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Visite de militant(e)s du Mouvement des Sans Terre en France et au Pays Basque : “au Brésil 1% de la population possède 72% des terres”
24 janvier 2023, 3:17
Filed under: Solidarité internationale

Qui êtes-vous?

Jeisse Costa Carvalho : Je viens de l’État du Roraima dans la région Amazonienne du Brésil. Je fais partie du collectif national de la jeunesse du Mouvement des Sans Terres (MST) et je suis étudiante en Politiques Publiques. Mes grands parents étaient paysans.

Wesley Lima : Je suis issu d’une famille de paysans de l’État du Sud de Bahia, installé sur des terres acquises par le biais de la réforme agraire. Ma famille produit du cacao et de la banane. Journaliste de profession, je suis membre de la direction nationale du MST.

Quel est l’objectif de votre séjour ?

J. C.C. : Nous avons été désignés par le MST pour venir découvrir les dynamiques autour de l’agriculture paysanne en France. Nous sommes arrivés le 5 novembre et nous repartons le 2 février. On s’intéresse, entre autre, au développement de la production bio en France et à la manière dont fonctionnent les coopératives. Pour l’instant, ce qui m’a le plus attiré l’attention ce sont les différentes manières de travailler la terre d’une région à une autre, tout en gardant une identification commune autour de l’agriculture biologique. Au Brésil nous avons encore beaucoup à faire dans ce sens.

W. L. : Il est aussi intéressant d’observer les processus d’organisation des paysans et paysannes autour d’autres thèmes comme la place des femmes et des personnes LGBT à la campagne. Nous avons par exemple rencontré deux militantes de la commission femmes de la Confédération paysanne.

Quel est la situation de l’agriculture au Brésil ?

J. C.C. : Cela dépend de la région. Dans la région Amazonienne par exemple où il y a beaucoup de végétation fructifère, les familles paysannes produisent des haricots pour l’autoconsommation tandis que les noix du Brésil sont une de leur principale source de revenu. Mais au Brésil il y a les deux extrêmes entre d’un côté l’agriculture vivrière et de l’autre l’agriculture tournée vers l’exportation de ce qu’on appelle les “commodities”, c’est à dire les matières premières agricoles.

W. L. : Au Brésil, 1% de la population possède 72% des terres agricoles, utilisées pour produire des “commodities” destinées à l’exportation : soja, canne à sucre et viande bovine principalement. Mais ce n’est pas cet agriculture qui arrive à la table des consommateurs. 70% de ce qu’on trouve sur les tables des brésiliens provient de l’agriculture familiale et notamment de la réforme agraire. Parler de la campagne brésilienne c’est parler des inégalités éco-sociales entre la classe travailleuse et le grand capital.

Le MST a été créé en 1984 sous le slogan “occuper est l’unique solution”

J. C.C. : Depuis la colonisation portugaise, notre histoire est marquée par les inégalités sociales qui se traduisent par des problèmes d’alimentation et d’accès à la terre. Ainsi, en 1985, le premier Congrès du MST a eu lieu sous le slogan “occuper est l’unique solution”. L’occupation des terres est notre principal outil de lutte, pas seulement pour dénoncer mais également pour reconquérir et redistribuer les terres à ceux qui n’y ont pas accès. En 38 ans de luttes du MST, 450 000 familles paysannes ont eu des terres par le biais de l’occupation et 120 000 autres familles sont en attente d’une solution juridique.

W. L. : Ma famille a par exemple obtenu des terres grâce à ce processus. Lorsque nous occupons des terres, nous déposons un dossier à l’INCRA, l’institut national de la réforme agraire, qui ensuite a la compétence de légaliser ces installations. Ces terres expropriées deviennent publiques et l’État octroie un droit d’usage à la famille pour qu’elle y travaille. On dit alors que la famille a accédé à la terre par le biais de la réforme agraire. Mais la terre est juste la première étape pour obtenir ce qu’on appelle “la dignité complète”, à savoir l’accès à l’éducation, à la culture, aux différentes infrastructures pour faciliter la production.

Vous avez également mené d’autres campagnes de luttes…

J. C.C. : Dans les banlieues, durant la pandémie du Covid, des millions de brésiliens se sont retrouvés en situation de faim. Lors de la crise sanitaire, le MST a alors distribué 7000 tonnes de nourriture et deux millions de repas, et construit plus de 50 cuisines solidaires. Par ailleurs, le MST produit 16 000 tonnes de riz bio par an à travers 160 coopératives que nous avons dans tout le pays.

W. L. : Une de nos campagne prioritaire du moment est la plantation d’arbres pour répondre à la déforestation engendré par les grands propriétaires. En un an, la déforestation a en effet augmenté de 350 %. Nous avons donc pour objectif de planter 100 millions d’arbres en dix ans.

Qu’attendez vous du retour de Lula à la tête du Brésil ?

J. C.C. : Cela nous donne un peu d’espérance mais il y a tellement de choses à faire pour changer ce modèle de dégradation de la nature et d’exploitation des travailleurs. Pour certains, malheureusement, la terre reste une simple marchandise source de profits. Je pense qu’un des avantages de Lula est que c’est une personnalité politique reconnue au niveau international. Ses relations avec les pays importateurs de nos matières premières seront importantes pour peser contre les producteurs de “commodities” destinées à l’exportation.

W. L. : Il y a quelques projets sociaux qui sont déjà dessinés : la bourse de la famille, des étudiants etc. Le problème est que Bolsonaro a bloqué les budgets de l’éducation, de la santé, du social. Il y a donc un défi administratif pour ajuster ces budgets.

Entretien paru dans Laborari, l’hebdomadaire du syndicat ELB, Euskal Laborarien sindikata, syndicat de défense des paysans du Pays Basque et de promotion de l’agriculture de qualité. Etxaldeak eta herriak bizi diten !

URL de cet article : https://mouvementsansterre.wordpress.com/2023/01/24/visite-de-militantes-du-mouvement-des-sans-terre-en-france-et-au-pays-basque-au-bresil-1-de-la-population-possede-72-des-terres/


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