mouvementsansterre


« A la main »: permaculture créatrice au Venezuela avec les Sans Terre du Brésil

Venezuela, août 2019. Loin des médias, une équipe solidaire réunie par France-Amérique Latine Bordeaux Gironde, et une Brigade internationaliste du Mouvement des Sans Terre du Brésil, organisent un atelier de permaculture. Une formation impulsée par Gloria Verges et Franck David pour appuyer la création de “Tierra Libre”, le siège du réseau de producteurs de semences autochtones établi par les Sans Terre dans le village andin de La Azulita. Deux formateurs de TERRA TV se sont mêlés aux participant(e)s pour filmer les deux derniers jours de cette expérience. Au-delà de la transmission de connaissances, c’est une rencontre humaine toute particulière que révèle et raconte leur documentaire.

Image: Víctor Hugo Rivera

Son direct: Thierry Deronne

Montage: Miguel Escalona

ProductionTerra TV, Venezuela, 2019

Durée: 53 minutes. Sous-titres français

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URL de cet article:  https://wp.me/p2ahp2-4Ze



POUR SOUTENIR LA CRÉATION DE TERRA TV, UNE TÉLÉVISION NOUVELLE PRODUITE PAR DES COLLECTIFS PAYSANS EN LUTTE POUR LA TERRE, ET UNE ÉCOLE DE FORMATION POUR LES MOUVEMENTS SOCIAUX

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Lien pour les dons : https://www.helloasso.com/associations/france-amerique-latine-comite-bordeaux-gironde/collectes/campagne-de-soutien-a-la-creation-de-terratv

Qui sommes-nous ?

Depuis 20 ans l’École Populaire et Latino-américaine de Cinéma, Télévision et Théâtre (EPLACITE) a formé des milliers de membres des mouvements sociaux d’Amérique Latine pour qu’ils puissent créer eux-mêmes leur image. Un vaste réseau s’est constitué, qui permet aujourd’hui de passer à nouvelle une étape : la création d’un nouveau média, Terra TV.

Pourquoi Terra TV ?

Notre objectif est de créer une télévision différente, horizontale qui sera un outil de formation, de diffusion et d’articulation des mouvements sociaux paysans et qui permettra de nouer un dialogue entre les expériences vécues dans un grand domaine occupé et mis en culture par les paysans sans terre du Brésil, dans une organisation paysanne de Colombie, une communauté indigène d’Amérique Centrale, une commune rurale du Venezuela et peu à peu avec des collectifs d’Europe, d’Afrique, du monde entier. Ces chroniques croisées, libérées de l’ »événementiel », donneront au spectateur la possibilité de découvrir l’image faite par les paysan(ne)s eux-mêmes. En tant qu’école audio-visuelle, Terra TV accompagnera d’autres collectifs dans la création de formes innovantes, non formatées.

Terra TV aura une triple fonction :

–          Diffuser l’image, et faire le suivi, de la vie quotidienne et du travail en profondeur des organisations paysannes et les traduire en portugais, espagnol, anglais ou français.

–          Mettre en ligne des modules de formation en réalisation audio-visuelle, en agroécologie, en Histoire, en économie, en philosophie, en pratiques socioculturelles, eux aussi, traduits en portugais, espagnol, anglais ou français, avec un suivi pédagogique pour les collectifs participant(e)s.

–          Organiser, articuler et nouer des solidarités internationales grâce au suivi des processus et à l’agenda des luttes. Toute organisation qui lutte pour la terre sous n’importe quelle latitude pourra afficher ses activités.

Comment soutenir la création de Terra TV ?

Nous faisons appel à vous pour financer l’équipe de ce nouveau média et pouvoir investir dans les outils adéquats. L’équipe sera constituée par :

–          2 monteur(se)s pour assembler les séquences envoyées par les mouvements sociaux et organiser quotidiennement la grille de la WebTV.

–          2 formateurs(trices) pour répondre aux  demandes de formation en ligne des mouvements, générer du contenu formatif adapté en poursuivant  le travail effectué depuis 20 ans par l’EPLACITE.

–          4 traducteurs(trices) pour traduire les productions audiovisuelles et les textes formatifs du portugais ou de l’espagnol au français/portugais/espagnol.

–          Un(e) Webmaster pour coordonner toute l’équipe, répondre aux courriers et maintenir la conception du site à jour. C’est donc un coordinateur et un graphiste en même temps.

–          1 ordinateur type Mac Pro pour le Webmaster + location du serveur.

Autres manières d’aider ce projet..

Si vous ne pouvez aider économiquement ce projet, vous pouvez aussi le soutenir en relayant l’information dans les réseaux sociaux, journaux, etc.…

Note : Les dons au profit de Terra TV vous donnent droit à une réduction d’impôt de l’ordre 66 % du montant versé.

Source et versions en anglais, portugais, espagnol de l’appel aux dons : https://www.helloasso.com/associations/france-amerique-latine-comite-bordeaux-gironde/collectes/campagne-de-soutien-a-la-creation-de-terratv



Rude coup pour l’agrobusiness: les députés chavistes votent la Loi des Semences

CW4v2l5UkAAQYhVAprès deux ans d’un débat marqué par  la forte participation des mouvements sociaux (dont l’équipe des Sans Terre au Venezuela), le parlement vénézuélien, qui dispose jusqu’au 5 janvier 2016 d’une majorité chaviste, a approuvé le projet de la Loi des Semences (nous avons rendu compte sur ce blog de la longue marche de cette loi d’initiative populaire, NdT) (1)

Les organisations qui ont défendu cette loi la définissent comme « fruit d’un consensus anti-OGM et anti-brevet ». Depuis plusieurs jours les citoyen(ne)s avaient manifesté leur appui sur les réseaux sociaux ou depuis les balcons de  l’hémicycle aux député(e)s qui discutaient et votaient les articles de ce texte.

Son élaboration a commencé en octobre 2013 sous l’impulsion de mouvements paysans, d’organisations écologistes, de mouvements politiques et sociaux qui appuient le processus révolutionnaire. L’objectif du texte est de promouvoir la production d’aliments sur la base d’une conception agro-écologique, d’interdire les OGM, et de retirer aux grands groupes privés un négoce potentiel qui brasse des milliards de dollars dans le monde entier.

L’approbation de la loi repose sur les articles 127 et 305 de la Constitution Bolivarienne. L’article 127 stipule que “l’État protègera l’environnement, la diversité biologique, les ressources génétiques, les écosystèmes, les parcs nationaux et le patrimoine naturel, ainsi que toute zone qui revêt un intérêt écologique particulier. Le génome des êtres vivants ne peut faire l’objet de brevet commercial et la loi sur la bioéthique régulera cette matière. C’est l’obligation fondamentale de l’État de garantir que la population puisse vivre dans un milieu libre de pollution, où l’air, l’eau, les sols, les côtes, le climat, la couche d’ozone, les espèces vivantes seront protégées spécialement, conformément à la loi”.

Pour sa part l’article 305 prévoit : “l’État encouragera l’agriculture soutenable comme base stratégique du développement rural intégral afin de garantir la sécurité alimentaire de la population, comprise comme la disponibilité suffisante et stable d’aliments dans le cadre national et l’accès opportun et permanente à ceux-ci par les consommateurs”.

En fait la loi applique le mandat constitutionnel sur des thèmes sensibles comme l’interdiction de breveter le vivant. Son objet est de « préserver, protéger, garantir la production, la multiplication, la conservation, la libre circulation et l’usage des semences autochtones; ainsi que la promotion, la recherche, l’innovation, la distribution et l’échange de celles-ci, à partir d’une vision agro-écologique socialiste, en privilégiant la production nationale de semences”.CWSFA5OWsAEtRhcCWTTK52WwAMJoiL

Réactions de l’entreprise privée

Cette politique va en sens inverse de celles impulsées depuis une dizaine d’années, y compris dans des pays considérés comme progressistes – le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, par rapport à des pays néo-libéraux comme le Mexique, la Colombie, le Pérou, le Chili. Alors que tout le continent reste dominé par le modèle des transnationales qui contrôlent le marché des semences dans le monde: Monsanto, Syngenta, DuPont, Dow, Bayer, BASF-, au Venezuela la Révolution Bolivarienne a choisi la voie d’un modèle écosocialiste, tracé dans la plate-forme électoral de Chavez puis de Maduro : le Plan de la Patrie 2013 – 2019. (2)

La nouvelle norme a fait l’objet des critiques de l’opposition de droite, qui a refusé de voter en sa faveur. Après la séance, le député Ivan Colmenares, de l’État de Portuguesa, a déclaré que “cette loi de semences n’est pas viable vu sa nature trop idéologique, son caractère anti-OGM et son caractère anticonstitutionnel”. Colmenares la considère comme “discriminatoire envers le secteur privé et envers la population qui n’est pas alignée sur le processus de changement. Elle est également très contradictoire puisqu’elle défend les semences originaires des ethnies et des paysans sans propositions tangibles pour leur production ”.

