mexique) en 1996, où nous avons élaboré notre vision radicale sur la souveraineté alimentaire, nous avons réussi à replacer les paysannes et paysans au centre de la résistance au modèle du commerce néo-libéral ainsi que du processus de construction d’alternatives. Nous, peuples de la terre, sommes des acteurs essentiels dans la construction non seulement d’un modèle agricole différent, mais aussi d’un monde juste, diversifié et égalitaire. Nous sommes celles et ceux qui nourrissons l’humanité et prenons soin de la nature. Les générations futures dépendent de nous pour protéger notre terre.

Maintenant plus que jamais un autre monde est nécessaire. La destruction de notre terre, provoquée par la surexploitation et la dépossession des peuples et par l’appropriation des ressources naturelles a engendré la crise climatique actuelle, et de profondes inégalités mettant en danger l’humanité et la vie. La Via Campesina refuse catégoriquement cette destruction menée par les grandes entreprises.

Nous construisons de nouvelles relations entre les peuples et la nature, basées sur la solidarité, la coopération et la complémentarité. C’est une éthique de vie qui anime toutes nos luttes. La Via Campesina s’engage à donner une visibilité à toutes les luttes locales dans le monde entier, s’assurant qu’elles soient comprises dans une perspective internationale. Elle s’engage également à intégrer dans un mouvement global pour la souveraineté alimentaire, le changement social et l’autodétermination pour les peuples du monde.

Nous appelons nos organisations, nos alliés, amies, amis, et tous ceux et celles qui œuvrent à un avenir meilleur, à rejeter ‘l’économie verte’ et à construire la souveraineté alimentaire.

NOTRE MANIERE D’ALLER DE L’AVANT

La souveraineté alimentaire maintenant – transformer notre monde

La Souveraineté Alimentaire est l’élément central de la lutte pour la justice sociale, rassemblant de nombreux secteurs tant ruraux qu’urbains. La souveraineté alimentaire est le droit fondamental pour que tous les peuples, nations et États puissent contrôler leurs propres systèmes et politiques alimentaires et agricoles, garantissant à chacun une alimentation adaptée, abordable, nutritive et culturellement appropriée. Elle requiert le droit des peuples à définir et contrôler leurs modes de production, de transformation et distribution aux niveaux locaux et internationaux.

Depuis bientôt deux décennies notre vision de souveraineté alimentaire a inspiré une génération d’activistes engagé(e)s dans le changement social. Notre vision du monde passe par une révolution agricole ainsi qu’une transformation socio-économique et politique.

La souveraineté alimentaire articule l’importance cruciale de la production locale et soutenable, le respect des droits humains pour tous, des prix équitables pour les aliments et les produits agricoles, des échanges équitables entre pays, et la sauvegarde des communs contre la privatisation.

Aujourd’hui, nous sommes confronté(e)s à une crise majeure de notre histoire, qui est systémique. Les systèmes alimentaires, d’emplois, énergétiques, économiques, climatiques, écologiques, éthiques, sociaux, politiques et institutionnels s’effondrent dans de nombreuses parties du monde. La crise énergétique amplifiée par la raréfaction des énergies fossiles est traitée avec de fausses solutions allant des agrocarburants à l’énergie nucléaire; cette dernière constituant l’une des plus grandes menaces de la vie sur terre.

Nous rejetons le capitalisme caractérisé par des mouvements destructeurs de capitaux financiers et spéculatifs dans l’agriculture industrielle, la terre et la nature. Il génère de vastes accaparements de terres et des expulsions brutales de paysannes et paysans de leurs territoires, détruit communautés, cultures et écosystèmes. Il crée un grand nombre de migrant(e)s et de sans emplois, augmentant les inégalités existantes.

Les transnationales, en connivence avec les gouvernements et les institutions internationales, imposent – sous prétexte du concept d’économie verte – des monocultures d’OGM, des projets miniers, des barrages et des exploitations de gaz de schiste par fracturation à grande échelle, de grandes plantations forestières et d’agrocarburants, ainsi que la privatisation de nos mers, fleuves et lacs et de nos forêts. La Souveraineté Alimentaire remet le contrôle des communs dans les mains des populations.