Cette position exprime directement la position de la principale Chambre de l’agro-business, Fedeagro, dont le président Antonio Pestana, dès le lendemain des élections législatives du 6 décembre qui ont vu la nette victoire de la droite, demandait que «soit donné en priorité un coup d’arrêt à la Loi des Semences ”.

Pour le représentant patronal, cette loi serait approuvée par des personnes qui « de manière irrationnelle, font passer leur idéologie avant tout autre chose ”. Il a rapidement révélé la sienne : “Il y a un autre thème qui est celui de la Commission Nationale de Biosécurité. Nous devons permettre à nos chercheurs de parler d’OGMs; si ceux-ci sont mauvais pour la santé des vénézuéliens alors il faut empêcher leur entrée dans le pays, mais s’ils disent qu’ils ne nuisent ni à l’environnement ni aux consommateurs, nous devons permettre que les agriculteurs vénézuéliens puissent opter pour cette technologie qui a donné de bons résultats dans d’autres pays ”.

En outre Fedeagro a exigé que soit éliminée la Loi des Terres de 2001 – une des “causes” qui poussèrent le patronat vénézuélien à organiser le coup d’État contre le président Chavez en avril 2002 – et que les terres soient rendues aux grands propriétaires.

Pour les mouvements sociaux il s’agit d’un pas important dans un travail collectif d’organisation qui a pris des années. Il se concrétise dans une bataille plus générale entre deux projets parvenus au plus haut degré d’antagonisme. Si la droite tente d’éliminer la Loi des Terres et la Loi des Semences elle aura face à elle, c’est prévisible, une population décidée à les défendre.

Fernando Vicente Prieto – @FVicentePrieto

Notes:

(1)        Lire notamment « Au Venezuela, le peuple légifère contre Monsanto »https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/12/20/comment-faire-une-loi-au-venezuela/ et « Le Venezuela lutte contre les transnationales en produisant ses semences autochtones”, http://wp.me/p2ahp2-1vp
(2)        Lire « Ce que va faire la révolution bolivarienne de 2013 à 2019 » https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/04/15/ce-que-va-faire-la-revolution-bolivarienne-de-2013-a-2019/

Source : http://notas.org.ar/2015/12/24/asamblea-nacional-venezuela-aprueba-ley-semillas/

Traduction : Thierry Deronne

URL de cet article : http://wp.me/p2ahp2-29x



Les 5 propositions du Mouvement des Travailleurs Sans Terre aux candidats à la Présidence de la République

Par Joao Paulo Rodriguez, membre de la Direction Nationale du MST, formé en sciences sociales et membre du groupe de conjoncture de la Fondation Perseu Abramo.

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1. Lutte pour une Assemblée Constituante exclusive de réforme politique.

Nous ne pouvons admettre qu’au Congrès National siègent 76 députés qui s’affichent comme représentants de l’agro-business. De l’autre côté seuls 7 députés se déclarent représentants des paysans sans terre. Au total seulement 8 % des députés sont des femmes. Cette réalité ne changera qu’avec une réforme du système politique qui ne sera pas réalisée par un Congrès issu du financement privé des campagnes. La société a besoin d’intervenir dans ce processus à travers la construction d’une Assemblée Constituante Exclusive et Souveraine du Système Politique.

 2. Démocratiser la terre pour les Sans Terre.

C’est l’heure de lancer la bataille de la démocratisation des terres brésiliennes. Comment admettre que les meilleures terres agricoles soient au service des grandes transnationales de la canne à sucre, de l’eucalyptus et du soja, et dans leur majorité sous contrôle du capital étranger ? 60 millions d’hectares de terre cultivables sont en litige au Brésil – elles peuvent être destinées à la Réforme Agraire ou être achetées à tout moment par des étrangers. Il est important que l’exécutif organise un plan d’expropriation des grandes propriétés et garantisse la terre aux familles de paysans sans terre qui vivent dans les campements, en plus de la démarcation des terres indigènes et de garantir le droit des quilombolas et de leurs descendants (communautés afrodescendantes).

3. Pour un plan de production d’aliments sains.

Le Brésil est le plus grand consommateur de produits agrotoxiques au monde. Les petits agriculteurs peuvent produire des aliments de qualité sans ces poisons pour approvisionner le marché brésilien tout en préservant l’environnement et garantissant une diversification des aliments nécessaires pour l’équilibre alimentaire. Pour cela nous avons besoin d’augmenter la capacité de la Compagnie Nationale d’Approvisionnement (Conab) pour l’acquisition des produits de la Réforme Agraire et pour garantir que les mairies achètent ces aliments pour les repas scolaires.

Le gouvernement fédéral, les états régionaux et les municipalités doivent être partenaires des petits agriculteurs à travers un esemble de politiques publiques, agro-industrielles, politiques de crédit, de protection et de développement de semences, d’assistance technique et de formations pour contribuir à l’organisation de la production alimentaire. Nous proposons ainsi la création d’une entreprise d’État pour satisfaire cette demande.

4. Education et culture en zone rurale, comme lieu agréable de vie.

Les zones rurales brésilienes ne peuvent être réduites à un lieu pour produire. Nous ne pouvons traiter la campagne comme si elle n’était qu’une grande usine à grains. Nous avons besoin de zones rurales comme lieu agréable de vie, c’est pourquoi l’État doit renforcer les politiques publiques qui garantissent une qualité de vie. D’emblée nous revendiquons l’arrêt immédiat des fermetures des écoles rurales. Dans les dernières quinze années plus de vingt mille écoles ont été fermées. Nous avons besoin d’internet de qualité, de centres culturels, d’écoles pour les enfants, de transport public, d’équipements et d’infrastructures pour les pratiques sportives, et de politiques de publicité pour les publications centrées sur la vie de la population rurale.

5. Construire un projet populaire pour le Brésil.

De notre point de vue, la bataille électorale principale se joue entre le néo-développementisme et le néo-libréralisme. Nous ne sommes représentés par aucun de ces deux projets mais il est important de battre le néo-libéralisme et toute la droite conservatrice qui l’appuie. Face à cette conjocture nous devons débattre et construire un champ politique autour d’une plate-forme de réformes structurelles qui soit dirigée et hégémonisée par le camp populaire. Ceci permettra de résoudre les problèmes sociaux du monde du travail et en même temps, d’accumuler des forces pour les transformations profondes de l’État brésilien et pour élever le niveau de conscience politique et culturel de la classe des travailleurs.

Nous croyons le moment propice à l’ouverture d’un grand débat avec toutes les forces populaires et de gauche, avec les partis qui croient encore à la réforme agraire comme moyen de construire une société plus juste et égalitaire. Enfin, indépendamment de qui gagnera les élections, nous devons nous préparer pour les nombreuses luttes que connaîtra la prochaine période.

Source : http://www.revistaforum.com.br/rodrigovianna/plenos-poderes/eleicoes-gerais-momento-de-debate-das-mudancas-estruturais-e-reforma-agraria.html

Traduction :  Thierry Deronne

URL de cet article : http://wp.me/p27hZR-r8



« Les grands médias occultent que Monsanto a poussé 284.000 paysans indiens au suicide» explique la scientifique Vandana Shiva à Botucatu (Brésil).

Un militant du Mouvement des Travailleurs sans Terre du Brésil brûle des graines de soja transgéniques lors d’une manifestation précédant la cérémonie d’ouverture de la huitième réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la biodiversité (COP 8) à Curitiba, au Brésil, le 27 mars 2006. On estime à 88,8 % le soja transgéniquement modifié cultivé au Brésil.

par Pericles De Oliveira,  Botucatu, 1 août 2013.

La chercheuse Vandana Shiva lors d’une de ses conférences internationales

C’est pour près de 3000 personnes que la célèbre scientifique indienne Vandana Shiva a réalisé un exposé d’une heure et a répondu aux questions, ouvrant la IIIème journée internationale d’agro-écologie à Botucatu, Brésil, l’après-midi du 31 juillet 2013.59708_10200997789296227_1061044829_n

Vandana Shiva a commencé par raconter sa vie d’étudiante en biologie et en physique quantique à l’université, aliénée par rapport aux réalités du monde, jusqu’au choc que signifia pour elle le tragique accident survenu dans l’usine états-unienne de pesticides Union Carbide, installée à Bhopal qui causa la mort de 35 mille indiens, il y a trente ans. A partir de là, elle s’est convertie à la cause du peuple et n’a cessé d’enquêter sur les activités des entreprises transnationales dans l’agriculture.  

Elle est aujourd’hui considérée comme une des principales scientifiques et chercheuses en matière des atteintes à la santé et de la destruction de la biodiversité que les OGM et les produits agro-toxiques des entreprises transnationales causent dans le monde entier.

Elle est repartie des conséquences de la “révolution verte” des années 60, que le gouvernement des États-Unis imposa à son aire d’influence comme moyen de vendre plus de produits agro-chimiques et plus de marchandises agricoles, subjuguant la paysannerie de tous ces pays. Résultat : 65% de toute la biodiversité et des ressources en eau douce mondiale ont été polluées par les agro-toxiques. Des études montrent que 40% de l’effet de serre qui affecte le climat planétaire est causé par l’usage excessif et non nécessaire de fertilisants agricoles chimiques. Dans de nombreuses régions d’Europe, à la suite de la mortalité et de la disparition des abeilles, la productivité agricole a déjà chuté de 30%. Vandana Shiva a rappelé que si nous nous calculions les préjudices et les coûts nécessaires pour rétablir la biodiversité, rééquilibrer l’environnement et remédier aux dégâts climatiques, le montant en dollars dépasserait le chiffre d’affaires de la vente de biens par les entreprises.

En ce qui concerne l’action des entreprises transnationales qui opèrent dans l’agriculture – Monsanto, Bungue, Syngenta, Cargill – Vandana explique qu’elles contrôlent la production et le commerce mondial de la soja, du maïs, du colza et du blé, martelant via la publicité que l’humanité dépend des aliments produits par l’agro-business. En réalité l’humanité se nourrit de centaines d’autres végétaux et sources de protéines qu’elles écartent et n’ont pas encore pu contrôler.  

Pour la chercheuse “ces entreprises qui promeuvent les OGM n’ont rien inventé et n’ont rien développé. La seule chose qu’elles ont faite fut d’opérer des mutations génétiques qui existent dans la nature pour rentabiliser la vente de leurs produits agro-toxiques.

Elle a expliqué que Monsanto a réussi à prendre le contrôle de la production du coton en Inde avec l’appui de gouvernements soumis, néo-libéraux et qu’aujourd’hui 90% de la production dépend des semences et des poisons. Ce qui a entraîné une destruction du mode paysan de production du coton et l’endettement généralisé des producteurs. La conjonction de l’usage de produits toxiques qui ont mené à la dépression et à la honte de la dette, ont poussé depuis 1995 284.000 paysans indiens au suicide. Un véritable génocide occulté par les grands médias du monde entier et dont le coupable principal est l’entreprise privée Monsanto.

Malgré tout ce sacrifice en vies humaines, Monsanto reçoit dans son pays 200 millions de dollars annuels, perçoit des royalties pour l’usage de semences génétiquement modifiées de coton.

La critique du modèle de l’agro-business en général

Le modèle de l’agro-business n’est qu’une forme de s’approprier les bénéfices des biens agricoles mais il ne résout pas les problèmes du peuple. La preuve : en  augmentant beaucoup la production, nous pourrions alimenter 12 milliards de personnes alors qu’aujourd’hui nous avons un milliard de personnes qui souffrent de la faim quotidiennement, 500 millions d’entre elles étant des paysans qui ont vu leur système de production d’aliments détruit par l’agro-business.    

Les produits agricoles sont de simples marchandises, plus des aliments. 70 % des aliments dans le monde restent produits par les paysans. Nous devons comprendre que les aliments sont la synthèse de l’énergie nécessaire aux êtres humains pour survivre à partir du milieu où ils vivent, recueillant cette énergie de la fertilité et de l’environnement. Plus grande la biodiversité naturelle, plus grand le nombre de sources nutritives et plus saine pour les humains l’alimentation produite dans cette région. L’agro-business a détruit la biodiversité et les sources d’énergie véritables.

Les entreprises utilisent le fétiche de la publicité des techniques modernes de la bio-technologie utilisées pour augmenter la productivité des plantes. Mais ce n’est qu’un hameçon : quand on fait des recherches sur ces bio-technologies on se heurte au secret. Dans le fond elles ne sont que des mécanismes pour augmenter la rentabilité des grandes plantations ; l’agriculture industrielle est la standardisation de la connaissance, la négation de la connaissance de l’art de cultiver la terre. La vraie connaissance est développée par les agriculteurs eux-mêmes et par les chercheurs dans chaque région, dans chaque biome, pour chaque plante.

Le modèle de l’agro-business veut transformer les personnes en « consommateurs » de leurs produits. Nous devons combattre l’usage et le réductionnisme du terme “consommateurs”, pour utiliser l’expression « êtres humains » ou personnes qui ont besoin de vie saine. Le consommateur est une réduction subalterne de l’être humain.

Les entreprises de l’agro-business disent qu’elles incarnent le développement et le progrès, qu’elles contrôlent 58% de toute la production agricole mondiale, mais en fait elles ne donnent du travail qu’à 3% des personnes vivant dans le monde rural. C’est donc un système anti-social.

La scientifique indienne a révélé qu’elle fait partie d’um groupe de 300 autres chercheurs internationaux qui se sont consacrés à étudier l’agriculture pendant trois années intensives et ont démontré que ni la révolution verte des États-Unis ni l’usage intensif des semences transgéniques et des produits agro-chimiques ne peuvent résoudre les problèmes de l’agriculture et de l’alimentation mondiales. Seule peut le faire la récupération des pratiques agro-écologiques em harmonie avec la biodiversité, partout sur la planète.

Elle a conclu sa critique du modèle de l’agro-business en montrant comment son projet génère la destruction, la peur, parce qu’ il est basé sur la concentration et l’exclusion. C’est pour cela que les entreprises procèdent à l’intimidation ou à la cooptation des scientifiques qui s’opposent à elles.

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La chercheuse Vandana Shiva

La solution : l’agro-écologie.

Le modèle agro-écologique est le seul qui permette de développer des techniques accroissant la productivité et la production sans destruction de la biodiversité. L’agro-écologie est la seule forme de créer de l’emploi et des formes de vie saines pour que la population puisse vivre en milieu rural sans être contrainte de se marginaliser dans les villes.

Surtout, les méthodes agro-écologiques sont les seules qui permettent la production d’aliments sains, sans poisons.

6 recommandations aux jeunes étudiants en agro-écologie et aux producteurs agricoles.

1.     La base de l’agro-écologie est la préservation et la mise en valeur des sources nutritives existantes dans le sol – en cela elle s’est référée à une autre scientique présente à cette rencontre et qu’elle a écoutée attentivement – la professeure Ana Maria Primavesi. Nous devons appliquer des techniques qui garantissent la santé du sol et de cette santé recueillir les fruits en termes d’énergie saine.

2.     Stimuler et promouvoir le contrôle des semences par les agriculteurs. Les semences sont la garantie de la vie. Nous ne pouvons permettre que des entreprises privées, transnationales, les transforment en marchandises. Les semences sont un patrimoine de l’humanité.

3.     Nous devons lier l’agro-écologie à la production d’aliments sains qui garantissent la santé et peuvent ainsi conquérir les coeurs et les esprits des habitants des villes comme des zones rurales, de plus en plus empoisonnés par les marchandises traitées par les agro-toxiques (multiplication de cancers depuis quarante ans). Si nous lions les aliments à la santé des personnes, nous gagnerons des millions des habitants des villes à notre cause.

4.     Nous devons transformer les territoires sous contrôle des paysans en véritables sanctuaires de semences, d’arbres sains, de cultures de la biodiversité, d’élevage d’abeilles, de diversité agricole.

5.      Nous devons défendre l’idée, qui fait partie de la démocratie, de la liberté des personnes de choisir les aliments. Les produits de référence ne peuvent pas se réduire à ceux que les entreprises décident de mettre dans les rayons.

6.      Nous devons lutter pour que les gouvernements cessent d’utiliser des fonds publics qui appartiennent à l’ensemble des citoyens, pour les transférer en subventions aux grands propriétaires et entrepreneurs de l’agro-industrie. C’est ce qui se passe dans le monde entier et aussi en Inde. Le modèle de l’agro-business ne survivrait pas sans ces subventions et sans les avantages fiscaux offerts par les gouvernements qui les garantissent.