L’Agro-écologie est notre option aujourd’hui et pour l’avenir

L’agriculture paysanne, la pêche artisanale et le pastoralisme produisent la plus grande partie de l’alimentation. L’agro-écologie paysanne est un système social et écologique qui comprend une grande variété de savoirs et de pratiques ancrées dans chaque culture et zone géographique. Elle élimine la dépendance aux agrotoxiques et la production animale industrielle hors sol, utilise des énergies alternatives et garantit une alimentation saine et abondante. Elle renforce la dignité, honore les savoirs paysans traditionnels et innovants. Elle restaure la fertilité et l’intégrité de la terre. La production alimentaire du futur doit être basée sur un nombre croissant de personnes produisant de manière plus résiliente et diversifiée.

L’agro-écologie vise à défendre la biodiversité, refroidit la planète et protège nos sols. Notre modèle agricole peut, non seulement nourrir l’ensemble de l’humanité mais c’est aussi le seul moyen d’arrêter l’avancée de la crise climatique grâce à une production locale en harmonie avec les forêts, les cours d’eau ; l’amélioration de la biodiversité et en replaçant les matières organiques dans les cycles naturels.

Justice sociale et climatique, et solidarité

En nous basant sur notre diversité géographique et culturelle, notre mouvement pour la souveraineté alimentaire s’est renforcé en intégrant la justice sociale et l’égalité. En pratiquant la solidarité plutôtque la compétition, en rejetant le patriarcat, le racisme, le colonialisme et l’impérialisme, nous nous battons pour des sociétés participatives et démocratiques, sans exploitations d’enfants, de femmes, d’hommes ni de la nature.

Nous exigeons la justice climatique et sociale. Ceux qui souffrent le plus du chaos climatique et environnemental ne sont pas ceux qui en sont responsables. Ceux qui poussent aux fausses solutions de l’économie verte empirent la situation. C’est pourquoi la dette climatique et écologique doit être réparée. Nous exigeons l’arrêt immédiat des mécanismes de marché de carbone, géo-ingénierie, REDD, agrocarburants.

Nous maintiendrons de manière permanente notre combat contre les entreprises transnationales en manifestant notre opposition par un boycott de leurs produits et en refusant toute coopération avec leur pratiques d’exploitations. Les accords de libre échange et d’investissements ont crée les conditions de vulnérabilité extrême et des injustices pour des millions d’entre nous. Leur mise en œuvre engendre violence, militarisation et criminalisation de la résistance. Un autre résultat tragique est le déplacement massif des populations qui migrent pour ne trouver que des emplois faiblement rémunérés, précaires et dangereux où sévissent des violations de droits humains et la discrimination.

La Via Campesina a réussi à mettre les droits des paysan(ne)s à l’ordre du jour du Conseil des Droits Humains des Nations Unies, nous demandons donc à tous les gouvernements nationaux d’appliquer ces droits. Notre combat pour les droits humains est au cœur de la solidarité et inclut les droits et la protection sociale des travailleurs/ses migrants et des travailleurs/ses du secteur alimentaire.

Un monde sans violence et sans discrimination contre les femmes

Notre lutte vise à construire une société basée sur la justice, l’égalité et la paix. Nous demandons le respect de tous les droits des femmes. En rejetant le capitalisme, le patriarcat, la xénophobie, l’homophobie et les discriminations basées sur le genre, les races ou l’ethnicité, nous réaffirmons notre engagement pour la totale égalité des femmes et des hommes. Ceci implique la fin de toutes les formes de violences domestiques, sociales et institutionnelles contre les femmes en zones rurales et urbaines. Notre campagne contre les violences faites aux femmes est au cœur de nos luttes.

Paix et démilitarisation

Les guerres et conflits d’appropriations, prolifération de bases militaires, criminalisation des résistances augmentent. Ces violences sont intrinsèques au système capitaliste mortifère basé sur la domination, l’exploitation et le pillage. Nos engagements sont ceux du respect, de la dignité, de la Paix.

Nous pleurons et honorons les centaines de paysannes et paysans qui ont été menacés, persécutés, incarcérés ou même assassinés dans leurs luttes. Nous exigeons que tous ceux qui violent les droits humains et les droits de la Nature et qui perpétuent ces crimes soient poursuivis et punis. Nous exigeons la libéralisation immédiate des prisonniers politiques.

La terre et les territoires

Nous défendons une Réforme Agraire intégrale. Elle sécurise l’ensemble des droits fonciers, reconnaît les droits des peuples autochtones à leurs territoires , garantit l’accès et le contrôle des zones de pêche et écosystèmes aux communautés de pêcheurs, reconnaît les routes pastorales. Seules ces réformes garantissent un avenir pour les jeunes des campagnes.