Sur les difficultés de la transition à l’agro-écologie

En Inde, rappelle Vandana Shiva, on a vécu des problèmes majeurs à l’époque du colonialisme anglais. Gandhi a enseigné que la force est de toujours “lutter pour la vérité”. Le capital trompe, ment, pour pouvoir accumuler des richesses. Et la vérité est avec la nature, avec les personnes. S’il existe une volonté politique de réaliser des changements, s’il y a une volonté de produire des aliments sains, il deviendra possible de les cultiver.

Vandana Shiva a conclu en appelant tous les citoyens présents à s’engager dans la journée mondiale de lutte pour les aliments sains et contre les entreprises transnationales que la Via Campesina, des mouvements de femmes et des centaines d’organisations réaliseront dans la semaine du 16 octobre 2013 : ce sera l’occasion d’unifier nos voix sur le plan mondial.

Source : http://www.mst.org.br/node/15078

Traduction du portugais  : Thierry Deronne

Pour soutenir concrètement le Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre du Brésil, on peut contacter Lucas Tinti, prointer@mst.org.br

URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2013/08/03/les-grands-medias-occultent-que-monsanto-a-pousse-284-000-paysans-indiens-au-suicide-explique-la-scientifique-vandana-shiva-a-botucatu-bresil/



La Via Campesina lance un appel historique à la mobilisation populaire « Egidio Brunetto » (juin 2013)

b_350_0_16777215_00___images_stories_nosconferences_chavannescaled.jpgL’appel lancé par la Via Campesina depuis Djakarta en juin 2013 frappe par son haut niveau de combativité, appelant à « la mobilisation populaire, la confrontation avec les puissants, la résistance active » pour réaliser enfin la réforme agraire intégrale, la souveraineté alimentaire, l’agro-écologie et en finir avec les OGM et les stratégies capitalistes dans le monde entier, avec pour principaux outils de lutte « la formation, l’éducation et la communication« , et en misant sur la force des « mouvements de jeunesse » au sein de l’organisation.

img-Rdigio-BrunettoC’est en mémoire d’un militant du Mouvement des Sans Terre qu’est baptisé ce texte. Décédé le 28 novembre 2011 à la suite d’un accident de voiture alors qu’il se rendait dans l’unité productive agricole Itamaraty (état de Matogrosso do Sul), Egidio Brunetto (photo) fut un dirigeant de tous les fronts de bataille du Mouvement des sans terre et de la cause paysanne mondiale. Fils de paysans, il a travaillé dès son enfance et a milité d’abord dans la Pastoral de la Terra (État de Santa Catarina) avant d’adhérer au MST en 1980. Engagé dans la lutte internationale, notamment aux côtés de la réforme agraire menée par la révolution bolivarienne au Venezuela, Egidio fut aussi un des fondateurs de la Via Campesina.

Le texte de l’appel

(Djakarta, 12 Juin 2013) Nous, à La Vía Campesina, en appelons à toutes les organisations rurales et urbaines et aux mouvements sociaux à construire une nouvelle société fondée sur le souveraineté alimentaire et la justice. Nous sommes rassemblés ici, honorant la mémoire de nos ami(e)s et dirigeant(e)s et de celles et ceux dont le courage et l’engagement nous inspirent. La Via Campesina, mouvement paysan international rassemble plus de 200 millions de paysan(e)s, petits producteurs, paysan(e)s sans terre, femmes, jeunes, autochtones, les migrant(e)s et les travailleurs et travailleuses agricoles et alimentaires, de 183 organisations provenant de 88 pays. Nous sommes ici en Asie, terre de la majorité des paysan(e)s du monde pour célébrer nos deux premières décennies de luttes.

Depuis notre rencontre de Mons (Belgique) en 1993 et celle de Tlaxcala (Mexique) en 1996, où nous avons élaboré notre vision radicale sur la souveraineté alimentaire, nous avons réussi à replacer les paysannes et paysans au centre de la résistance au modèle du commerce néo-libéral ainsi que du processus de construction d’alternatives. Nous, peuples de la terre, sommes des acteurs essentiels dans la construction non seulement d’un modèle agricole différent, mais aussi d’un monde juste, diversifié et égalitaire. Nous sommes celles et ceux qui nourrissons l’humanité et prenons soin de la nature. Les générations futures dépendent de nous pour protéger notre terre.

Maintenant plus que jamais un autre monde est nécessaire. La destruction de notre terre, provoquée par la surexploitation et la dépossession des peuples et par l’appropriation des ressources naturelles a engendré la crise climatique actuelle, et de profondes inégalités mettant en danger l’humanité et la vie. La Via Campesina refuse catégoriquement cette destruction menée par les grandes entreprises.

Nous construisons de nouvelles relations entre les peuples et la nature, basées sur la solidarité, la coopération et la complémentarité. C’est une éthique de vie qui anime toutes nos luttes. La Via Campesina s’engage à donner une visibilité à toutes les luttes locales dans le monde entier, s’assurant qu’elles soient comprises dans une perspective internationale. Elle s’engage également à intégrer dans un mouvement global pour la souveraineté alimentaire, le changement social et l’autodétermination pour les peuples du monde.

Nous appelons nos organisations, nos alliés, amies, amis, et tous ceux et celles qui œuvrent à un avenir meilleur, à rejeter ‘l’économie verte’ et à construire la souveraineté alimentaire.

NOTRE MANIERE D’ALLER DE L’AVANT

La souveraineté alimentaire maintenant – transformer notre monde

La Souveraineté Alimentaire est l’élément central de la lutte pour la justice sociale, rassemblant de nombreux secteurs tant ruraux qu’urbains. La souveraineté alimentaire est le droit fondamental pour que tous les peuples, nations et États puissent contrôler leurs propres systèmes et politiques alimentaires et agricoles, garantissant à chacun une alimentation adaptée, abordable, nutritive et culturellement appropriée. Elle requiert le droit des peuples à définir et contrôler leurs modes de production, de transformation et distribution aux niveaux locaux et internationaux.

Depuis bientôt deux décennies notre vision de souveraineté alimentaire a inspiré une génération d’activistes engagé(e)s dans le changement social. Notre vision du monde passe par une révolution agricole ainsi qu’une transformation socio-économique et politique.

La souveraineté alimentaire articule l’importance cruciale de la production locale et soutenable, le respect des droits humains pour tous, des prix équitables pour les aliments et les produits agricoles, des échanges équitables entre pays, et la sauvegarde des communs contre la privatisation.

Aujourd’hui, nous sommes confronté(e)s à une crise majeure de notre histoire, qui est systémique. Les systèmes alimentaires, d’emplois, énergétiques, économiques, climatiques, écologiques, éthiques, sociaux, politiques et institutionnels s’effondrent dans de nombreuses parties du monde. La crise énergétique amplifiée par la raréfaction des énergies fossiles est traitée avec de fausses solutions allant des agrocarburants à l’énergie nucléaire; cette dernière constituant l’une des plus grandes menaces de la vie sur terre.

Nous rejetons le capitalisme caractérisé par des mouvements destructeurs de capitaux financiers et spéculatifs dans l’agriculture industrielle, la terre et la nature. Il génère de vastes accaparements de terres et des expulsions brutales de paysannes et paysans de leurs territoires, détruit communautés, cultures et écosystèmes. Il crée un grand nombre de migrant(e)s et de sans emplois, augmentant les inégalités existantes.

Les transnationales, en connivence avec les gouvernements et les institutions internationales, imposent – sous prétexte du concept d’économie verte – des monocultures d’OGM, des projets miniers, des barrages et des exploitations de gaz de schiste par fracturation à grande échelle, de grandes plantations forestières et d’agrocarburants, ainsi que la privatisation de nos mers, fleuves et lacs et de nos forêts. La Souveraineté Alimentaire remet le contrôle des communs dans les mains des populations.

L’Agro-écologie est notre option aujourd’hui et pour l’avenir

L’agriculture paysanne, la pêche artisanale et le pastoralisme produisent la plus grande partie de l’alimentation. L’agro-écologie paysanne est un système social et écologique qui comprend une grande variété de savoirs et de pratiques ancrées dans chaque culture et zone géographique. Elle élimine la dépendance aux agrotoxiques et la production animale industrielle hors sol, utilise des énergies alternatives et garantit une alimentation saine et abondante. Elle renforce la dignité, honore les savoirs paysans traditionnels et innovants. Elle restaure la fertilité et l’intégrité de la terre. La production alimentaire du futur doit être basée sur un nombre croissant de personnes produisant de manière plus résiliente et diversifiée.

L’agro-écologie vise à défendre la biodiversité, refroidit la planète et protège nos sols. Notre modèle agricole peut, non seulement nourrir l’ensemble de l’humanité mais c’est aussi le seul moyen d’arrêter l’avancée de la crise climatique grâce à une production locale en harmonie avec les forêts, les cours d’eau ; l’amélioration de la biodiversité et en replaçant les matières organiques dans les cycles naturels.

Justice sociale et climatique, et solidarité

En nous basant sur notre diversité géographique et culturelle, notre mouvement pour la souveraineté alimentaire s’est renforcé en intégrant la justice sociale et l’égalité. En pratiquant la solidarité plutôtque la compétition, en rejetant le patriarcat, le racisme, le colonialisme et l’impérialisme, nous nous battons pour des sociétés participatives et démocratiques, sans exploitations d’enfants, de femmes, d’hommes ni de la nature.

Nous exigeons la justice climatique et sociale. Ceux qui souffrent le plus du chaos climatique et environnemental ne sont pas ceux qui en sont responsables. Ceux qui poussent aux fausses solutions de l’économie verte empirent la situation. C’est pourquoi la dette climatique et écologique doit être réparée. Nous exigeons l’arrêt immédiat des mécanismes de marché de carbone, géo-ingénierie, REDD, agrocarburants.

Nous maintiendrons de manière permanente notre combat contre les entreprises transnationales en manifestant notre opposition par un boycott de leurs produits et en refusant toute coopération avec leur pratiques d’exploitations. Les accords de libre échange et d’investissements ont crée les conditions de vulnérabilité extrême et des injustices pour des millions d’entre nous. Leur mise en œuvre engendre violence, militarisation et criminalisation de la résistance. Un autre résultat tragique est le déplacement massif des populations qui migrent pour ne trouver que des emplois faiblement rémunérés, précaires et dangereux où sévissent des violations de droits humains et la discrimination.

La Via Campesina a réussi à mettre les droits des paysan(ne)s à l’ordre du jour du Conseil des Droits Humains des Nations Unies, nous demandons donc à tous les gouvernements nationaux d’appliquer ces droits. Notre combat pour les droits humains est au cœur de la solidarité et inclut les droits et la protection sociale des travailleurs/ses migrants et des travailleurs/ses du secteur alimentaire.

Un monde sans violence et sans discrimination contre les femmes

Notre lutte vise à construire une société basée sur la justice, l’égalité et la paix. Nous demandons le respect de tous les droits des femmes. En rejetant le capitalisme, le patriarcat, la xénophobie, l’homophobie et les discriminations basées sur le genre, les races ou l’ethnicité, nous réaffirmons notre engagement pour la totale égalité des femmes et des hommes. Ceci implique la fin de toutes les formes de violences domestiques, sociales et institutionnelles contre les femmes en zones rurales et urbaines. Notre campagne contre les violences faites aux femmes est au cœur de nos luttes.

Paix et démilitarisation

Les guerres et conflits d’appropriations, prolifération de bases militaires, criminalisation des résistances augmentent. Ces violences sont intrinsèques au système capitaliste mortifère basé sur la domination, l’exploitation et le pillage. Nos engagements sont ceux du respect, de la dignité, de la Paix.

Nous pleurons et honorons les centaines de paysannes et paysans qui ont été menacés, persécutés, incarcérés ou même assassinés dans leurs luttes. Nous exigeons que tous ceux qui violent les droits humains et les droits de la Nature et qui perpétuent ces crimes soient poursuivis et punis. Nous exigeons la libéralisation immédiate des prisonniers politiques.

La terre et les territoires

Nous défendons une Réforme Agraire intégrale. Elle sécurise l’ensemble des droits fonciers, reconnaît les droits des peuples autochtones à leurs territoires , garantit l’accès et le contrôle des zones de pêche et écosystèmes aux communautés de pêcheurs, reconnaît les routes pastorales. Seules ces réformes garantissent un avenir pour les jeunes des campagnes.

La réforme agraire intégrale se caractérise par une distribution massive de terre, de ressources productives, assurant des conditions de vie satisfaisantes et garantissant un accès permanent aux jeunes, femmes, aux sans-emplois, aux sans-terres, aux personnes déplacées et à tous ceux et celles qui veulent s’engager dans la production alimentaire agro-écologique à petite échelle. La terre n’est pas une marchandise. Les lois et régulations existantes doivent être renforcées et de nouvelles lois sont nécessaires pour la protéger des spéculations et des accaparements.

Les semences, les communs et l’eau

Les semences sont au cœur de la souveraineté alimentaire. Des centaines d’organisations à travers le monde se joignent à nous pour mettre en œuvre le principe des «Semences comme Patrimoine des Peuples au Service de l’Humanité ». Notre défi est maintenant de continuer à garder nos semences de vie dans les mains de nos communautés, en multipliant les semences dans nos fermes et nos territoires. Nous continuons à lutter contre l’appropriation abusive des semences due à diverses formes de propriété intellectuelle et contre la contamination des stocks par la technologie OGM. Nous nous opposons à la distribution de paquets technologiques combinant semences OGM avec l’utilisation massive de pesticides.

Nous allons continuer à partager les semences sachant que notre connaissance, notre science, nos pratiques de gardiens de la diversité des semences sont cruciales pour l’adaptation au changement climatique.

Les cycles de la vie coulent au travers de l’eau. L’eau est un élément essentiel des écosystèmes et de toute vie. L’eau est un commun et donc elle doit être préservée.

MISER SUR NOS FORCES

Notre force est la création et le maintien de l’unité dans la diversité.
Nous présentons notre vision inclusive, large, pratique, radicale et pleine d’espoir comme une invitation à se joindre à nous dans la transformation de nos sociétés et la protection de la Terre Mère.

  • La mobilisation populaire, la confrontation avec les puissants, la résistance active, l’internationalisme et l’engagement local sont des éléments nécessaires pour effectuer le changement social.

  • Dans notre lutte courageuse pour la souveraineté alimentaire nous continuons à bâtir des alliances stratégiques essentielles avec les mouvements sociaux, y compris avec les travailleurs/ses, les organisations urbaines, les immigrant(e)s, les groupes résistants aux méga-barrages et à l’industrie minière.

  • Nos principaux outils sont la formation, l’éducation et la communication. Nous encourageons l’échange des savoirs accumulés concernant les méthodes et contenus de formation culturelle, politique, idéologique et technique. Nous multiplions nos écoles et nos expériences d’enseignement et nos instruments de communication avec notre base.

  • Nous sommes déterminé(e)s à créer des espaces qui vont favoriser l’ émancipation des jeunes en milieu rural. Notre plus grand espoir pour l’avenir, c’est la passion, l’énergie et l’engagement pris par la jeunesse dans notre mouvement.

Nous allons de l’avant à partir de cette VIème Conférence Internationale de La Via Campesina, accueillant de nouvelles organisations, confiant(e)s en nos forces et rempli(e)s d’espoir pour l’avenir.

Pour la terre et la souveraineté de nos peuples! Dans la solidarité et dans la lutte !

« En hommage à Egidio Brunetto, continuons la lutte !« 

En hommage à Egidio Brunetto, continuons la lutte !

A Jakarta, le 11 juin 2013, s’est ouverte la VI conférence internationale de La Via Campesina.

Plus d’info sur la VI conférence en images et sons : http://tv.viacampesina.org/?lang=fr

Plus d’info sur la Via Campesina : http://viacampesina.org/en/

Pour soutenir concrètement le Mouvement des Sans Terre, on peut écrire à Lucas Tinti, prointer@mst.org.br

URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2013/07/04/la-via-campesina-lance-un-appel-historique-a-la-mobilisation-populaire-egidio-brunetto-depuis-djakarta/



17 avril : Journée internationale des luttes paysannes – Appel de la CLOC-VIA CAMPESINA

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Le 17 avril est célébrée la Journée internationale des luttes paysannes en hommage à la mémoire des paysannes et paysans qui ont payé de leur vie la lutte en faveur d’un monde meilleur, de la réforme agraire et de la souveraineté alimentaire, ainsi que la protection et la défense de la nature, des semences et de l’eau.

Le 17 avril 1996, à El Dorado dos Carajas, au Brésil, 19 paysans membres du Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre (MST) ont été assassinés. 17 ans plus tard, ces crimes restent impunis. Notre continent est aujourd’hui victime d’une offensive de la part de sociétés transnationales guidées par l’avidité du capitalisme financier dont les deux mamelles sont la privatisation et la marchandisation de la terre, de l’agriculture et de la nature. Aussi, les luttes et les résistances paysannes se multiplient dans toutes les régions.