La réforme agraire intégrale se caractérise par une distribution massive de terre, de ressources productives, assurant des conditions de vie satisfaisantes et garantissant un accès permanent aux jeunes, femmes, aux sans-emplois, aux sans-terres, aux personnes déplacées et à tous ceux et celles qui veulent s’engager dans la production alimentaire agro-écologique à petite échelle. La terre n’est pas une marchandise. Les lois et régulations existantes doivent être renforcées et de nouvelles lois sont nécessaires pour la protéger des spéculations et des accaparements.

Les semences, les communs et l’eau

Les semences sont au cœur de la souveraineté alimentaire. Des centaines d’organisations à travers le monde se joignent à nous pour mettre en œuvre le principe des «Semences comme Patrimoine des Peuples au Service de l’Humanité ». Notre défi est maintenant de continuer à garder nos semences de vie dans les mains de nos communautés, en multipliant les semences dans nos fermes et nos territoires. Nous continuons à lutter contre l’appropriation abusive des semences due à diverses formes de propriété intellectuelle et contre la contamination des stocks par la technologie OGM. Nous nous opposons à la distribution de paquets technologiques combinant semences OGM avec l’utilisation massive de pesticides.

Nous allons continuer à partager les semences sachant que notre connaissance, notre science, nos pratiques de gardiens de la diversité des semences sont cruciales pour l’adaptation au changement climatique.

Les cycles de la vie coulent au travers de l’eau. L’eau est un élément essentiel des écosystèmes et de toute vie. L’eau est un commun et donc elle doit être préservée.

MISER SUR NOS FORCES

Notre force est la création et le maintien de l’unité dans la diversité.
Nous présentons notre vision inclusive, large, pratique, radicale et pleine d’espoir comme une invitation à se joindre à nous dans la transformation de nos sociétés et la protection de la Terre Mère.

  • La mobilisation populaire, la confrontation avec les puissants, la résistance active, l’internationalisme et l’engagement local sont des éléments nécessaires pour effectuer le changement social.

  • Dans notre lutte courageuse pour la souveraineté alimentaire nous continuons à bâtir des alliances stratégiques essentielles avec les mouvements sociaux, y compris avec les travailleurs/ses, les organisations urbaines, les immigrant(e)s, les groupes résistants aux méga-barrages et à l’industrie minière.

  • Nos principaux outils sont la formation, l’éducation et la communication. Nous encourageons l’échange des savoirs accumulés concernant les méthodes et contenus de formation culturelle, politique, idéologique et technique. Nous multiplions nos écoles et nos expériences d’enseignement et nos instruments de communication avec notre base.

  • Nous sommes déterminé(e)s à créer des espaces qui vont favoriser l’ émancipation des jeunes en milieu rural. Notre plus grand espoir pour l’avenir, c’est la passion, l’énergie et l’engagement pris par la jeunesse dans notre mouvement.

Nous allons de l’avant à partir de cette VIème Conférence Internationale de La Via Campesina, accueillant de nouvelles organisations, confiant(e)s en nos forces et rempli(e)s d’espoir pour l’avenir.

Pour la terre et la souveraineté de nos peuples! Dans la solidarité et dans la lutte !

« En hommage à Egidio Brunetto, continuons la lutte !« 

En hommage à Egidio Brunetto, continuons la lutte !

A Jakarta, le 11 juin 2013, s’est ouverte la VI conférence internationale de La Via Campesina.

Plus d’info sur la VI conférence en images et sons : http://tv.viacampesina.org/?lang=fr

Plus d’info sur la Via Campesina : http://viacampesina.org/en/

Pour soutenir concrètement le Mouvement des Sans Terre, on peut écrire à Lucas Tinti, prointer@mst.org.br

URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2013/07/04/la-via-campesina-lance-un-appel-historique-a-la-mobilisation-populaire-egidio-brunetto-depuis-djakarta/



Appel à manifester contre la dictature médiatique de Globo au Brésil
: Les manifestations contre la dictature médiatique de Rede Globo au Brésil, qui criminalise au quotidien les mouvements sociaux comme les Sans Terre, ont monté d’un cran ces derniers jours. Après la révélation des irrégularités dans l’achat des droits de retransmission de la Coupe du Monde 2002 (lire plus) par le diffuseur, le groupe Globo Comunicação e Participacoes a confirmé samedi avoir payé une amende de plus de 270 millions de Reais au fisc en 2006, tout en niant avoir commis la moindre fraude fiscale. Les citoyens exigent de Globo qu’il « montre le reçu du paiement de 615 millions de Reais avec pénalités et intérêts.