L’agrobusiness, dans sa démesure habituelle, riposte par la violence, l’illégalité et la corruption: au Mexique, au Guatémala, au Honduras, en Colombie, au Paraguay, des centaines de paysannes et paysans sont assassinés par une police et une armée qui foulent leurs droits aux pieds. Au Vénézuéla, en Argentine et au Brésil, des hommes armés et des paramilitaires assassinent les paysans qui, aux côtés de leurs organisations, luttent contre le pillage auquel s’adonnent les transnationales agro-minières et les oligarchies locales. A cette violence physique s’ajoutent la criminalisation des luttes paysannes ainsi qu’une offensive massive sur les semences paysannes: aux quatre coins du continent, de nouveaux projets de loi se multiplient afin de légaliser et généraliser l’utilisation de semences transgéniques tout en freinant l’utilisation et les échanges de nos semences traditionnelles.

A l’occasion de cette journée internationale des luttes paysannes, aux côtés de ses organisations, amis et alliés, la CLOC-Via Campesina lancera des actions dans les villes et villages de plus de 23 pays. Par ailleurs, dans le cadre de l’appel de la Via Campesina à tous les continents, ces mobilisations auront une visibilité continentale et internationale.

En hommage à nos martyrs, et parce que la lutte continue, mobilisons-nous contre l’accaparement des terres, de l’eau, de nos semences traditionnelles et contre la criminalisation de nos luttes.

Chacun à notre niveau, levons-nous pour rappeler que nous sommes déterminés à défendre nos territoires, à dénoncer, à militer en faveur d’une transformation sociale, où souveraineté alimentaire, agroécologie et réforme agraire véritable constitueront la pierre angulaire du camp populaire.

Montrons notre solidarité envers le peuple du Paraguay, en organisant des mobilisations devant les ambassades du Paraguay, en dénonçant un gouvernement qui s’est saisi du pouvoir par un coup d’état et qui persécute les paysannes et paysans, en exigeant par lettre que les prisonniers politiques soient remis en liberté et que justice soit faite pour les victimes du massacre de Curuguaty.

Unissons-nous, rejoignons les actions menées au niveau local et national afin qu’elles acquièrent une visibilité au niveau continental et international au sein de la Via Campesina pour cette journée internationale des luttes paysannes.

Source : http://viacampesina.org/fr/index.php/actions-et-nements-mainmenu-26/17-avril-journde-la-lutte-paysanne-mainmenu-33/776-17-avril-journee-internationale-des-luttes-paysannes-appel-de-la-cloc-via-campesina

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La justice brésilienne suspend l’ordre d’expulser les indigènes guaranis kaiowás
1 novembre 2012, 3:04
Filed under: Défense de l'environnement, Lutte, Peuples indigènes

  

Par Luciano Nascimento

Reporter de Agência Brasil

Ce 30 octobre a été suspendu l’ordre d’expulser les indigènes guaranis kaiowás de l’hacienda Cambará, dans l’État du Mato Grosso do Sul. L’annonce a été faite par le Ministre de la Justice, José Eduardo Cardozo, lors d’une réunion avec les dirigeants indigènes au Secrétariat des Droits de l’Homme de la Présidence de la République (SDH). Selon la décision de la Justice, les quasi 170 indigènes qui vivent dans des campements doivent rester sur place jusqu’à ce que la démarcation de leurs terres soit achevée.

La décision de la Juge fédérale Cecilia Mello du Tribunal Régional de la 3ème Région (TRF-3) de São Paulo, a pris en compte le recours présenté par la Fondation Nationale de l’Indigène (Funai) et par le Ministère Public Fédéral (MPF). La décision antérieure était favorable à la recupération des terres par le grand propriétaire Osmar Luis Bonamigo.

Dans son attendu, la juge a estimé que  “ce cas reflète d’une part le drame des indigènes membres de la communauté Pyelito Kue qui comme de nombreux autres habitants des zones forestières brésiliennes, attendent depuis longtemps la démarcation de leurs terres. Et, d’autre part le drame non moins significatif de ceux qui aujourd’hui occupent des terres supposément indigènes et qui dans la majorité des cas ont acquis la propriété ou ont obtenu leurs titres légalement pour s’y établir”. La magistrate déclare encore que “les indigènes se trouvaient en situation de pénurie et de non-assistance et en raison du lien qu’ils entretiennent avec la terre qu’ils considèrent comme la leur, ont mis leur vie en jeu comme rempart pour défendre leur culture”.

La décision a été reçue avec enthousiasme par les personnes présentes à cette réunion. La Ministre du Secrétariat aux Droits Humains de la Présidence de la République Maria do Rosário, qui présidait la rencontre, a déclaré que l’étape suivante serait le processus d’études pour la démarcation des terres indigènes : “ces personnes ont entrepris une lutte avec l’appui de toute l’ethnie guarani kaiowá et de tous les guaranis et des communautés indigènes du Brésil”.

Solano Pires, dirigeant guarani kaiowá du campement Puelyto Kue, s’exprimant en langue guarani, a dit sa joie à la suite de la décision de justice et a réaffirmé le droit ancestral des indigènes sur ces territoires. “Cette terre sacrée est la nôtre. Mon aïeul et mon bisaïeul y sont enterrés ».

La juge a également révoqué l’amende journalière de 500 reales contre la Funai pour refus d’observer la décision d’expulser les indigènes. La Funai a soutenu devant le tribunal qu’elle “n’exerce pas la tutelle de la communauté indigène, ni ne possède d’influence sur leur culture, ni sur leur mode de vie et ne peut donc être tenue pour responsable de la réoccupation des terres en conflit”.

Cecilia Mell a également déclaré que la Funai doit adopter « toutes les mesures pour intensifier et mener à terme le processus administratif de démarcation des terres”. Elle a également autorisé d’autres organismes de l’État à accéder au campement pour apporter une assistance aux indigènes.

Pendant la réunion, José Eduardo Cardozo a annoncé qu’il avait déjà pris diverses mesures pour garantir de meilleures conditions de vie pour les indigènes. Il a souligné le renforcement des effectifs de la Police Fédérale pour assurer la sécurité du campement et a demandé que la Funai accélère le processus de démarcation.

Le ministre affirme que dans 30 jours sera présenté le rapport définitif concernant la zone revendiquée par les indigènes. “Nous allons l’approuver dans trente jours. Il ne manque que l’aspect cadastral”.

Malgré cela le ministre reconnaît que le processus de démarcation des terres indigènes doit encore prendre du temps. “C’est une question extrêmement conflictuelle. Nous avons des décisions de justice qui interrompent ce processus. Il est difficile d’estimer le délai qui mène à l’étape suivante”, a-t-il souligné.

Source : http://www.mst.org.br/content/suspensa-liminar-que-determinava-retirada-dos-guaranis-kaiow%C3%A1s-no-ms

Traduction du portugais : Thierry Deronne

URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2012/11/01/la-justice-bresilienne-suspend-lordre-dexpulser-les-indigenes-guaranis-kaiowas/

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Le Mouvement des Sans Terre dénonce l’impact de la sécheresse dans le Nordeste

29 mai 2012
Par José Coutinho Júnior
Da Página do MST

Le Nordeste brésilien vit cette année l’une des plus grandes sécheresses dans la région depuis ces 30 dernières années. Selon le Ministère de l’Intégration Nationale, 769 municipalités nordestines sont officiellement en état d’urgence. Le nombre de personnes touchées est estimé à 12 millions et le préjudice que la sécheresse occasionne à la région dépasse les 12 milliards de Réais (monnaie officielle du Brésil, 1 Rs = 0,4 dollars) rien que pour 2012.

Compte-tenu de cela, ce lundi 28 juin, le MST a initié dans la région une journée de lutte dans tous les états afin de dénoncer les effets de la sécheresse. Durant la semaine entière, le Mouvement a réalisé des actions et des occupations de mairies pour réclamer des solutions du gouvernement et exiger que l’on pense aux mesures d’urgence, comme la distribution de paniers alimentaires aux assentamentos[1] et un crédit bancaire accessible, en plus des modèles structurels, comme un plus grand investissement dans l’infrastructure pour résoudre le problème des sécheresses.

Le premier jour de mobilisation, deux actions ont déjà été réalisées au Pernambuco, en plus de l’occupation de la Société de Développement des Vallées de São Francisco et du Parnaíba (CODEVASF). De même des actions sont-elles planifiées dans le Sergipe et à Bahia.

Dans le Ceará, environ 500 travailleurs et travailleuses Sans Terre ont occupé lundi l’hôtel de ville du Sénateur Pompeu, dans le Sertão Central, quand ils ont été reçus par des tirs de la Police Militaire.

Selon Jaime Amorim, le leader du MST de Pernambuco, l’idée est que d’autres mouvements, comme la Route Rurale, la Confédération nationale des Travailleurs de l’Agriculture (CONTAG) et les communautés des municipalités s’unissent durant une journée, afin de créer un large front de batailles.

Les impacts de la sécheresse, qui n’en est qu’au début, sont très graves : rivières et écluses/barrages sont à sec, la population n’a ni eau, ni nourriture, les récoltes de cette année sont perdues et de nombreux éleveurs de bétail vendent leurs troupeaux et migrent en ville.

Pour Jaime, l’absence de planification du gouvernement en rapport à la sécheresse est la grande responsable des graves conséquences qu’elle provoque dans la région. « Le gouvernement n’a pas de politique ni de planification pour affronter la sécheresse. Il va essayer de résoudre le problème d’une façon palliative, avec la Bolsa Estiagem (Bourse Sécheresse), qui donne 80 Réais par personne pour survivre un mois. Les données climatiques arrivent à prévoir une sécheresse comme celle-là des années avant qu’elle ne survienne, mais comme le gouvernement n’anticipe pas, en investissant dans des projets de captage et de stockage de l’eau, il finit par se confronter à une situation d’urgence telle que nous la voyons aujourd’hui. »

Selon Jaime, les assentados de la Réforme Agraire souffrent également du manque d’eau. Sans aucun investissement de la part du Ministère de l’Intégration ou de la Banque nationale de Développement Économique et Social (BNDES), ceux-ci n’ont pas les moyens d’acquérir les rations pour les troupeaux, et n’ont même pas d’eau ou de nourriture pour eux-mêmes. Les banques de la région ont commencé à offrir des crédits aux petits producteurs, mais il n’existe aucune forme de subvention pour ce crédit, ce qui endette les fermiers.

Pour le leader, il faut penser à résoudre la situation urgente dans laquelle la population se trouve, mais il est nécessaire de profiter du moment et adopter une planification structurelle pour éviter les sécheresses. « Le gouvernement devrait en ce moment rendre disponibles les camions citernes, distribuer les rations animales pour que les producteurs puissent maintenir leur bétail, une indemnité digne pour la population et subventionner le crédit pour les producteurs. »

Du point de vue structurel, principalement dans les assentamentos, le gouvernement devrait créer un prêt de développement dans les zones qui ont un potentiel d’irrigation, en investissant dans l’infrastructure, dans le processus de restructuration et de production.  »

São Francisco

Le travail de transposition du fleuve São Francisco, l’un des plus grands du Programme d’Accélération à la Croissance (PAC), tenu pour le gouvernement comme la solution à la sécheresse dans la région, est encore loin d’être terminé, et son efficacité est douteuse. Les données du Ministère de l’Intégration estiment que le coût de l’œuvre est déjà de R$8,3 milliards.

Selon l’ingénieur agronome et chercheur de la Fondation Joaquim Nabuco, João Suassuna, dans une interview au journaliste Leonardo Sakamoto, « le projet est inutile si l’on prend en compte les volumes d’eau existants dans les principaux barrages du Nordeste. Vu la façon dont le projet a été conçu et présenté à la société, avec la mesure des canaux pharaoniques, l’intention des autorités est claire : le bénéfice sera pour le grand capital, principalement pour les  irrigantes, les éleveurs de crevette, les industriels et les entrepreneurs. »

Il argumente, mettant en contrepoint que dans le « milieu rural, principalement en ce qui concerne l’approvisionnement des populations éparpillées- celles qui sont les plus nécessiteuses en terme d’accès à l’eau, on pourrait se prévaloir des technologies qui sont diffusées par l’ASA (Articulação do Semiárido), à travers l’utilisation de réservoirs ruraux, de barrages souterrains, de glaisière, de tranchées, du programme « deux eaux et une terre », des tunnels. »

Jaime Amorim acquiesce : « le travail est arrêté et ne sera peut-être jamais terminé. L’argent du chantier serait suffisant pour structurer les communautés du Nordeste et les prévenir de la sécheresse. Qui plus est, l’eau pour l’eau ne résout rien. Beaucoup de communautés vivent près du São Francisco ou de barrages qui n’ont pas séché, et les gens souffrent toujours du manque d’eau, car il n’y a aucune structure de captage de cette eau.  »

Tant que le problème de la sécheresse sera traité sous la forme d’urgence, la misère et l’inégalité dans la région ne feront qu’augmenter. « Les petits producteurs qui sont dans le besoin, commencent à vendre tout ce qu’ils possèdent, depuis leur animaux jusqu’à leur terre. Il y en a certains qui profitent de ce moment pour concentrer encore plus la terre», conclut-il.


[1] Nom donné aux terres d’abord occupées par les Sans Terre (acampamentos), puis obtenues officiellement par décision de justice (asentamentos).

Source: http://www.mst.org.br

Traduction: Cécile Fontaine

Pour soutenir concrètement le MST dans sa lutte, on peut écrire à Lucas Tinti, prointer@mst.org.br

Pour une information continue en français sur les activités du MST : https://mouvementsansterre.wordpress.com/

URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2012/07/12/le-mouvement-des-sans-terre-denonce-limpact-de-la-secheresse-dans-le-nordeste/



AMÉRIQUE LATINE – Souveraineté alimentaire : initiatives venues de la base.

Unité Productive « Filhos de Sepé » du Mouvement des Sans Terre du Brésil.

DIAL 3202

Juan Nicastro

samedi 7 juillet 2012, mis en ligne par Dial

La question de la souveraineté alimentaire est réapparue avec force sur le devant de la scène internationale avec les problèmes causés par la production à grande échelle d’agrocarburants [1]. La prise de conscience des effets destructeurs sur la planète d’une agriculture intensive ayant massivement recours aux engrais chimiques et aux pesticides a aussi conduit à une réflexion critique sur les pratiques agricoles et à des tentatives pour mettre en place d’autres modèles de production. Ce texte de Juan Nicastro [2] publié le 12 juin sur le site de Noticias Aliadas présente une série d’initiatives allant dans ce sens.

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Mouvements et organisations populaires engagent des actions pour faire évoluer les habitudes alimentaires.

Les formes de possession de la terre ou de l’eau, les cadres juridiques, la pression des nouvelles technologies promues par les multinationales agricoles, le niveau de compétence des mouvements populaires en matière d’agriculture et d’écologie, le degré d’autonomie dans l’approvisionnement en semences et en intrants agricoles, le changement climatique, la consommation alimentaire des grandes villes, l’approvisionnement et la distribution des produits, les réseaux de commercialisation, le niveau de mobilisation de la société contre les produits transgéniques, autant d’indicateurs qui, déterminants ou favorables, évoluent souvent dans un sens positif et révèlent une amélioration de la souveraineté alimentaire.

La réalité étant ce qu’elle est en Amérique latine, et au vu des effets des dictatures et de la vague néolibérale dans les années 1990, on constate que parvenir à la souveraineté alimentaire constitue une transformation sociale complexe qui ne se réduit pas à des questions de production agricole. C’est un processus qui conduit à encourager ou accompagner de profonds changements dans les formes d’alimentation, d’organisation entre les êtres humains et de relation avec la terre. Si le concept a gagné en publicité, pour de grands secteurs – surtout en milieu urbain –, la souveraineté alimentaire demeure un problème de paysans. À la lecture des intentions initiales, la tâche apparaît d’autant plus complexe.

Nous allons voir ci-après quelques exemples, des situations qui se répètent en divers endroits du continent et qui illustrent plusieurs de ces défis.