Sous le hashtag # GloboMostreoDarf, le mouvement convoque une manifestation ce mercredi devant le siège de la chaîne à Rio de Janeiro, entre autres villes du Brésil : « la manifestation vise désormais également l’évasion fiscale, une forme de corruption qui prend de l’argent qui devrait servir à financer la santé et l’éducation», explique le mouvement. La page «Occupons Globo» sur Facebook, qui a déjà reçu plus de 1800 appuis indique le programme de cette action :

17:00 – Remise à Globo du document public qui prouve l’évasion fiscale (voir copies ci-dessous).

17:30 – Début de l’Assemblée thématique sur la démocratisation des médias.

Lors de la réunion, seront reccueillies des signatures pour la loi sur la démocratisation des médias.

Organisé par les collectifs :

Cidadania Sim! Pig Nunca mais.
Barão de Itararé

Traduction : Thierry Deronne

Pour soutenir concrètement le Mouvement des Sans Terre, on peut écrire à Lucas Tinti, prointer@mst.org.br

URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2013/07/02/appel-a-manifester-contre-la-dictature-mediatique-de-globo-au-bresil/



Les Sans Terre libèrent le transit dans sept municipalités du Parana et multiplient les manifestations dans tout le Brésil

Par Riquieli Capitani, de la page du MST, 1 juillet 2013.
Ce samedi matin (29 juin 2013), des membres du Mouvement des Sans Terre ainsi que d’autres organisations sociales ont permis aux automobilistes de transiter librement par sept péages de l’état de Paraná – une action menée en solidarité avec les manifestations qui se produisent das tout le pays.

Près de 500 personnes se sont rassemblées au péage géré par EcoCataras, à Cascavel, à la sortie vers Curitiba. Les péages du concessionnaire privé Viapar ont été occupés à Arapongas, Floresta, Mandaguari, Presidente Castelo Branco et Corbélia. L’entreprise Econorte a libéré les péages de  Jacarezinho et Jataizinho.

Nous exigeons la fin des péages, la remise en route de la réforme agraire ainsi qu’une réponse d’envergure du gouvernement aux mouvements sociaux” a expliqué João Flávio Borba, de la Coordination du Mouvement des Sans Terre pour l’État de Parana. « C’est l’ensemble de la population brésilienne qui est victime des tarifs exigés par les transports« .

A Curitiba
Dans la capitale de l’État près de 70 organisations telles que le Mouvement des Sans Terre, la Centrale Unique des Travailleurs (CUT), le Syndicat des Serviteurs Publics de Curitiba (Sismuc), le Syndicat des Travailleurs de l’Éducation Publique du Paraná (APP) ont réalisé un acte unitaire ce samedi matin, sur Boca Maldita.

Parmi les revendications principales figurent la réduction des tarifs du transport public et la fin des péages sur les routes de l’État, la réforme politique, la réforme agraire et la démocratisation de la communication.

Seglon le coordinateur du MST, Jean Carlo Pereira, il est nécessaire de s’organiser pour garantir les améliorations nécessaires du pays, en ce moment spécial pour la classe des travailleurs qui rêve et lutte pour un pays différent.

Nous continuons à défendre la réforme agraire et l’agriculture familiale comme unique moyen de produire des aliments sains. Nous nous opposons à la politique qui injecte de l’argent dans la production d’aliments par l’agro-business en vue de leur exportation.”

Le 27 juin près de 20.000 manifestants ont marché dans les rues de Fortaleza, la capitale de l’État de Ceara, pour porter les mêmes revendications (photo). Des banderoles telles que “Globo, l’anesthésiste, parti de la bourgeoisie !” exprimaient l’indignation populaire face au monopole médiatique et l’exigence d’une démocratisation de la propriété des médias.

Sources :

http://www.mst.org.br/node/14949

http://www.mst.org.br/node/14946

Traduction : Thierry Deronne

Pour soutenir concrètement le Mouvement des Sans Terre, on peut écrire à Lucas Tinti, prointer@mst.org.br

URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2013/07/01/les-sans-terre-liberent-le-transit-dans-sept-municipalites-du-parana-et-multiplient-les-manifestations-dans-tout-le-bresil/