- À Córdoba, ville du centre de l’Argentine, est apparu un nouveau groupe de défenseurs de la souveraineté alimentaire, le Mouvement des agriculteurs urbains. Pour ce dernier, un changement s’impose dans les villes. Matías Sánchez, un de ses membres, explique à Noticias Aliadas que, « face au plat de nourriture que nous allons manger en ville, il faut reconnaître qu’il présente trois défauts graves : premièrement, le prix ; c’est un produit cher, fruit de spéculations mondiales plus que d’une vraie relation avec la production. Deuxièmement, ce plat n’a pas de vraie saveur, le choix repose sur des valeurs esthétiques ou publicitaires, il dépend de l’emplacement dans les rayons des supermarchés, et non des qualités nutritives. Et troisièmement, il est empoisonné, vicié par des produits chimiques d’un bout à l’autre du processus de transformation, de fabrication, d’approvisionnement, de conservation et d’emballage. En plus de revenir à une alimentation saine et accessible, nous voulons être des consommateurs responsables et, ensuite, des producteurs. Il est nécessaire que les citoyens réagissent. »

- Au Paraguay, la communauté El Triunfo, dans l’ouest du pays, est un exemple des 36 occupations de terres – représentant 7 000 hectares au total – réalisées par l’Association des agriculteurs du Haut Paraná (ASAGRAPA) vers 1989. El Triunfo dispose de 900 hectares qui sont la propriété collective de la communauté depuis 2002. Une partie de cette terre est réservée à un usage collectif – elle abrite deux écoles, un centre de formation et un hangar – et le reste est réservé à un usage privé. Il y a quelques années, les paysans se consacraient à la culture intensive du soja. Aujourd’hui, ils cultivent haricots, riz, maïs, manioc et toute sorte de légumes verts et plantes maraîchères. Chaque paysan détient entre sept et dix hectares, qu’il utilise pour sa propre consommation, pour des productions traditionnelles ou pour produire des légumes qu’il commercialise ensuite à la foire régionale de Ciudad del Este, capitale du département du Haut Paraná sur la frontière avec l’Argentine et le Brésil, afin de se procurer ce qu’il ne produit pas dans ses champs (huile, sel, outils, médicaments, etc.). D’une monoculture destinée à l’exportation, les paysans sont passés à une diversité de cultures ; ils ont délaissé les produits chimiques toxiques et ils apprennent des techniques de culture durable pour bonifier les sols et produire des aliments biologiques. D’une certaine façon, ils reprennent tout depuis le début et, lentement, les terres redeviennent extrêmement fertiles. Mais actuellement tout l’enjeu est de dépasser ce stade : il s’agit de consolider les communautés, d’engager des discussions sur de nouveaux modèles de communauté paysanne, de sensibilisation politique et d’organisation communautaire, pour développer les projets associatifs et communautaires. Dans cet esprit, les paysans considèrent que la propriété collective des moyens de production (terre, outillage, machines, camions pour écouler la production) leur garantit que, en dépit d’un usage privé de la terre, il ne se créera pas de différence au sein de la communauté.

- Dans le nord de l’Argentine, le Mouvement paysan de Santiago del Estero (MOCASE) a apporté la preuve de la relation entre la formation et les autres maillons de la chaîne qui conduit à la souveraineté alimentaire, en produisant de nouvelles propositions pédagogiques et de formation qui répondent aux besoins des jeunes paysans indiens et renforcent leurs capacités de leadership dans les communautés. Dans son centre situé à Quimilí, dans la province septentrionale de Santiago del Estero, l’École d’agriculture biologique accomplit depuis 2006 de belles avancées, école pensée dans le cadre d’un processus participatif auquel on a associé les centrales paysannes du MOCASE et du Mouvement national paysan indien (MNCI) pour encourager l’agriculture locale durable, consolider la production familiale et communautaire, promouvoir les échanges entre les jeunes du mouvement, développer les technologies et les sciences qui réduisent les incidences environnementales, élaborer des méthodes éducatives qui établissent une correspondance entre la production d’aliments biologiques et les marchés locaux, et valoriser l’art et le métier d’agriculteur en en soulignant les attraits.

Ángel Strappazón, dirigeant du MOCASE, a informé Noticias Aliadas que « le MNCI continue d’aller de l’avant, avec le lancement de l’Université paysanne qui œuvrera au niveau national à la formation de jeunes paysans, Indiens et travailleurs ruraux et urbains » et qui offrira des programmes dans les domaines de l’agriculture biologique, de la promotion de la santé communautaire, de la communication populaire, de l’enseignement agricole, et de la défense des droits humains à l’échelle territoriale. « Cette université préparera à la carrière d’ingénieur en agriculture biologique. Nous insistons sur la formation stratégique de jeunes, de cadres politiques, mais guidés par la possibilité d’appliquer un nouveau paradigme politique, celui de la souveraineté alimentaire, qui constitue indéniablement un des axes d’une nouvelle ère de civilisation, fondée sur la protection de la biodiversité, une production suffisante pour résoudre le problème de la faim, et l’écologie. Il s’agit de façonner un sujet politique nouveau. »

- Le Venezuela est, avec la Bolivie et l’Équateur, un des pays où la dynamique politique a fini par modifier les lois pour donner des conditions favorables à l’agriculture biologique. La Loi pour des pratiques agricoles intégrales saines dispose que « en vue de la transformation du modèle économique et social de la Nation, l’exécutif, par le biais de ses organes et services compétents, défendra l’agriculture biologique comme base scientifique de l’agriculture tropicale durable, à l’intérieur du système de production du pays, avec l’élaboration et l’exécution des projets nécessaires pour encourager et stimuler le processus de production d’aliments biologiquement de bonne qualité, en quantités suffisantes pour nourrir la population, et promouvoir l’enseignement et l’apprentissage de pratiques agricoles écologiques ».

Dans le même ordre d’idée, un accord passé avec Cuba a permis l’installation de 17 laboratoires de production d’engrais et d’agents de lutte biologiques pour une gestion écologique des systèmes de production agricole de l’Institut national pour des pratiques agricoles intégrales saines. Le laboratoire Cipriano Castro, par exemple, dans l’État occidental du Táchira, produit des intrants qu’il fournit gratuitement aux petits producteurs et réalise des enquêtes participatives dans les mêmes unités de production pour améliorer la qualité des intrants et vérifier le travail des producteurs qui adoptent cette technologie.

Mobilisation de l’unité productive « Filhos de Sepé » dans le cadre de la lutte pour la réforme agraire au Brésil.

- Au Brésil, depuis 1999, la colonie Filhos de Sepé, qui appartient au Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST), occupe 6 000 hectares à quelque 40 kilomètres de la ville de Porto Alegre, à l’extrême sud du pays. Elle rassemble 700 familles qui pratiquent une nouvelle forme de campement : des unités de 15 à 20 familles sont créées, dont les parcelles sont disposées en triangles qui convergent vers un « centre » de manière à ce que les habitations restent proches les unes des autres (pour les besoins des tâches collectives) mais que chaque paysan occupe la parcelle qui lui revient.

Les gens de Filhos de Sepé ont observé que non seulement la culture biologique de riz est rentable mais aussi que le rendement par hectare est exactement deux fois plus élevé qu’avec des produits toxiques. Ils ont renoué avec l’ancienne tradition consistant à utiliser des canards pour préparer la terre avant de la cultiver. « Les canards mangent toutes les herbes et nettoient le terrain beaucoup mieux que n’importe quel poison chimique, en plus de l’enrichir avec leurs excréments. Nous laissons pendant des mois les canards sur la terre pour qu’ils la préparent. Ensuite, au moment de semer le riz, nous les retirons puis nous les vendons ou les mangeons », a raconté Huli Zang, du MST, au cours d’un entretien avec le journaliste uruguayen Raúl Zibechi publié en 2006 par l’Agence latino-américaine d’information (ALAI) [3]. Mais se pose aujourd’hui le problème de la certification car ceux qui en sont chargés sont liés aux entreprises qui commercialisent des produits transgéniques. « La destruction des barbelés du domaine a été moins difficile que la lutte contre les moyens technologiques employés par les transnationales », déclarait Zang. La colonie Filhos de Sepé fête ses 14 années de travail sans produits toxiques.

Toute l’Amérique latine connaît une intensification du rejet des produits transgéniques, fréquemment sous la forme d’actions coordonnées entre divers mouvements sociaux. Cette union des forces du refus débouche sur une action coordonnée en faveur de nouvelles lois protectrices, de réseaux de commerce équitable, d’une production agricole biologique, d’une bonne santé communautaire, d’une éducation populaire, entre autres, ce qui accroît l’efficacité de la chaîne de production. Témoin le développement des réseaux de commerce équitable, où des personnes qui ont commencé en tant que militants « politiques » consomment et/ou produisent aujourd’hui des produits biologiques, ou soutiennent de différentes manières les circuits de distribution de produits respectueux de l’environnement.

Ces quelques exemples ne visent pas à passer sous silence des questions clés comme le fait que la souveraineté alimentaire sera impossible sans souveraineté sur le territoire, le débat sur le modèle agroalimentaire mondial et ses multinationales, la gravité du changement climatique ou l’accaparement de l’eau, entre autres. Mais il faut aussi considérer que, face à l’intensité de la crise mondiale, l’intérêt pour ces expériences concrètes participe de ce que le sociologue portugais Boaventura de Sousa Santos suggère lorsqu’il déclare que « la réalité est la somme de tout ce qui existe et de tout ce qui surgit en elle comme possibilités nouvelles et comme luttes pour sa concrétisation ».


- Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3202.
- Traduction de Gilles Renaud pour Dial.
- Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 12 juin 2012.

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Notes